Migrants tunisiens : « robinet fermé » à la frontière
Par centaines, des migrants tunisiens sont soudain apparus à la frontière italienne. Des réseaux organisés selon le procureur de la République de Nice. Côté Italien, on s’inquiète
Depuis deux mois, les autorités françaises sont en proie à une nouvelle forme d’immigration à la frontière italienne. Elles affirment y avoir mis un coup d’arrêt ces derniers jours. Il faut remonter au mois de septembre. Débarque soudainement une vague de migrants issus du Maghreb, et plus particulièrement de Tunisie. Ce qui n’est pas sans rappeler le printemps arabe de 2011. Près d’un tiers des 200 migrants quotidiennement interpellés depuis à Menton se sont révélés être des Tunisiens. Une situation qui interroge. D’autant que, selon des sources officielles françaises et italiennes, préférant rester anonymes, cette immigration s’accompagne de faits de délinquance, vols à la tire, violences. « Nous ne connaissons pas ce genre de problèmes avec les subsahariens », indique un cadre italien de la police aux frontières.
«Une nouvelle voie d’immigration »
Hier, le procureur de la République de Nice a confirmé, évoquant des « arrivages » massifs de Tunisiens ces dernières semaines. « Il s’agit d’une nouvelle voie d’immigration provenant de Tunisie
et de l’est de l’Algérie par voie maritime. » Il évoque des réseaux organisés issus de Milan, Gênes, Imperia. Et regrette au passage que la coopération judiciaire avec l’Italie ne soit pas aussi aboutie qu’avec des pays comme l’Espagne ou l’Allemagne. Le procureur a également indiqué que le tribunal correctionnel de Nice a été ces dernières semaines submergé d’affaires impliquant des passeurs d’origine tunisienne,
les condamnant à des peines parfois lourdes (lire par ailleurs). « Cela a coupé le robinet et cela s’est arrêté net il y a quinze jours », affirme le procureur de la République de Nice.
Le phénomène des « harragas »
Hafedh Ben Romdhane, consul de Tunisie dans les Alpes-Maritimes, interrogé, affirme ne pas être informé du phénomène. Il est pourtant
bien réel. Ces migrants tunisiens qui arrivent par bateau sont surnommés, « harragas », ceux qui «brûlent». Ils embarquent depuis les plages de Sfax ou de Bizerte et débarquent en Sardaigne, Sicile ou Calabre. La presse italienne s’en est récemment fait l’écho. Le maire de Pozzalo, une commune sicilienne, a ainsi écrit au ministre de l’Intérieur italien, indique La Stampa dans son édition du 5 octobre.
«(...) Les derniers débarquements semblent mettre en évidence l’arrivée non seulement des personnes fuyant la guerre et la pauvreté, mais aussi des criminels. Le phénomène de migration au départ de la Tunisie crée des préoccupations au sujet d’éventuelles infiltrations d’éléments potentiels de cellules djihadistes. » Toujours selon La Stampa, le procureur d’Agrigente (Sicile) aurait demandé à la police et aux carabiniers de surveiller de près un phénomène qualifié de «dangereux» précisément à cause du risque que « ces migrants puissent provenir de sujets liés au terrorisme international ». Eric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes, réclame plus de moyens humains aux frontières. « Cette immigration est très différente de la subsaharienne qui vise l’Europe du Nord. Les Tunisiens, francophones, ont des ancrages en France. Se pose en particulier la question des laissezpasser consulaires. Pour qu’il y ait éloignement, il faut que les autorités tunisiennes acceptent de reprendre leurs ressortissants. Il y a des difficultés, notamment avec le consulat tunisien. Une action diplomatique est nécessaire. »