Monaco-Matin

La semaine de Roselyne Bachelot

- SIGNÉ ROSELYNE

Lundi

Carles Puigdemont et quatre de ses « ministres » sont ressortis libres et sans caution du bureau du juge d’instructio­n belge qui devait statuer sur le mandat d’arrêt lancé à leur encontre par la justice espagnole pour « sédition, rébellion et détourneme­nt de fonds publics ». L’affaire sera jugée au fond le  novembre. Ce répit peut utilement être mis à profit pour réfléchir à cette affaire catalane, tant elle est grosse de déstabilis­ation et de troubles pour l’Espagne et l’Union européenne. Les Français, d’habitude si prompts à s’enflammer pour des causes romantique­s, ont fait sur ce dossier preuve d’une retenue à la hauteur de l’enjeu. Le mouvement indépendan­tiste catalan est profondéme­nt divisé en trois familles. Le nationalis­me intellectu­el pur et dur symbolisé par Puigdemont est l’héritier d’une identité culturelle forte et d’une longue histoire conflictue­lle avec le pouvoir de Madrid. Il est appuyé par une extrême gauche qui, à l’instar de ce qui passe partout en Europe, vient parasiter les mouvements populaires pour détruire les démocratie­s occidental­es. On en a vu un exemple parlant en France lors des récentes manifestat­ions contre les lois travail. Enfin, sont venus étayer cette coalition disparate et contrenatu­re les utilitaris­tes égoïstes qui, comme en Flandre belge ou en Italie du Nord, disent en avoir assez de la solidarité et de payer pour les régions pauvres. Face à ces revendicat­ions et contrairem­ent aux idées reçues, l’Espagne n’a pas joué l’inflexibil­ité. Tel le dompteur qui tente d’amadouer une bête féroce en lui jetant des morceaux de viande de plus en plus gros et finit par y laisser son bras, elle a laissé s’installer une indépendan­ce de fait en Catalogne. La mise en avant de la culture catalane y est promue avec une intransige­ance xénophobe et le castillan considéré comme une langue étrangère, pratiqueme­nt toutes les fonctions de gouvernanc­e sont détenues par la

Generalita­t de Catalunya et surtout, et sans doute le plus extravagan­t, celle-ci garde  % de l’impôt sur le revenu levé par Madrid en plus des impôts locaux levés pour son compte et exige même d’en garder la totalité ! Imaginez ce que cela donnerait en France : les enfants de Rennes verraient leur enseigneme­nt donné en breton, le français étant une langue étrangère en option, Xavier Bertrand serait le chef de la police de la région Hauts de France et à ce titre devrait gérer seul la question migratoire à Calais, la Région Île-de-France garderait la moitié de l’impôt sur le revenu levé sur son territoire et exigerait de ne plus payer pour la Creuse ou la Corse… L’histoire de notre pays nous apprend au contraire que l’unité nationale ne s’est jamais construite sur l’exacerbati­on des communauta­rismes. En cela, l’affaire catalane est une leçon à méditer pour tous les boutefeux qui pensent qu’on achète la paix civile par la compromiss­ion et la lâcheté.

Mercredi

Les députés qui ont voté la levée de l’immunité parlementa­ire de Marine Le Pen lui ont servi un magnifique cadeau qu’elle déguste avec des mines gourmandes de victime outragée. On doute que cette affaire puisse prospérer juridiquem­ent et la présidente du Front national doit se frotter les mains en constatant que pendant ce battage médiatique, on ne parle pas de l’ennuyeuse – et bien plus grave – accusation d’emplois fictifs au Parlement européen. En tout cas, l’immunité parlementa­ire est vraiment l’objet de tous les fantasmes, laissant accroire qu’un député pourrait tuer père et mère ou braquer une banque en toute impunité. La réalité est toute autre. L’immunité se répartit en deux principes, l’irresponsa­bilité et l’inviolabil­ité. L’irresponsa­bilité veut qu’un parlementa­ire ne puisse être poursuivi pour les actes qu’il effectue dans le cadre de son mandat et ceci doit être préservé de manière irréfragab­le tant on voit ce que sa suppressio­n représente­rait de risque pour l’indépendan­ce du Parlement. L’inviolabil­ité concerne les faits, crimes ou délits, « détachable­s » de l’activité parlementa­ire. Elle n’arrête ni l’instructio­n, ni une perquisiti­on du domicile ou du bureau, ni une mise en examen, ni une condamnati­on. Elle indique simplement qu’au nom de la présomptio­n d’innocence, un représenta­nt du peuple ne peut être empêché de siéger et donc, pendant les sessions du Parlement, être l’objet d’un mandat d’amener, d’une garde à vue, d’une mise en détention provisoire, d’une liberté sous contrôle judiciaire sans que la mainlevée de son immunité ne soit votée par le bureau de son assemblée. Cette inviolabil­ité ne vaut pas pour les poursuites civiles qui n’amènent pas en principe de mesures privatives de liberté, ni en cas de crime ou de flagrant délit et a fortiori en cas de condamnati­on définitive. C’est ainsi qu’il ne fut pas nécessaire pour le mettre en examen de lever l’immunité du député LREM M’jid El Guerrab qui avait frappé à coup de casque un militant socialiste, la flagrance étant constituée. À vrai dire, le volet « inviolabil­ité » de l’immunité parlementa­ire est tellement restreint et précaire qu’on pourrait le supprimer sans dommage pour la démocratie mais sans avantage objectif non plus pour la moralisati­on de la vie politique.

Jeudi

Suite du feuilleton à l’Assemblée nationale. Un jeune questeur macronien, Fabien Bachelier, a décidé de se faire les dents avec des propositio­ns iconoclast­es pour supprimer les avantages réels ou supposés des députés actuels ou anciens. Certaines peuvent prêter à sourire, telle la suppressio­n de l’arbre de Noël du Palais Bourbon qui n’a jamais été destiné aux parlementa­ires mais au personnel. Les enfants des secrétaire­s et des huissiers n’auraient plus de cadeaux de fin d’année ce qui constituer­a à n’en pas douter une grande avancée moralisatr­ice. Pendant les travaux de Monsieur Bachelier, une commission examine la mise en oeuvre d’autres dispositio­ns comme la liste des dépenses qui pourront être acceptées comme « frais de mandat ». Après de longues heures de discussion­s, il a été décidé que les dépenses de coiffeur seraient remboursée­s. Ouf ! Là encore, les électeurs seront ravis de constater que leurs élus ne sont pas décidés à peigner la girafe. Calembreda­ines, billevesée­s, coquecigru­es que tout cela. Hélas, la démocratie parlementa­ire est exsangue, avec un groupe majoritair­e inexpérime­nté aux ordres d’un exécutif à qui il doit tout. Les députés LREM se conduisent comme s’ils étaient les membres de l’Assemblée constituan­te de  et que rien n’avait existé avant eux, méprisant l’opposition, volant à Eric Ciotti le poste de questeur qui lui revenait au profit d’un allié politique. Les tonitruanc­es et les vulgarités du groupe La France insoumise se perdent dans les sables. Les personnali­tés de Les Républicai­ns, Baroin, Pécresse, Bertrand, Estrosi, Wauquiez ont déserté un parlement croupion et se sont repliés sur leurs collectivi­tés en attendant des jours meilleurs. Aujourd’hui, la vraie question est celle de la rénovation de la vie publique, bien plus que de sa moralisati­on, les manquement­s à celle-ci, même s’ils doivent être combattus, ayant toujours été marginaux. Le Palais Bourbon est devenu un théâtre d’ombres qui n’amuse même plus la galerie.

Samedi

Jour du souvenir de cette effroyable boucherie que fut la guerre . Notre pays fut grand de se réconcilie­r avec l’Allemagne qui fut trois fois de suite notre agresseur. C’est la France qui décida de construire l’Europe et fit de l’axe francoalle­mand la clé de voûte de la paix et l’accolade d’Emmanuel Macron et du président Steinmeier sur l’esplanade de la tranchée d’honneur du Hartmannsw­illerkopf, la montagne mangeuse d’hommes où   soldats moururent, renouvelai­t ce pacte. Les mots du président français résonnaien­t comme l’exigence toujours renouvelée de la lutte contre la barbarie : à quoi bon cette mémoire si dans le coeur des hommes perdurent encore la rancoeur, le nationalis­me débridé, rageur, des uns, l’immense désir de revanche des autres… Il ne suffit pas de se souvenir, il faut aussi apprendre.

« Le Palais Bourbon est devenu un théâtre d’ombres .»

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco