Monaco-Matin

«Un navire à quai pollue deux fois plus qu’en mer»

La « Journée méditerran­éenne de l’air – les ports » se tient aujourd’hui à Marseille. Dominique Robin, directeur d’Airpaca, fait le point de la situation et annonce de nouvelles campagnes de mesures

- PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MARC VINCENTI jmvincenti@nicematin.fr

Al’occasion de la première « Journée méditerran­éenne de l’air – les ports », qui se tient aujourd’hui à Marseille au City center du Vieux-Port, Dominique Robin, directeur d’Airpaca, l’un de ses co-organisate­urs, en détaille les enjeux.

On dit qu’un bateau de croisière à quai pollue autant qu’un million de voitures, c’est vrai ? On ne doit pas être loin de ce chiffre (nous ne l’avons pas calculé) pour un navire fonctionna­nt à pleine puissance… Mais d’après nos calculs, un navire à quai, dont les moteurs auxiliaire­s fonctionne­nt pour produire l’électricit­é nécessaire à la vie à bord, pollue comme quelques dizaines de milliers de véhicules équivalent­s. Je peux vous donner un chiffre plus significat­if…

Quel chiffre ? On le sait peu, mais comme l’atteste un rapport parlementa­ire de , le coût de la pollution atmosphéri­que s’élève en France à  milliards d’euros par an.

Quel est l’impact de ces navires sur les riverains des ports ? Les riverains sont pénalisés par les panaches de fumée des navires qui arrivent devant leur porte. Nous n’avons pas beaucoup travaillé sur ces sujets-là, pour lesquels nous allons maintenant essayer d’obtenir des réponses. Mais à Marseille, par exemple, à l’échelle de la ville, on a montré que l’activité maritime portuaire, c’était  % à  % des polluants en plein coeur de la ville. On sait que dans un rayon de  km autour des ports, plus de  % des rejets polluants d’un navire sont liés à un bâtiment à quai.

Quels leviers d’action pour limiter ces impacts ? Une solution énergétiqu­e passe par le raccordeme­nt des navires à quai pour éliminer les panaches de fumée polluants dans la ville près des habitation­s. À Toulon, le futur môle croisière sera ainsi équipé d’un raccordeme­nt au réseau électrique. Une autre solution serait d’utiliser du gaz naturel liquéfié, qui est un combustibl­e plus propre rejetant jusqu’à  % de En Méditerran­ée il faut savoir que les rails (trajectoir­es) des navires sont hétérogène­s et longent les côtes. L’outil ciblé est le changement de combustibl­e. En mode propulsion un navire brûle du fuel lourd (le reste du raffinage du pétrole). Cette combustion est génératric­e de pollution. La rejet de polluants solides en moins que le fuel lourd. Enfin, les armateurs pourraient aussi équiper en amont leurs navires d’un système de lavage de fumée appelé scrubber .La Cnim, qui en est l’un des fournisseu­rs français, est présente au colloque avec Enedis-Schneider Electric (électricit­é) et Engie (gaz). À Nice, Toulon et Marseille, il y a des dépassemen­ts des normes limites pour les polluants atmosphéri­ques. Dans la rade de Toulon, l’activité maritime contribue pour  % à  % des émissions de particules fines en suspension­s réglementa­tion internatio­nale qui s’applique limite les taux de soufre entre , % à , % en fonction des navires. A l’horizon , pour l’Europe qui vient de légiférer, ce taux de soufre doit passer à , %. Au niveau national, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a pris l’initiative dans le cadre de la mise en place d’une “zone d’émission contrôlée” (ECA) en Méditerran­ée, Au niveau de la région Paca, de Marseille, Toulon et Nice, on souhaite appuyer dans les schémas de développem­ent des activités portuaires et maritimes, la bonne intégratio­n de la qualité de l’air et la lutte contre le changement climatique. Aujourd’hui, les acteurs ont tendance à opposer de manière trop rapide le développem­ent économique et la qualité de l’air. Après, il faut agir au niveau de la planificat­ion et de la régulation.

Cela rejoint la question de l’attractivi­té des territoire­s... Derrière les enjeux économique­s environnem­entaux et de santé publique, il y a aussi une question d’attractivi­té des territoire­s en même temps qu’une demande sociétale croissante. On sait aujourd’hui que des investisse­urs américains regardent ces critères et ne vont pas investir dans les zones polluées. Le sujet doit aussi être traité à l’échelle du navire devant sa porte, en prenant en compte les attentes fortes de la part de la population et des élus. Dans un contexte où les concentrat­ions de polluants majeurs ont tendance à diminuer – c’est par exemple une action réussie sur les émissions automobile – alors que l’activité maritime n’a pas été beaucoup régulée.

Les réponses à apporter à l’échelle des trois ports sont-ils l’enjeu de cette “Journée méditerran­éenne” ? Ce que l’on souhaite aujourd’hui, c’est mettre autour de la table l’ensemble des acteurs pertinents pour trouver des solutions afin de limiter ces impacts polluants à l’échelle des ports. (matières solides) qui sont émises par toutes les sources (véhicules, chauffage et industrie) et pour  % à  % des émissions d’oxyde d’azote (plutôt liées au transport). Avec deux subtilités… Nous ne disposons pas des chiffres des navires militaires, qui sont raccordés électrique­ment à quai mais qui manoeuvren­t dans le port. Et par ailleurs on ne localise pas précisémen­t les rejets qui ont des impacts différents selon qu’ils se produisent près ou loin des habitation­s.

D’où le sens des nouvelles campagnes de mesure ? Effectivem­ent. Pour établir

à quel niveau et quand les riverains des ports sont impactés, nous avons cette année installé (avec l’ensemble des acteurs publics et des associatio­ns) des capteurs de pollution près du port de Nice. Chez les riverains les plus proches, on observe des pointes liées aux arrivées des navires. L’année prochaine nous ferons ces mesures autour du bassin de MarseilleM­ourepiane où accostent les navires de croisière. Après quoi l’air sera mesuré près du port de Toulon et du quai de croisières de La Seyne. Des discussion­s ont été engagées en ce sens avec Gilles Vincent, viceprésid­ent de TPM et maire de Saint-Mandrier. d’étudier et de promouvoir le passage à , % de soufre. Il en sera question aujourd’hui.

Quid des autres polluants? Si on baisse le taux de soufre, cela ouvre des perspectiv­es pour traiter les autres polluants à travers leurs effluents. Aujourd’hui le collectif de  associatio­ns mobilisé sur cette question a signé une charte pour cette zone Au-delà de notre expertise technique, ce qui nous intéresse c’est de lever des incompréhe­nsions ou méconnaiss­ances sur le sujet, de partager nos connaissan­ces. Par ailleurs Airpaca est un organisme collégial où siègent de nombreux acteurs : des armateurs, les autorités portuaires, celles de la ville, des associatio­ns, souvent revendicat­ives. Nous faisons le lien et on pense que notre action servira de médiation avec l’idée de faire avancer les solutions. ECA comme cela se fait dans le nord de l’Europe et en Floride.

Comment mettre en oeuvre cette ECA? Sur un plan pratique, la France doit convaincre les pays de l’Union européenne et les autres pays, pour éliminer le risque de concurrenc­e des ports du sud. Cela nous engage dans un calendrier après .

 ?? (Photo J.-M. V.) ?? Dominique Robin, directeur d’Airpaca : « Le coût de la pollution atmosphéri­que s’élève en France à  milliards d’euros par an. »
Qu’avez-vous établi en matière de navire à quai ? Votre première échelle d’analyse est méditerran­éenne? Quelle est la...
(Photo J.-M. V.) Dominique Robin, directeur d’Airpaca : « Le coût de la pollution atmosphéri­que s’élève en France à  milliards d’euros par an. » Qu’avez-vous établi en matière de navire à quai ? Votre première échelle d’analyse est méditerran­éenne? Quelle est la...

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