INTERVIEW « Si tout le monde bafoue les règles, c’est le Far West ! »
Présent au Sportel à Monaco, Javier Tebas, président de La Liga, opposant farouche du PSG et de Manchester City, est revenu sur son été agité à l’occasion du transfert de Neymar...
Plutôt bien ! On a doublé nos revenus en trois ans, passant de millions d’euros à , milliard pour le produit audiovisuel. On pense pouvoir monter dans les prochaines années à , voire , milliards.
Qu’est-ce qui vous manque encore, pour être au niveau des Anglais ? Si tu parles sportivement, rien bien sûr ! La question devrait être posée à l’envers, non ? (rires) Au niveau économique, c’est autre chose. En ce qui concerne l’audiovisuel, il faut différencier l’aspect national de l’international. En Espagne, pour être aussi forts que l’Angleterre, il faudrait qu’on ait millions d’habitants en plus. Et comme on ne fait pas de politique de natalité à La Liga, je ne peux hélas rien y faire (sourire)...
C’est perdu d’avance ? Non, ce que je peux, c’est améliorer le taux de pénétration des abonnements audiovisuels. En Europe, l’Espagne reste le pays qui a le plus faible taux de télévision payante.
On a l’impression que les différentes Ligues ne cherchent qu’une chose : brasser encore et toujours plus d’argent ! Ce qui est clair, c’est qu’on veut davantage d’argent afin d’avoir les meilleurs joueurs pour notre compétition.
Vous avez été président de deux clubs (Huesca, Badajoz, NDLR), ça vous aide en quoi aujourd’hui ? En club, la gestion est à court terme. Président de club, tu réfléchis à la fin de semaine, à la saison. Une Ligue, c’est du placement à long terme. La gestion n’a rien à voir. En club, tu peux très bien tout planifier, mais si deux joueurs se blessent, que le troisième se fait plaquer par sa copine et que d’autres sont des gros fêtards, alors tu n’y arrives pas, même si tu as fait venir de grands joueurs... Il y a trois ans, on perdait M€ ! On a fait un gros boulot au niveau des droits télé. On n’a pratiquement plus de dettes, on est au même ratio que la Bundesliga (Allemagne).
Cet été, le football français vous a découvert, lorsque vous avez refusé de donner la lettre de sortie de Neymar, pour qu’il puisse jouer à Paris. Pourquoi cette haine vis-à-vis du PSG ? (il sourit) D’abord, ce n’est pas contre la France, un pays que j’adore ! Ma soeur vit en France et j’ai des nièces françaises, donc... Vous savez, moi je l’ai dit dès le mois de mars au président du PSG, qu’on allait les dénoncer pour non respect du fair-play financier. Ainsi que Manchester City. Je n’ai pas de haine vis-à-vis du PSG, j’ai juste la volonté que l’on respecte les règles économiques, afin que la compétitivité des championnats soit respectée, sans tricheries.
Vous êtes convaincu que le PSG et City trichent... Le problème n’est pas que j’en sois convaincu ou pas, les faits sont clairement démontrés ! Il y a par exemple les sponsors du PSG qui gonflent les chiffres, Manchester City c’est pareil. Tout cela, il faut le corriger.
L’UEFA enquête, qu’est-ce que vous en attendez ? Ce n’est pas une enquête, c’est une investigation. J’espère d’abord que le PSG sera sanctionné. Et surtout, que l’on change la méthodologie de contrôle économique. Si ce problème, l’UEFA ne l’avait pas détecté, c’est bien que les règles de contrôle ne sont pas bonnes...
Nasser Al-Khelaïfi, au titre de PDG de BeIN Media, A contrario du PSG avec le non respect du fair-play financier, je n’ai aucune preuve concernant cette affaire, donc je n’ai pas d’avis. Ce que je peux dire, c’est que tout ce qui touche à l’attribution de la Coupe du monde au Qatar, me paraît bizarre... Qu’on se rende compte après coup qu’il va faire exagérément chaud en plein été là-bas pour jouer au football, vous trouvez ça crédible vous ? Je ne sais pas si Nasser a quelque chose à voir avec ça, donc je ne peux pas me prononcer.
Concernant le PSG et City, vous parlez de faits concrets, quels sont-ils ? La valeur de leurs sponsors n’est pas une valeur réelle, elle est artificiellement gonflée ! Que l’Office de tourisme du Qatar finance le PSG, sérieusement... On sait tous qu’au Qatar, il y a tellement de touristes chaque fin de semaine, que ça permet à l’Office de financer un club de la dimension du PSG ! Par exemple, personne ne peut remettre en cause le fait que Manchester United et le Real Madrid, soient les premiers clubs au monde en termes de notoriété. Et pourtant, le PSG génère plus de rentrées commerciales que Manchester United !
Quand le Barça a acheté Neymar à Santos, tout n’a pas été clair non plus... Eh bien, ils ont encore à ce jour des soucis avec la justice, non ? Si une chose est mauvaise, il faut la dénoncer, point. On ne peut pas dire, les autres font ça mal, alors on n’a qu’à le faire nous aussi... Si tout le monde bafoue les règles, c’est le Far West !
Aujourd’hui, les clauses libératoires ne servent donc plus à rien ? Non, le problème avec le paiement de la clause de Neymar au Barça ( M€, Ndlr), démontre qu’un ‘‘club-Etat’’ arrive à des extrémités que le marché économique normal, aurait empêchées. Jamais, dans des conditions réelles, on aurait pu payer une telle somme ! Non seulement celle-là mais en plus, dans la foulée, celle de Mbappé ( M€ )! Le problème n’était pas celui-là, le problème était que je ne pouvais pas autoriser un transfert, fruit d’une tricherie.
Vous avez deux des plus grands clubs du monde en Espagne (Real, Barça), qui gagnent le championnat tous les ans... N’est-ce pas un déséquilibre pour l’exposition de La Liga ? Moi je ne raisonne pas comme ça. Ce qui me préoccupe, c’est qu’un club, en Espagne ou ailleurs, gagne le championnat avec points, comme c’est arrivé. Là, oui. Mais qu’il le gagne avec ou points, il n’y a rien à y redire.
On sait tous qu’au Qatar, il y a tellement de touristes chaque fin de semaine, que ça permet à l’Office de financer le PSG... ”
Un mot sur Angel Villar, qui a été mis en prison (le président de la Fédération espagnole est soupçonné de corruption, NDLR) ? Ça fait quinze ans que j’en parle, donc je ne suis pas surpris... C’est le problème du ‘‘Villarisme’’, de Blatter à la Fifa, de Platini... Tant que ce n’est pas clair, comme une entreprise cotée en bourse, il peut y avoir des dérapages.
Zidane, c’est bon pour La Liga, non ? Zidane il est Français, mais c’est le football espagnol pour nous !
Qu’est-ce qu’il y a de bon dans la ligue française qu’il n’y a pas chez vous ? (rires) Sérieusement, je pense qu’il y a un courant porté par certains clubs, comme l’Olympique Lyonnais de Jean-Michel Aulas, comme SaintEtienne, qui font du bon boulot. Et je crois qu’il faudrait les écouter davantage !