Monaco-Matin

Tony Estanguet se livre sur Paris- à Monaco

De passage à Monaco, le futur président du Comité d’organisati­on de Paris-2024 s’est livré

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE DEPIOT Photos : Cyril DODERGNY

‘‘Les athlètes ont un vrai rôle à jouer dans l’organisati­on de ces Jeux ”

Brillant. C’est le qualificat­if qui le résume le mieux. L’adjectif qui vient à l’esprit lorsqu’on quitte Tony Estanguet, après vingt minutes d’interview. Passé de sa minimalist­e et frêle embarcatio­n de plastique à un espèce de ‘‘paquebot France’’ qui pèse des milliards, Tony Estanguet convainc. En costume-cravate, le triple champion olympique de canoë (--) est aussi à l’aise que lorsqu’il pagayait en eaux-vives. Du reste, ce Palois de  ans a vite compris qu’il allait lui falloir slalomer, aussi, et peut-être plus encore, sur la terre ferme ! Car les lanceurs d’alerte veillent. Ainsi, la facture (exagérée ?) du déplacemen­t de la délégation Paris à Lima pour , M€ et son salaire supposé de . € annuels, pour endosser le costume de président du Comité d’organisati­on des Jeux, ont-ils fait jaser. Tiquer. Aujourd’hui, ce n’est plus dans les pages de L’Equipe que l’on retrouve Estanguet, mais bien dans le Canard

Enchaîné ou sur le site de Mediapart... De tout cela et plus encore, l’ex-champion a bien voulu nous parler. A Monaco, où il est venu participer au e Forum des Athlètes Européens.

Quel rôle jouez-vous au Forum des Athlètes ? Mon premier mandat après ma carrière, c’était à la Commission des athlètes du CIO. Aujourd’hui, j’en suis vice-président, donc je viens rencontrer les différents représenta­nts des athlètes des pays européens pour discuter avec eux, notamment sur les logiques anti-dopage, le travail du CIO, leurs préoccupat­ions.

Aujourd’hui, Tony Estanguet, c’est davantage un officiel, un ‘‘politique’’ qu’un sportif dans l’âme ? Ecoutez, c’est à vous de me décrire. Moi j’essaie de rester le plus proche possible des athlètes, car je l’ai été pendant quatre Olympiades. Si je fais tout ça, c’est d’abord pour que le mouvement olympique reste connecté aux athlètes. Que les décisions qui sont prises, aillent dans leur sens.

Ce nouveau job, vous le portiez déjà en vous durant votre carrière ? Non, je n’imaginais pas du tout faire ça un jour ! Je me demandais comme beaucoup de sportifs, ce que serait mon aprèscarri­ère et c’est venu comme un déclic. J’avais envie de m’impliquer dans mon sport, aussi après avoir arrêté en , j’ai porté une candidatur­e pour la coupe du monde de canoë en France, qu’on a gagnée. Du coup, je suis devenu président du Comité d’organisati­on. Et tout le reste a suivi. J’avais envie d’apprendre, j’avais besoin de ça. Vous avez connu la pression du résultat sportif, aujourd’hui, c’en est une autre qui vous assaille. Notamment par médias interposés. Comment le vivez-vous ? Pour l’instant, je le vis bien. je sais que ça fait partie du job... De ce genre de projets qui sont très exposés médiatique­ment. Encore une fois, moi je suis droit dans mes bottes, j’avance, je suis ouvert à la critique, à la remise en question. C’était déjà le cas quand j’étais athlète. Et en même temps, j’ai des principes, je me bats pour. Je ne dévierai pas de cette mission, même s’il y a des polémiques qui naissent. On les gère et ça ne remet rien en question. Est-ce qu’un président du Comité d’organisati­on de Paris- doit être rémunéré à hauteur de .€ selon vous ? Je me suis déjà exprimé sur le sujet par rapport à ça. Il y a un comité de rémunérati­on avec des acteurs public et privés qui fixeront les niveaux de rémunérati­on. En fonction des enjeux et du marché. Car il faut avoir de bons profils pour réussir. Mais je ne vais pas du tout m’impliquer dans cette discussion, ce n’est pas mon rôle, il y a un conflit d’intérêt direct. Donc je sors de cette discussion.

Votre parcours nous rappelle celui d’un autre grand champion, Michel Platini. Lui aussi avait géré un grand événement, la Coupe du monde  en France, avant de prendre des responsabi­lités à l’UEFA. Mais l’on sait comment cela a fini... Y a-t-il un risque pour vous, Tony Estanguet ? (rires) Je n’avais pas pensé à la fin de votre question... Oui il y a un risque, forcément. Moi je m’appuie sur les expérience­s que j’ai pu avoir et qui m’ont marqué. Je ferai tout pour ne pas tomber et rester, encore une fois, dans les rails, dans mon couloir. Je sais pourquoi je fais tout ça, et j’ai envie de montrer que je suis capable de réussir. Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter pour moi.

Quand on se sait attendu à ce point, est-ce une émulation ou plutôt une pression négative ? Il y a vraiment une pression, je la ressens. On n’a pas le droit à l’erreur mais cette pression me plaît. Ça m’oblige à être bon, à me remettre en question. C’est comme ça que je vois mon mandat.

Qu’est-ce qui va être le plus dur dans cette préparatio­n des Jeux ? Gérer la complexité. Il y a beaucoup d’acteurs et de processus, tout cela amène naturellem­ent de la complexité. En même temps, je pense qu’il faut simplifier les choses, ne pas vouloir surcharger les équipes. Pour moi, l’enjeu va être de prioriser des objectifs clairs. Parce que, organiser les Jeux, ce n’est pas non plus sauver le monde (il sourit) !

Quand vous dites aux Français, ‘‘on va tenir le budget qu’on s’est fixé’’, quelle raison a-t-on de vous croire, quand on sait qu’Athènes, Pékin, Londres, Rio ont explosé les leurs ? Ecoutez, moi ce que je peux dire c’est qu’il faut juger sur des faits. Et les faits ont montré que pendant la candidatur­e, on a tenu notre budget, voire même que l’on va restituer une partie des subvention­s publiques reçues (ndlr,  M€ seront reversés). Ça montre qu’il y a une bonne gestion. On va la continuer et la poursuivre. A priori aujourd’hui, il n’y a pas à s’inquiéter sur un dépassemen­t des coûts (ndlr, , milliards d’euros).

Vos prochaines priorités ? Structurer le Comité d’organisati­on, que l’on veut présenter en janvier . Ça veut dire d’abord dissoudre la candidatur­e. Par exemple, il y a un plan de licencieme­nts et plein de choses à mettre en oeuvre. Et en parallèle, créer le Comité d’organisati­on et la structure pour la livraison des équipement­s olympiques (ndlr, déjà nommée Solidéo). Notre modèle d’organisati­on doit être flexible, efficace et en même temps, il doit nous protéger. On ne doit pas créer une usine à gaz...

Un ancien sportif a-t-il le bagage suffisant pour mener ce chantier XXL ? C’est un travail d’équipe. Là aussi, il faut raison garder et montrer que la Ville de Paris, la Région, l’Etat ont envie que ça marche. Ils nous accompagne­nt sur tout et en même temps, je crois que les athlètes ont un vrai rôle à jouer en amont. J’ai bien conscience qu’aujourd’hui, on doit restaurer la confiance avec la population, avec l’opinion publique. Quel rôle peuvent jouer les athlètes, et à quels niveaux ? Tous les rôles. Beaucoup de salariés dans les équipes de la candidatur­e étaient des athlètes. Le directeur général était un olympien, le directeur des sports était un olympien, on avait à des postes clés, des athlètes. Pour moi, ils sont légitimes pour délivrer les Jeux. Et je veux m’entourer d’eux.

Vous avez déclaré que ces Jeux devaient redorer l’image de la France. Mais l’image de la France a-telle besoin d’être redorée ? On veut donner une image d’excellence, montrer que la France est un grand pays, qu’elle peut organiser de beaux Jeux, de fédérer la population autour d’un marqueur fort qu’est le sport.

Vous avez un job jusqu’en , et après ? (rires) Et après je ne sais pas... Déjà, c’est la première fois que j’ai un job pour six ans, donc je suis déjà soulagé avec ce cap de . Vous savez, les Jeux ont changé ma vie, et j’ai envie qu’ils changent un peu la vie de ce pays.

Un clin d’oeil pour conclure Tony : depuis quand n’avez-vous plus touché une pagaie ? (sourire) Pas très longtemps en fait. C’était la semaine dernière. J’aime ça et j’en ai besoin. J’espère continuer le plus longtemps possible.

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