Les logiciels, une richesse inestimable à protéger Innovation
Incubé par Inria, le projet Software Heritage, un enjeu majeur et de portée mondiale, a été présenté à Sophia. Il s’agit de faire la bibliothèque d’Alexandrie du logiciel
Al’occasion de ses cinquante ans, Inria rend hommage à tous ceux qui ont fait le centre de recherche et se tourne aussi vers demain qui sera, inéluctablement, numérique. Le Software Heritage piloté par Roberto Di Cosmo est l’exemple parfait de cette dualité passé-futur. Soutenu et financé dès ses débuts en 2014 par Inria, ce projet d’envergure mondiale a vocation de construire l’archive universelle de tous les codes source et logiciels jamais inventés. D’ériger « la bibliothèque d’Alexandrie du logiciel ». Les explications de Roberto Di Cosmo.
Pourquoi sauvegarder des logiciels ?
Parce qu’ils sont partout : on en a besoin pour communiquer, informer, commercer, faire fonctionner des machines… Avec la généralisation de l’Internet des objets, ce phénomène va aller en s’amplifiant. Dans toutes les disciplines de la science moderne, on ne peut rien faire sans utiliser de logiciel. Il incarne une partie croissante de notre patrimoine culturel et de notre connaissance. A titre d’exemple, en 1969, le système de contrôle de vol d’Apollo 11 a nécessité 60 000 lignes de code. Aujourd’hui, le noyau Linux d’un smartphone Android en contient 20 millions.
Quelle est l’urgence ?
Le logiciel est un élément disruptif dans l’histoire de l’humanité. On peut encore lire un livre écrit au Moyen Age mais qui peut encore Le Wikipédia du logiciel ou la bibliothèque d’Alexandrie du logiciel. Le Software Heritage piloté par Roberto Di Cosmo est un projet gigantesque incubé depuis ses débuts par Inria.
lire un floppy disk des années 80 ? Autre problème : les logiciels libres et codes sources les constituant sont éparpillés sur des dizaines de plateformes de développement qui peuvent fermer comme Source Forge, très populaire il y a dix ans et qui, aujourd’hui, a pratiquement disparu. Nous n’avons pas conscience de la richesse de notre patrimoine logiciel. Résultat : il n’y a pas un seul catalogue où sont indexés tous les logiciels existants. Il n’y a pas d’archives non plus. La fragilité des logiciels est un autre problème : le matériel peut être perdu, détérioré ou soumis à des cybermenaces. D’où l’importance de créer une plateforme universelle,
Louverte, de catalogage, d’archivage et de recherche pour étudier notre patrimoine logiciel sur lequel repose toute l’industrie moderne.
Quelles missions ?
Le Software Heritage a pour mission de récolter tous les logiciels disponibles sous forme de code source avec leur histoire de développement complète. La construction de la plus grande base de connaissance de logiciels permet un meilleur développement et réutilisation des logiciels pour la société et l’industrie. Cela favorise une science meilleure, en fournissant la plus grande base de code pour la recherche sur les logiciels. ’Iria a été créé en 1967 à à l’occasion du plan Calcul voulu par le Général de Gaulle, rappelle Antoine Petit, pdg de l’Inria, présent sur la technopole lors de la présentation du Software Heritage. Ce n’est qu’en 1979 qu’on lui a rajouté le « n » de national. Son slogan ? « L’excellence scientifique au service du transfert technologique de la société. » Inria Sophia Antipolis Méditerranée est présent sur la technopole depuis 1981 et comptait alors 10 personnes. Aujourd’hui, il accueille 645 personnes dont 500 scientifiques répartis dans 35 équipes de recherche. Trois chantiers importants se profilent pour Sophia, rappelle le pdg d’Inria. « L’UCAJedi qu’Inria accompagne dès le premier jour. Il faut réfléchir sur les relations qu’une université à vocation mondiale peut avoir avec un institut national comme le nôtre. Les missions ne sont pas les mêmes mais il faut trouver une complémentarité et des modes de fonctionnement harmonieux bénéficiant à l’économie. » Autre chantier, la plateforme InriaTech
Moment charnière
Nous sommes à un moment charnière de l’histoire des technologies informatiques. Si de nombreux logiciels importants de l’histoire de l’informatique sont égarés, oubliés, la plupart des pères fondateurs de la discipline sont encore vivants et peuvent aider à les retrouver. On ne peut pas réssuciter Pythagore ou Archimède et leur poser des questions mathématiques. En revanche, on peut encore tout récupérer en informatique.
Où en est-on ?
Certains codes sont en open source et facilement accessibles ; d’autres sont off-line et protégés par des licences… qui identifie les besoins des PME et les aiguille dans la bonne direction. Enfin, le centre de Sophia va changer de directeur. Gérard Giraudon, après plus de onze ans à la tête du centre, sera remplacé par David Simplot-Ryl à partir du 1er janvier 2018. Le Software Heritage a pour vocation de tous les archiver. Ont déjà été collectés près de 4 milliards de fichiers de code source unique et 700 millions d’engagements uniques couvrant près de 65 millions de projets provenant de multiples plateformes de développement logiciels. Cela montre que toutes les parties prenantes – individus, entreprises, entités publiques ou privées – peuvent contribuer activement à celle mission. Software Heritage a déjà pour partenaires de grandes entreprises comme Microsoft, Intel ou encore la Société Générale et Huawei. Mais aussi l’université de Bologne (Italie), le gouvernement français et l’organisation à but non lucratif Creative Commons... La plateforme fonctionne sur les principes même du logiciel libre : ouverte à tous, elle doit être participative.
Reconnaissance
Le Software Heritage qui deviendra bientôt une organisation indépendante à but non lucratif a pris une nouvelle dimension en avril. Un partenariat signé entre Inria et l’Unesco soutient le Software Heritage. L’organisation internationale reconnaît le logiciel libre comme patrimoine immatériel de l’humanité. Et depuis fin septembre, le Mauritius Call incite les pays et les gouvernements à prendre en compte les codes sources et les logiciels. Le Wikipédia du logiciel est en cours de construction.