Monaco-Matin

Un clip de rap niçois contre les violences sexistes

Kaotik, le rappeur nissart qui a conquis IAM, sort demain la bande-annonce du clip de Femme forte. Un morceau inspiré de sa propre mère, écrit bien avant le phénomène #BalanceTon­Porc

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

En France, une femme meurt tous les trois jours, victime de violences conjugales. » Ainsi commence le clip. On pourrait croire à un spot télévisé du ministère de la Justice, ou d’une associatio­n de protection des victimes. Il n’en est rien. Le film qui va suivre n’est autre qu’un clip de rap. Du rap made in Nice qui dénonce un fait de société national – voire mondial. Une mère aux petits soins avec ses enfants. Un compagnon qui sèche son verre de pastis au coin du zinc, puis rejoint leur domicile. Dispute. Coups. Panique. Puis l’hôpital, la prison... Tel est le décor sombre et réaliste de Femme forte, le nouveau clip de Kaotik, le rappeur niçois qui a conquis IAM. Un mini-film coup-de-poing contre les violences faites aux femmes. Il sortira le 25 novembre, journée internatio­nale dédiée à cette cause. Mais une bande-annonce sera mise en ligne sur YouTube ce samedi. Ce, en pleine libération de la parole face aux violences sexistes – libérée comme les paroles du rap.

« Je revois ma mère... »

Kaotik, lui, n’a pas attendu l’affaire Weinstein et le phénomène #BalanceTon­Porc pour s’insurger. Cet enfant de la Ddass, dont le nom d’artiste évoque sa propre enfance, n’a eu qu’à puiser dans son vécu. « Ce film est dédié à ma mère, morte en 2009, qui fut victime de ces violences conjugales. Mais aussi à toutes les femmes du monde. Même s’il en existe sans doute, je ne connais aucune chanson qui traite des violences faites aux femmes... » « Kao » raconte. La gorge nouée, il évoque cette soirée maudite où sa mère l’appelle, affolée. Il accourt avec des amis. Découvre le verre brisé, les traces de sang, et sa mère « ivre, le visage tuméfié, éclaté, une dent cassée... Elle s’était fait tabasser. Une bagarre d’ivrognes. » Le fils révolté ira en découdre avec l’agresseur. Mais sa mère prendra le parti de ce dernier. « Kao » ne lui a plus jamais adressé la parole : « À l’époque, je lui en ai voulu. »

La fiction pour parler vrai

À travers Femme forte, ce rappeur de 34 ans, qui transpire l’émotion à fleur de mots, a choisi la fiction pour exorciser ses vieux démons. « Je me suis caché derrière la fiction. Je ne veux pas parler de ce sujet à la première personne. Mais quand je chante, je ne l’interprète pas: je le vis. Et ça me fait du bien! » Prêcher le bien, là où ça fait mal. Tel est le credo de Kaotik. « Dénoncer ces tabous. 90 % des victimes ne parlent pas... Parce qu’il y a une certaine honte. Ça se joue à tous les niveaux, dans tous les milieux. Mais la société est en train de changer. Pour moi, quand des députés sifflent une femme à l’Assemblée parce qu’elle vient en robe [ndlr: scène vécue en 2012 par Cécile Duflot, alors ministre], ils n’ont rien à faire là ! » Rap conscient. Message sociétal. On est loin des clichés sexistes et violents qui collent au rap, clichés que « Kao » veut « casser ». Son modèle à lui, ce sont les grands frères marseillai­s d’IAM, chez qui il a enregistré son futur album – Shuriken et Saïd y figurent. « Le rap, à l’origine, c’est un gars du Bronx qui joue avec deux bâtons sur un bidon renversé pour raconter sa journée ! C’est ce réel que je veux raconter. » Et pour le dire en images, Kaotik a réussi un petit tour de force : réaliser ce clip « pour zéro euro » .Une histoire de potes. Avec le réalisateu­r Sylvain Giauffret à la baguette. Avec le jeu de Sabrina Salhi, Eddy Moncuquet, Manon Cristini-Viale, Tom et Fabienne Valero, Marianne Dudal. Avec le soutien, aussi, des responsabl­es du CHU et de la maison d’arrêt de Nice, ainsi que de la Chanceller­ie, nécessaire pour tourner certaines scènes à l’hôpital Pasteur et derrière les barreaux. À l’écran, le compagnon violent, « le monstre » de la chanson, ne dévoile jamais son visage. «Un choix artistique, pour montrer que le mal peut venir de n’importe quel homme. » Kaotik, lui, y apporte sa fougue, sa sincérité d’écorché vif. Le rappeur préféré de l’OGC Nice – l’ex-Aiglon Romain Genevois l’a pris sous son aile – y atteint son but : surprendre et émouvoir.

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(Photo Franck Fernandes) Kaotik avec son petit Kylian devant l’hôpital Pasteur , à contre-pied des clichés du rap.

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