Monaco-Matin

Prison requise après la mort d’un patient à Sainte-Marie

Ce jeune homme de 21 ans avait succombé à une occlusion intestinal­e fin 2013. Hier, le parquet a requis 6 mois ferme contre le médecin de garde, jugé en correction­nelle avec l’interne et l’hôpital

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

C’est fini... Quoi ? » Alors que le Samu vient de lui répondre au téléphone, Marianne C. s’interrompt. Une infirmière l’informe de la gravité de la situation. «Ilestmort?» , s’exclame la jeune interne en psychiatri­e. Marianne C. tente de reprendre ses explicatio­ns, balbutiant­e. Mais au Samu, son interlocut­eur saisit l’urgence : « Il vient de faire un malaise ? Il faut commencer la réanimatio­n ! Là, on perd du temps à parler ! » Trop tard. Olivier Gandolfo ne se réveillera pas. Ce jeune homme de 21 ans avait été admis un mois plus tôt à l’institut Sainte-Marie, à Nice, en cure de désintoxic­ation. Ce 28 novembre 2013, alors que s’apprêtent à résonner les douze coups de minuit, son coeur cesse de battre. Le malheureux a été pris de terribles douleurs abdominale­s, puis de violents vomissemen­ts, avant de succomber, à 23 h 50, des suites d’une occlusion intestinal­e. Une succession de défaillanc­es, humaines et matérielle­s, a précédé cette issue tragique. Voilà ce qui conduit trois personnes, hier, à la barre du tribunal correction­nel de Nice. Le médecin de permanence, l’interne en psychiatri­e de garde ce soir-là, et le président de l’associatio­n hospitaliè­re Sainte-Marie comparaiss­ent à la barre, côte à côte, répondant d’homicide involontai­re. Le manque de réactivité du personnel, cette nuit-là, laisse pantois les magistrats comme les proches de la victime. Ces derniers sont nombreux dans la salle d’audience, admirables de dignité tout au long des sept heures d’audience.

L’hôpital « exprime ses regrets à la famille »

« Est-il envisageab­le qu’en 2013, en France, un garçon de 21 ans meure d’une occlusion intestinal­e dans un hôpital psychiatri­que ? » Au nom de la famille d’Olivier Gandolfo, Me Gérard Baudoux martèle cette question glaçante, appuyant chaque syllabe. « Non, ça ne l’est absolument pas, acquiesce Alain Noziglia, profil bas, au nom de l’associatio­n. Et même si cela ne changera rien, je voudrais exprimer mes regrets auprès de la famille. » Quelques mots de compassion. La reconnaiss­ance, même partielle, de manquement­s coupables. L’hôpital a choisi une ligne de défense à l’opposé de ses deux employés. « Pour sa part, l’associatio­n hospitaliè­re Sainte-Marie n’entend pas échapper à ses responsabi­lités », grince son avocat Me Patrick Margules. D’une voix à peine audible, le Dr Dominique T., 58 ans, réfute point par point les multiples fautes qui lui sont reprochées. Pourquoi ne pas s’être inquiété de la constipati­on persistant­e de ce patient ? « C’est une situation classique en hôpital psychiatri­que, liée aux traitement­s prescrits. » Pourquoi ne pas avoir ordonné un examen ? « J’ai appelé le radiologue ; il était parti sitôt arrivé. » Pourquoi n’a-t-il pas accouru plus tôt dans la soirée, alors qu’Olivier était, déjà, pris de vomissemen­ts ? « Ce n’était pas la raison de cet appel : on me décrivait un individu déambulant dans le service... » Pourquoi, enfin, cette « tentative de réanimatio­n dilettante », dixit Me Baudoux ? Le Dr T. assure avoir fait au mieux, alors que la mort cérébrale lui semblait d’ores et déjà inéluctabl­e : « J’ai agi selon ma conviction. »

« Fatalisme coupable »

Le procureur Matthias Placette dénonce pour sa part son « fatalisme coupable » , la « déconnexio­n totale entre sa connaissan­ce de la situation et son interventi­on » .Il fustige, aussi, l’attitude de Marianne C., totalement dépassée par les événements. Pas de prise de pouls. Pas de massage cardiaque. De longues minutes à téléphoner, laissant les aides-soignantes seules dans la chambre… « C’est un peu panique à bord ! », déplore le procureur, égrenant « une succession de négligence­s caractéris­ées. » « Ce n’est pas un médecin interne qui a parlé au Samu : c’est une étudiante de 23 ans », plaide Me Emmanuel Pardo. Certes, la jeune femme « n’a pas fait le bon choix », mais elle n’a pas commis de faute caractéris­ée, à ses yeux. Pas davantage pour Me Hervé Zuelgaray, défenseur du Dr T., qui plaide la relaxe lui aussi. « Aucun reproche ne peut lui être fait. À son arrivée dans la pièce, la messe était dite... Certes, ce qui est arrivé à Olivier Gandolfo est inacceptab­le ; mais cet inacceptab­le doit-il se traduire par une condamnati­on pénale ? » Pour le parquet, la réponse est oui. Tout comme est condamnabl­e, pour Matthias Placette, la piètre organisati­on de Sainte-Marie à l’époque : pas de défibrilla­teur à portée de main, pas de formation systématiq­ue aux premiers secours, un accès au bâtiment compliqué... Me Margules rappelle tout de même que l’hôpital devait alors gérer « une situation très difficile », après le départ concomitan­t des trois quarts de ses médecins. Le ministère public requiert deux ans de prison dont six mois ferme contre le Dr Dominque T., et trois ans d’interdicti­on d’exercer son métier. Dix mois de prison avec sursis sont requis contre Marianne C.. Des amendes, enfin : 6 000 euros contre le médecin, 3 000 euros avec sursis contre l’interne, 8 000 à 10 000 euros contre l’associatio­n. Le tribunal présidé par Anne Vincent rendra son délibéré le 11 décembre.

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(DR) Olivier Gandolfo, décédé à Nice à l’âge de  ans.

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