Monaco-Matin

De Nice à Toulon, les « conquêtes » de Pauline Bonaparte

- ANDRÉ PEYREGNE

On connaît surtout de lui des photos en tenue militaire : uniforme sanglé, képi réglementa­ire, barbiche à la Napoléon III. Pourtant, Jules Chaperon n’était pas soldat. Il était curé. Un vrai curé de campagne installé à l’âge de 25 ans, en 1903, au village de La Martre dans le Haut Var. C’est de là qu’on l’envoya au front, comme aumônier de la Grande Guerre. Il en ramena des carnets bourrés de notes. « Je me rends au ravin de Morsan, écrit-il dans l’un d’eux, en 1917. Le 50e d’infanterie a quitté ses tranchées à 2 heures 40 ; en trois minutes il a occupé la tranchée suivante. Le mitraillag­e est intense. On ne peut circuler qu’en courant d’un abri à un autre. J’assiste au passage des premiers blessés. Les moins touchés se sauvent aussi vite qu’ils peuvent, les autres sont apportés sur des brancards. Je m’efforce de les encourager et de leur faire offrir leurs souffrance­s à Dieu. Voici les prisonnier­s boches. Ils lèvent les bras et crient leur traditionn­el “kamarad”. Ils ont la figure terreuse les yeux hagards, les vêtements en lambeaux et boueux, on dirait des fous en les voyant gesticuler...» Quelques mois plus tard, en octobre 1917, c’est sur le front d’Italie, au nord-est du pays, à la frontière avec la Slovénie, qu’il est envoyé. Blessé, il revient à La Martre.

Avec les orphelins arméniens

Là, l’attend l’orphelinat « Notre Montagne », qu’il a ouvert en 1913 pour les enfants tuberculeu­x sans ressource, et que sa cousine Émilie Maurel a dirigé pendant son absence. Offrir un asile aux enfants pauvres a été l’affaire de sa vie. Au début des années 1910, il a organisé à La Martre l’une des premières colonies de vacances. Pour cela, il a acheté une maison de paysan surplomban­t le village. Il a fait cela avec les moyens du bord : « Notre richesse est celle de saint Laurent, elle se compose uniquement d’indigence… Tous les apôtres de la charité ont commencé avec rien… Nous serions très heureux de recevoir même des paquets de guenilles. Les lits du dortoir n’ont ni matelas, ni draps, ni couverture­s. Qui donc nous donnera une poignée de crin ou de laine et quelques pans d’étoffe pour coucher nos bambins ?» En 1916, une partie est convertie en hôpital militaire. La guerre est finie. L’aura du curé a considérab­lement grandi. En 1921, il est nommé aumônier du corps d’occupation français à Constantin­ople. Il ramène à La Martre des orphelins du génocide arménien. En 1924 et 1926, il effectue deux séjours aux États-Unis et au Canada pour recueillir des fonds. En 1925, l’orphelinat sera transféré à Grasse, toujours avec l’aide d’Émilie Maurel – qui trouvera la mort au volant de sa voiture en 1937. La maison de La Martre, ayant cessé ses accueils d’enfants, existe toujours, au haut du village, située montée Notre Montagne, habitée par les descendant­s de la famille de l’abbé Chaperon.

Il lance l’idée de la “Route Napoléon”

C’est à Grasse que l’abbé mourra en 1951. Auparavant, il aura associé son nom à une toute autre entreprise – aussi touristiqu­e qu’historique, celle-là : la « Route Napoléon » ! Au départ, Jules Chaperon voulait simplement qu’on se souvienne que le 3 mars 1815, l’empereur de retour de l’île d’Elbe, s’était arrêté à l’auberge du Logis du pin, près de La Martre, et y avait déjeuné avec deux de ses généraux les plus fidèles, Cambronne, futur héros de Waterloo, et Bertrand, qui le suivra jusque dans son dernier exil, à Sainte-Hélène. L’abbé Chaperon eut ensuite l’idée de demander aux pouvoirs publics de donner le nom de « Route Napoléon » à la Nationale 85 correspond­ant au trajet suivi par l’empereur de Golfe-Juan à Grenoble – et cela, disait-il, « comme il existait la Voie aurélienne à l’époque des Romains ». Le nom fut attribué en 1932. Mais qui se souvient, aujourd’hui, que la grande idée de la « Route Napoléon », est née dans la tête d’un curé de La Martre ?

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(© Illustrati­ons DR) Ci-dessus : C’est dans le village de La Martre, situé dans le Haut Var que l’abbé acquiert la vieille maison de paysan, qui abritera son oeuvre. Ci-contre : la bâtisse où il a établi en  son orphelinat, lequel accueiller­a des centaines d’enfants...
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Jules Chaperon : soldat et aumônier pendant la Grande Guerre mais surtout et avant tout curé de campagne.
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