La grogne girondine
Ils ne descendront jamais dans la rue pour protester mais leur mauvaise humeur ne cesse de grandir. Les présidents de conseils régionaux en septembre, les présidents des Départements rassemblés à Marseille ces jeudi et vendredi, les maires, qui seront réunis en congrès dès novembre, râlent à l’unisson contre le pouvoir. Comme souvent, c’est le nerf de la guerre – l’argent – qui éclaire ces tensions. Elles ont d’ailleurs conduit le Premier ministre, Édouard Philippe, à lâcher un peu de lest hier aux élus départementaux sur un dossier brûlant : l’hébergement des mineurs étrangers non accompagnés. L’explosion des demandes aurait coûté un milliard d’euros supplémentaire aux départements depuis un an. Le chef du gouvernement a donc promis millions d’euros de crédits nouveaux, loin du compte il est vrai. Il n’est donc pas sûr que cette annonce – pas plus que la promesse de créer un fonds d’urgence pour les départements en difficulté – calme les esprits. Car, depuis la conférence sur les territoires organisée en juillet dernier par Emmanuel Macron, tout va de travers entre l’État et les collectivités locales.
« On comprend que le pouvoir se préoccupe de la situation financière de ce mille-feuille administratif et politique. En 2016, d’après la Cour des comptes, l’État a transféré aux collectivités locales pas moins de 101 milliards d’euros ! »
On comprend que le pouvoir se préoccupe de la situation financière de ce mille-feuille administratif et politique. En , d’après la Cour des comptes, l’État a transféré aux collectivités locales pas moins de milliards d’euros ! Elles représentent aujourd’hui % de la dépense publique et % de la dette. Ces sommes considérables doivent être d’autant plus sous contrôle que ces collectivités sont aussi tenues par les engagements européens de notre pays pour redresser ses comptes publics. C’est là, cependant, que le bât blesse. Cette France du bas en a assez de recevoir leçons et admonestations de la France du haut, désormais moins exemplaire qu’elle dans la gestion de ses finances. Les chiffres relevés dans son dernier rapport par la Cour des comptes en témoignent. L’État a mis ces collectivités au régime sec : la Dotation globale de fonctionnement qu’il leur verse est passée de , milliards d’euros en à , en , les communes étant les plus affectées. Alors que le RSA, dont les Départements ont la charge, explose, l’État ne leur a versé en que % des sommes promises. En outre, depuis deux ans, après il est vrai années passées à les augmenter et à recruter de nouveaux effectifs, leurs dépenses de fonctionnement enfin diminuent : moins , % en tandis que leurs recettes fiscales augmentaient de , %. Résultat, leur capacité de financement a atteint , milliards l’an dernier contre , milliard en . Bref, il est évident que les collectivités locales sont entrées dans un cercle vertueux et ont peu de leçons en ce domaine à recevoir d’un État encore trop dispendieux.