Monaco-Matin

Le casse-tête du glyphosate se prolonge pour l’UE

- CLAUDE WEILL

L’UE n’a pas trouvé, hier, de solution qui permette de rassembler une majorité d’États membres sur le sort du glyphosate, renvoyant la décision sur cet herbicide controvers­é, dont la licence expire en décembre, à une date ultérieure. « Plusieurs options ont été discutées » ,adéclaré, sans plus de détails, une porteparol­e de la Commission. L’exécutif européen espérait pourtant organiser un vote, hier, à l’occasion d’une réunion à huis clos d’un comité d’experts représenta­nt les 28. Il va maintenant prendre le temps de « réfléchir » avant de proposer « sous peu » une nouvelle date de réunion. Le ministère danois de l’Environnem­ent a expliqué sur Twitter qu’il avait été « impossible de s’entendre sur la propositio­n de la Commission ».

Une « responsabi­lité partagée »

Cette dernière a abandonné son premier projet, qui était de proposer une reconducti­on de l’autorisati­on du glyphosate pour 10 ans. La saga dure depuis plus de deux ans dans l’UE. Agacée de voir les États membres se défiler, la Commission répète inlassable­ment depuis l’été que la décision doit être une « responsabi­lité partagée ». Elle en a pris plus d’un par surprise en annonçant mardi après-midi qu’elle était désormais ouverte à une autorisati­on pour entre cinq et sept ans. Plusieurs États membres – France, Autriche, Italie, Belgique – ont publiqueme­nt exprimé leur opposition à une autorisati­on valable pour encore une décennie. Il suffit parfois de se balader sur les réseaux sociaux pour être pris de nausée. Hier, au détour de Twitter, on tombe sur une photo prise devant une université parisienne où l’on voit un véhicule publicitai­re portant une immense affiche ainsi formulée, dans un français approximat­if mais non

moins explicite : « Hey les étudiant(e)s ! Romantique, passion et pas de prêt étudiant, SORTEZ AVEC UN SUGAR DADDY - SUGAR MAMA ». Besoin de sous-titres ? Alors mettons les points sur les « i ». Un « sugar daddy », ce n’est pas un papa gâteau : c’est un homme d’âge mûr qui, moyennant cadeaux ou autres rétributio­ns, se paie une jeune maîtresse – ou un jeune amant (c’est selon). Une « sugar mama », c’est son homologue féminin. En clair, ce que dit le message publicitai­re, c’est : vous êtes dans la dèche, vous avez du mal à financer vos études, monnayez donc vos services à un vieux friqué. Le conseil, on l’aura deviné, n’a rien de désintéres­sé. Il renvoie à un site de rencontre à l’intitulé non moins explicite : richmeetbe­autiful.com, en bon français

« riches rencontren­t beaux ». Quitte à ce que des jeunes gens en détresse en soient réduits à cette extrémité, autant en tirer profit, n’est-ce pas ?

« Provoquer le scandale pour créer le buzz et faire parler de soi, c’est une technique de marketing bien rôdée. Ce n’est pas une raison pour se taire. Ni pour baisser les bras. »

« En ces temps difficiles, il convient d’accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteu­x », écrivait Chateaubri­and. En l’occurrence, pourtant, cela s’impose. Car ce site, nous y sommes allés. Et son

contenu est proprement répugnant. « Trouvez une sugar baby ou un sugar daddy près de chez vous aujourd’hui ! Plus de   membres français. Quatre femmes par homme », y lit-on. Et encore : « Qu’est-ce qu’un sugar daddy ? Des hommes et des femmes qui […] aiment à avoir à leur côté de la compagnie séduisante. L’argent n’est pas un problème, ils savent se montrer généreux lorsqu’il s’agit de soutenir une sugar baby » .Plusloin: « Avec   sugar babies à la recherche d’un sugar daddy, vous pouvez trouver votre sugar baby idéale facilement. Recherchez par ethnie, âge […]. Vous vous sentirez dix ans plus jeune et revigoré avec une sugar baby ardente à vos côtés ». On sait que la précarité en milieu étudiant est un sujet brûlant. Et la prostituti­on, un phénomène qui tend à se développer. On n’imaginait pas que des margoulins auraient l’idée d’en faire un business. À ce degré d’obscénité, on hésite entre colère, dégoût et ahurisseme­nt. Et on se dit qu’avec l’affaire Weinstein et ses développem­ents, on est encore très loin d’avoir exploré tous les mécanismes d’exploitati­on, de prédation et de sexisme qui sont en jeu dans une relation apparemmen­t consentie, en fait humiliante et déséquilib­rée, car fondée sur la vulnérabil­ité d’un des partenaire­s. Abus de pouvoir, abus d’autorité, abus de fric, c’est tout un : toujours une histoire de dominant et de dominé(e). L’auteur de ces lignes n’étant pas plus stupide qu’un autre, ni plus naïf, il n’ignore pas que par cet article, il participe à son corps défendant au plan com des créateurs du site en question. Provoquer le scandale pour créer le buzz et faire parler de soi, c’est une technique de marketing bien rôdée. Ce n’est pas une raison pour se taire. Ni pour baisser les bras. En Belgique, en septembre dernier, devant la vague d’indignatio­n et la multiplica­tion des plaintes en justice, richmeetbe­autiful a dû retirer sa campagne de pub, déjà interdite par le ministre-président de la région de Bruxelles. Le responsabl­e du site, un Norvégien, a été convoqué par le parquet. Une enquête pénale a été ouverte. De même, la mairie de Paris a réagi très vite, indiquant hier qu’elle travaillai­t avec la Préfecture de police pour « faire disparaîtr­e de nos rues cette publicité

honteuse ». C’est bien le moins. Mais ce n’est pas seulement la campagne de pub qui doit disparaîtr­e.

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