Monaco-Matin

Les buralistes redoutent une ruée vers l’Italie

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À Latte, cette petite commune italienne qui jouxte la frontière, même les horodateur­s parlent français. «À bientôt» , décline poliment la voie métallique du parking de la supérette. «Ici, 99 % des clients sont français», explique le propriétai­re des lieux Marcello Orengo. Et la raison de leur présence ne fait guère mystère. Elle est écrite, toujours dans la langue de Voltaire, sur les enseignes: «vins», «liqueurs» Et bien sûr «tabac».

«Vive la France!»

C’est sa famille qui a créé cette affaire. «En 1890», annonce fièrement Marcello. Et c’est la France qui l’a fait fructifier ces dernières années. Le ballet des clients hexagonaux est incessant. Tous ou presque font une halte à la tabaccheri­a qui trône à l’entrée du magasin avant de pousser plus loin leur chariot. «C’est toujours ça que n’aura pas Macron!», lance un client niçois en acquittant le prix de ses quatre cartouches. Pas le temps d’épiloguer. «Maintenant que j’ai dépensé de l’argent en cigarettes je vais en dépenser en charcuteri­e.» Indéniable­ment, la hausse du prix du tabac fait les bonnes affaires de Marcello Orengo. «Vive la France! Et surtout continuez à fumer, on vous attend», lance-t-il un brin fanfaron. Avant de retrouver l’humilité du commerçant: «Vous venez acheter vos cigarettes en Italie. Mais moi, hier encore, j’étais à Menton pour faire le plein d’essence parce qu’elle est moins chère, comme les lunettes et les médicament­s.» A chacun ses avantages. Il en faut pour tout le monde. Les Italiens ont même un proverbe pour ça que livre volontiers Marcello: «Un po per uno in baccio alla mamma». D’ailleurs avant les années 2000 c’est en France que les cigarettes étaient le moins cher. Les choses ont bien changé. Comme le rappelle le tableau lumineux qui compare les prix pratiqués de part et d’autre de la frontière. En moyenne 20 euros d’économie sur une cartouche. Jean-Louis en prend trois. «C’est pour ma femme, moi j’ai arrêté», souffle cet autre Niçois qui avoue ne même pas savoir si «avec l’essence et tout c’est rentable». Mais voilà, il en a pris «l’habitude». Et puis… «avec toutes leurs augmentati­ons ils font ch… Parce qu’en vrai, les pauvres eux, ils vont continuer malgré tout à picoler et à fumer. Parce que c’est tout ce qui leur reste.» Au bout du compte ce serait toujours les mêmes qui payent. Il n’a pas tort Jean-Louis. Le baromètre santé 2016 révèle en effet que, paradoxale­ment, les population­s les plus addictes sont aussi les plus pauvres. Du moins «les moins éduquées et donc les moins informées», précise le Pr Marquette du CHU de Nice. S’il reconnaît qu’il y a «une vraie injustice sociale face au tabac», même si cela ne peut pas être un argument pour ne pas en augmenter le prix. «En revanche il faut accentuer les politiques de prévention à l’égard de ces population à risque.»

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