Le casse-tête du glyphosate se prolonge pour l’UE
L’UE n’a pas trouvé, hier, de solution qui permette de rassembler une majorité d’États membres sur le sort du glyphosate, renvoyant la décision sur cet herbicide controversé, dont la licence expire en décembre, à une date ultérieure. « Plusieurs options ont été discutées » ,adéclaré, sans plus de détails, une porteparole de la Commission. L’exécutif européen espérait pourtant organiser un vote, hier, à l’occasion d’une réunion à huis clos d’un comité d’experts représentant les 28. Il va maintenant prendre le temps de « réfléchir » avant de proposer « sous peu » une nouvelle date de réunion. Le ministère danois de l’Environnement a expliqué sur Twitter qu’il avait été « impossible de s’entendre sur la proposition de la Commission ».
Une « responsabilité partagée »
Cette dernière a abandonné son premier projet, qui était de proposer une reconduction de l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. La saga dure depuis plus de deux ans dans l’UE. Agacée de voir les États membres se défiler, la Commission répète inlassablement depuis l’été que la décision doit être une « responsabilité partagée ». Elle en a pris plus d’un par surprise en annonçant mardi après-midi qu’elle était désormais ouverte à une autorisation pour entre cinq et sept ans. Plusieurs États membres – France, Autriche, Italie, Belgique – ont publiquement exprimé leur opposition à une autorisation valable pour encore une décennie. Il suffit parfois de se balader sur les réseaux sociaux pour être pris de nausée. Hier, au détour de Twitter, on tombe sur une photo prise devant une université parisienne où l’on voit un véhicule publicitaire portant une immense affiche ainsi formulée, dans un français approximatif mais non
moins explicite : « Hey les étudiant(e)s ! Romantique, passion et pas de prêt étudiant, SORTEZ AVEC UN SUGAR DADDY - SUGAR MAMA ». Besoin de sous-titres ? Alors mettons les points sur les « i ». Un « sugar daddy », ce n’est pas un papa gâteau : c’est un homme d’âge mûr qui, moyennant cadeaux ou autres rétributions, se paie une jeune maîtresse – ou un jeune amant (c’est selon). Une « sugar mama », c’est son homologue féminin. En clair, ce que dit le message publicitaire, c’est : vous êtes dans la dèche, vous avez du mal à financer vos études, monnayez donc vos services à un vieux friqué. Le conseil, on l’aura deviné, n’a rien de désintéressé. Il renvoie à un site de rencontre à l’intitulé non moins explicite : richmeetbeautiful.com, en bon français
« riches rencontrent beaux ». Quitte à ce que des jeunes gens en détresse en soient réduits à cette extrémité, autant en tirer profit, n’est-ce pas ?
« Provoquer le scandale pour créer le buzz et faire parler de soi, c’est une technique de marketing bien rôdée. Ce n’est pas une raison pour se taire. Ni pour baisser les bras. »
« En ces temps difficiles, il convient d’accorder notre mépris avec parcimonie, tant nombreux sont les nécessiteux », écrivait Chateaubriand. En l’occurrence, pourtant, cela s’impose. Car ce site, nous y sommes allés. Et son
contenu est proprement répugnant. « Trouvez une sugar baby ou un sugar daddy près de chez vous aujourd’hui ! Plus de membres français. Quatre femmes par homme », y lit-on. Et encore : « Qu’est-ce qu’un sugar daddy ? Des hommes et des femmes qui […] aiment à avoir à leur côté de la compagnie séduisante. L’argent n’est pas un problème, ils savent se montrer généreux lorsqu’il s’agit de soutenir une sugar baby » .Plusloin: « Avec sugar babies à la recherche d’un sugar daddy, vous pouvez trouver votre sugar baby idéale facilement. Recherchez par ethnie, âge […]. Vous vous sentirez dix ans plus jeune et revigoré avec une sugar baby ardente à vos côtés ». On sait que la précarité en milieu étudiant est un sujet brûlant. Et la prostitution, un phénomène qui tend à se développer. On n’imaginait pas que des margoulins auraient l’idée d’en faire un business. À ce degré d’obscénité, on hésite entre colère, dégoût et ahurissement. Et on se dit qu’avec l’affaire Weinstein et ses développements, on est encore très loin d’avoir exploré tous les mécanismes d’exploitation, de prédation et de sexisme qui sont en jeu dans une relation apparemment consentie, en fait humiliante et déséquilibrée, car fondée sur la vulnérabilité d’un des partenaires. Abus de pouvoir, abus d’autorité, abus de fric, c’est tout un : toujours une histoire de dominant et de dominé(e). L’auteur de ces lignes n’étant pas plus stupide qu’un autre, ni plus naïf, il n’ignore pas que par cet article, il participe à son corps défendant au plan com des créateurs du site en question. Provoquer le scandale pour créer le buzz et faire parler de soi, c’est une technique de marketing bien rôdée. Ce n’est pas une raison pour se taire. Ni pour baisser les bras. En Belgique, en septembre dernier, devant la vague d’indignation et la multiplication des plaintes en justice, richmeetbeautiful a dû retirer sa campagne de pub, déjà interdite par le ministre-président de la région de Bruxelles. Le responsable du site, un Norvégien, a été convoqué par le parquet. Une enquête pénale a été ouverte. De même, la mairie de Paris a réagi très vite, indiquant hier qu’elle travaillait avec la Préfecture de police pour « faire disparaître de nos rues cette publicité
honteuse ». C’est bien le moins. Mais ce n’est pas seulement la campagne de pub qui doit disparaître.