Le cas Wauquiez
Décidément, chez les Républicains, on a un rapport compliqué avec le leadership. Personne n’a oublié le duel Copé-Fillon de : résultats indécis, contestation, accusations de fraude, etc. Cette fois, rien de tel. Zéro suspense. L’affaire est pliée. Le vainqueur, connu d’avance. Il s’appelle Laurent Wauquiez et ce serait miracle qu’il ne passe pas au premier tour. Non qu’il soit le candidat de coeur du peuple de droite. Selon un récent sondage Ifop-Paris Match, sa popularité chez les sympathisants LR ne le classe qu’au rang, derrière les Sarkozy, Baroin, Juppé et cie. Et même – ironie suprême – derrière Edouard Philippe, tout juste exclu des Républicains. En revanche, nul doute que l’homme à la parka rouge a la cote auprès des militants. Ce n’est pas un hasard si ses rivaux potentiels, tous ceux qui guignaient la présidence du parti, ont préféré jeter l’éponge, assurant ainsi à Wauquiez une élection de maréchal, face à deux prétendants qui peinent à sortir de l’anonymat. Un futur leader plébiscité, donc. Un chef consensuel ? Tous derrière et lui devant ? Eh bien non. L’étonnant de la situation est que la plupart des barons républicains vivent cette chronique d’une victoire annoncée comme un scénario catastrophe. Comme si quelque fatalité les avait condamnés à assister impuissants au sacre de leur ennemi. Il y a du Racine dans cette histoire-là. L’homme, sa ligne, sa stratégie, rien ne trouve grâce à leurs yeux. Même les journalistes les plus blasés n’en reviennent pas de l’hostilité que suscite Wauquiez chez ses « amis politiques ». En « off » ou en « on », c’est un festival. L’homme? Un « faux-cul », un « arriviste », un « type sans convictions », dont « l’autoritarisme un peu puéril » (Valérie Pécresse) ne peut que « rétrécir » la droite. Sa ligne ? « Du Patrick Buisson sans le talent de Sarkozy », un « discours populiste » (Alain Juppé) qui « court après l’extrême-droite » (Xavier Bertrand). Avec, en filigrane, toujours le même soupçon : la stratégie « à droite toute » de Laurent Wauquiez, ses positions sur l’identité française, l’immigration ou l’Europe, n’auraient pas seulement pour but de récupérer l’électorat lepéniste, que la noyade de Marine Le Pen entre les deux tours de la présidentielle a rendu plus disponible, mais de préparer un rapprochement avec le FN. L’intéressé peut bien démentir, le doute continue de planer, alimenté par ses relations privilégiées avec Sens commun. Et son refus d’appeler à voter Macron au second tour de la présidentielle. Procès d’intention ? Jalousie de concurrents qu’exaspèrent les insolents succès de ce jeune homme pressé, dont la biographie, à ans, a des allures de Guinness des records (major de l’Ena, normalien, premier à l’agrégation d’histoire, député à ans, secrétaire d’Etat à ) ? Lui-même feint de s’en amuser. « Il y a des fois où je me dis que je suis l’ennemi public n° , le Jacques Mesrine de la politique. Mais en politique, il y a une règle simple : toute personne qui monte devient la cible de tous ses copains. » Il y a de cela, sans doute. Mais pas que. Si Wauquiez vise l’Elysée en , il a encore beaucoup à démontrer. Pour l’heure, sa cote d’avenir reste modeste et étale (% en octobre dans le baromètre Sofres). Sans doute, ses partisans adorent ses sorties transgressives sur le « cancer de l’assistanat » où sur les agents de Pole emploi qui conseilleraient aux chômeurs de
« profiter de la vie ». Mais le noyau dur de LR, ce n’est pas toute la France. Pas même toute la droite républicaine, qu’il a jusqu’ici plutôt clivée que fédérée. « Celui qui ne rassemble pas, qui pense qu’une famille politique c’est une secte, ne peut pas défendre ses convictions », a cruellement lâché Nicolas Sarkozy. Wauquiez a fait semblant de ne pas le prendre pour lui. Le décembre, il sera élu président de LR. Il lui restera à le devenir.
« Un chef consensuel ? Tous derrière et lui devant ? Eh bien non. »