«Une question de transparence»
Bruno Chareyron dirige le laboratoire de la CRIIRAD (commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité), une association à but non lucratif dont l’objet est d’améliorer l’information du public et sa protection contre les rayonnements ionisants. La CRIIRAD dispose de son propre laboratoire de mesure (dans la Drôme), agréé par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire).
L’IRSN se montre rassurant vis-à-vis des taux de ruthénium relevés par les stations du Sud-Est. Faut-il s’inquiéter ? Nous sommes complètement d’accord avec l’IRSN. Les niveaux de mesure sont très faibles et n’ont pas nécessité de mesures particulières sur le territoire français. Ce qui nous inquiète, c’est qu’il peut encore exister, en dans le monde, des endroits où il y a des rejets considérables et que les gens autour ne sont pas informés. Les analyses font état de rejets émanant d’une installation unique à hauteur de mille milliards de becquerels, c’est un chiffre énorme.
Comment expliquer les écarts de taux entre Nice, La Seyne et Ajaccio ? Ça n’est pas anormal, les pics ont été observés à quelques jours d’intervalle et sont dans les mêmes ordres de grandeur.
Comment expliquer que l’origine de l’incident ne soit pas formellement déterminée ? On n’a pas le sentiment que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour identifier l’installation à l’origine de la pollution. Les pays européens auraient pu activer leurs ambassades pour demander des prélèvements sur le terrain, les avions qui ont survolé la zone de suspicion auraient dû être contrôlés pour essayer de préciser l’origine de la pollution.
Que préconisez-vous ? Si des États ne prennent pas la responsabilité de faire des contrôles, il faut donner aux citoyens, aux associations et aux ONG les moyens de faire des vérifications. Cette affaire doit être l’occasion d’une mobilisation pour revoir le fonctionnement de l’Agence internationale de l’énergie atomique et revoir la question des réseaux de mesure. C’est aussi une question de transparence. Renforçons les capacités de mesures indépendantes.
La piste d’un accident sur un site industriel en Russie est évoquée. Qu’en pensez-vous ? C’est une hypothèse élaborée à partir d’une modélisation. Nous ne voulons pas stigmatiser de pays. S’il s’agit d’une installation terrestre (la piste d’un satellite a été écartée, Ndlr), il est probable que les employés et les populations locales soient soumis, sans le savoir, à des doses importantes qu’un compteur Geiger pourrait détecter.
Quels sont les risques auxquels pourraient être exposées ces personnes ? Dans la durée, les radiations font accroître les risques de cancers et de diverses pathologies. Ces risques vont dépendre de la quantité de radiations inhalées et ingérées par l’homme.