Philharmonique : Grand messe, hier, en l’Auditorium Rainier III
Deux cents personnes sur scène pour nous faire entendre la première audition en Principauté de la monumentale « Messe glagolitique » de Janacek
Au fond de la scène de l’auditorium Rainier III a pris place la centaine des choristes du Choeur Philharmonique Slovaque, venus tout exprès de leur capitale Bratislava. Devant eux a été installé un grand orgue électrique, avec ses claviers, son pédalier, son pupitre de registration digne d’un tableau de bord de jet, et sa batterie de haut-parleurs répartis sur les côtés de la scène. Aux commandes est assis un organiste venu de Birmingham, Thomas Trotter. Au milieu de la scène a pris place, bien sûr, l’imposant Philharmonique de Monte-Carlo, fort d’une centaine de musiciens. Et devant l’orchestre, quatre solistes chanteurs : la soprano suédoise Erika Sunnegardh, la mezzo russe Julia Gertseva, le ténor slovaque Ludovit Ludha et le Peter Mikulas. Il y a quelque deux cents personnes sur scène. Le spectacle de cette foule prête à jouer et chanter est impressionnant. Il ne reste plus qu’au chef d’orchestre à entrer.
Fanfares du Jugement dernier
Le voici : Juraj Valcuha, chef slovaque surdoué, démarche souple, allure de grand adolescent. Il a une trentaine d’années et est déjà directeur musical de l’Opéra de Naples. Il va nous faire entendre pour la première fois à Monte-Carlo cette grande oeuvre du XXe siècle qu’est la « Messe glagolitique » du grand compositeur tchèque Janacek. L’oeuvre doit son nom bizarre au fait que le texte sacré, qui a été mis en musique, était écrit à l’origine dans l’alphabet ancien qui a précédé le cyrillique et qui s’appelait le « glagolitique ». On en apprend, des choses, en allant au concert ! Le chef baisse la baguette et, tout de suite, retentissent des fanfares du Jugement dernier. On est aussitôt dans l’ambiance ! Ah, la « Messe glagolitique » n’a rien d’une messe basse ! Elle vous prend en tempête. La clameur des choeurs vous assaille, soutenue par des roulements de timbales ou par les répliques du grand orgue, relayée par les phrases enflammées des solistes chanteurs. Mais il y a aussi des passages en douceur, des moments presque bucoliques où passent des flûtes ou des hautbois champêtres et où les choeurs répandent un murmure mélancolique. Il y a tout cela dans l’oeuvre que nous avons entendue hier. Elle a été menée de main de maître par le jeune chef slovaque. En deuxième partie du concert, hier, l’ambiance était plus romantique avec les splendides « Danses symphoniques » de Rachmaninov. Mais à la fin de cette oeuvre passent, alors qu’on ne s’y attend pas, les notes bien reconnaissables du Dies Irae – celles du Jugement dernier. On croit être soudain revenu aux propos glagolitiques du début du concert ! Nouveau tonnerre d’applaudissements. Cette fois-ci, la messe est dite…