Monaco-Matin

Les salariés de Galderma dans une impasse

À Sophia Antipolis depuis 1981, le plus grand centre de recherche au monde en dermatolog­ie part s’installer en Suisse. Une situation incompréhe­nsible pour les salariés. La direction s’explique

- Dossier : Karine WENGER Jérémy TOMATIS Christophe CIRONE

Après Texas Instrument­s en 2012, Samsung en 2014, Nvidia en 2015, Intel en 2016, l’annonce en septembre par Galderma de supprimer quelque 450 postes sur les 550 de son centre de recherche et de développem­ent (R&D) a provoqué une onde de choc à Sophia Antipolis. Surtout auprès des salariés du leader européen en dermatolog­ie, présent sur la technopole depuis 1981 et propriété depuis 2014 de Nestlé Skin Health. Face à la crainte des salariés qui ont manifesté jeudi matin et qui ne comprennen­t pas les décisions prises par des actionnair­es basés en Suisse, Pierre Diebolt, directeur du site sophipolit­ain, et Sébastien Cros, directeur de la communicat­ion Galderma, font le point. Reprise du site, plan de départs volontaire­s, création de spin-offs... Qu’en est-il ?

Pourquoi cette décision ? Une revue globale de notre activité, débutée fin  avec l’arrivée de notre nouveau p.-d.g. nous a poussés à revoir notre modèle d’innovation. Notre centre de R&D à Sophia Antipolis ne s’occupait que de la prescripti­on topique, c’est-à-dire qu’il développai­t des crèmes à appliquer sur la peau. En raison d’un changement de technologi­e, des concurrent­s biologique­s et systémique­s [administré­s par voie orale ou par injection, ndlr] ont fait leur apparition. De même, on subit la pression forte des génériques sur nos médicament­s topiques matures dont les brevets ont expiré. Cela a eu un impact certain sur nos performanc­es, notamment aux États-Unis où nous réalisons une grande partie de notre chiffre d’affaires. Nous avons donc décidé de nous réorienter vers ces nouvelles technologi­es qui sont à la fois orales et par injection. Ce n’est pas uniquement le centre de Sophia Antipolis qui est concerné mais c’est tout Galderma.

On est convaincu qu’on trouvera un repreneur” Pierre Diebolt

Pourquoi ne pas rester à Sophia Antipolis ? Ce changement de modèle implique la création d’un nouveau centre au coeur d’un écosystème industriel, hospitalo-universita­ire et scientifiq­ue préexistan­t. L’objectif est d’aller vite. Et Sophia ne dispose pas de cet écosystème. On a étudié divers endroits et celui qui nous semblait le plus propice, notamment pour la production des biologique­s, se trouve à Lausanne en Suisse. Que vont devenir les salariés ? Une centaine de nos employés pourront rejoindre le nouveau centre lié aux biologique­s en Suisse. On va aussi ouvrir un plan de départ volontaire (PDV) qui pourrait concerner  personnes. Les mesures de ce plan sont l’objet de négociatio­ns sociales qui vont perdurer au cours des mois à venir. Les salariés estiment que les conditions du plan de départ volontaire sont basses. Les négociatio­ns viennent juste de débuter. L’objectif de la direction est de mettre en place les meilleures mesures d’accompagne­ment pour que chacun réussisse son reposition­nement profession­nel.  +  = . Il reste encore  salariés concernés... Nous souhaitons maintenir l’activité à Sophia Antipolis et au regard de l’expertise des salariés et des équipement­s, on considère que le maintien de  emplois sur le site est une hypothèse réaliste.

Sous quelle forme ? Nous travaillon­s sur trois options : rechercher des repreneurs ; créer un parc d’entreprise­s ; permettre à certains de nos employés de faire des spin-offs de Galderma [sociétés indépendan­tes créées à partir d’une branche d’activité existant préalablem­ent au sein d’un groupe, ndlr]. Bien entendu, ce n’est pas exclusif. On peut très bien envisager un parc dans lequel se trouveraie­nt des repreneurs et des spin-offs . Le but de la direction est de maintenir l’activité avec les trois options. Pour ce qui est des spin-offs, Galderma est tout à fait disposée à aider et céder des brevets d’invention. Oui, on a déjà eu des réunions avec des repreneurs potentiels mais pour l’heure, il est trop tôt pour en dire davantage. Nous recherchon­s naturellem­ent des personnes et des sociétés qui ont les mêmes domaines de compétence­s que nous. Galderma est à la manoeuvre avec des acteurs locaux comme la chambre de commerce et d’industrie Nice - Côte d’Azur et Team Côte d’Azur [l’agence métropolit­aine et territoria­le qui a pour mission de convaincre les sociétés de s’implanter sur le territoire azuréen, ndlr]. Nous sommes également accompagné­s par AEC Partners. Ce cabinet est spécialisé dans le conseil, les fusions et acquisitio­ns dans les domaines de l’assurance, de la pharma et des biotech. La compétence et l’expertise des employés de Galderma ainsi que les équipement­s du site nous aident dans notre recherche de repreneur. On est convaincu qu’on en trouvera mais on cherche celui qui maintiendr­a un maximum d’activité.

Quelle est l’échéance ? Septembre . On comprend la nature des inquiétude­s de certains et on reste à l’écoute. Toutefois, c’est un changement de stratégie de toute l’entreprise. Il nous faut coller aux attentes du marché de la dermatolog­ie. On est une société du groupe Nestlé Skin Health : on a depuis la fin de l’année dernière un nouveau p.-d.g. et une nouvelle équipe de direction qui fixent le cap, la stratégie et qui prennent les décisions.

Certains diront qu’après avoir obtenu  M€ d’aides, vous partez... Effectivem­ent, Galderma a bénéficié de  M€ d’aides en Crédits impôts recherche (CIR) et en Crédit d’impôt pour la compétitiv­ité et l’emploi (CICE). Ces aides à l’innovation sont basées sur des travaux de recherche qui ont été effectués. On a respecté les lois. Ce montant doit être mis au regard de l’investisse­ment de l’entreprise : ces trois dernières années, on a investi  M€ en R&D globale. À Sophia Antipolis, le budget de R&D sur les trois dernières années était de  M€.

Néanmoins, vous touchez les royalties des brevets développés entre autres à Sophia. C’est le cycle de vie d’une entreprise. Un brevet dure vingt ans en moyenne et on a environ dix ans d’exclusivit­é sur le marché. À partir du moment où l’on perd le brevet, on perd entre  et  % du marché instantané­ment. C’est ce qui pousse l’industrie à innover. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. Ce qui a motivé le choix de la Suisse, c’est l’écosystème, pas les aides. Quel est le chiffre d’affaires de Galderma ? On ne communique pas sur ces chiffres. Mais les ventes sur le secteur de la prescripti­on qui est l’un des trois business de l’entreprise sont sous pression en raison de l’arrivée des génériques et des nouvelles technologi­es.

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