«Plus la violence dure plus c’est difficile d’en sortir»
Le Docteur Marie-France Horigoyen était l’invité du Monaco Press Club, puis du gouvernement princier, jeudi dernier, pour expliquer les mécanismes de violences conjugales
Jeudi dernier était une Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Le docteur Marie -France Hirigoyen, psychiatre spécialisée dans le harcèlement moral, a expliqué combien sont nombreux les jours graves où les femmes subissent des pressions, dans le foyer mais aussi au travail. Pour le Monaco Press Club, au Yacht-club de Monaco, avant de s’adresser aux membres des associations monégasques et nombreuses personnalités locales au Lycée technique et Hôtelier, le Dr Hirigoyen a expliqué les mécanismes qui mènent de la petite brimade jusqu’aux violences les plus tragiques. Pourquoi très peu de femmes battues quittent leur foyer ? Si les femmes en arrivent à ce faire battre sans quitter le foyer, mon idée est qu’elles ont été préparées par une déstabilisation. C’est pour cela que je me suis intéressée aux violences psychologiques et au processus d’emprise. Plus la violence dure plus c’est difficile d’en sortir.
Comment s’installe la violence au sein d’un couple ? Tous les processus de violences fonctionnent de la même façon. Le “harcèlement moral ” — notion que j’ai inventée – a partout le même processus et
cette notion fait écho à ce que les gens subissent. Le harcèlement, qui a d’abord été encadré par une loi dans le travail, s’étend aux couples. Ce n’est pas uniquement les femmes battues, mais les maltraitances, les humiliations, les disqualifications. La violence faite aux femmes est un peu comme un iceberg. Il y a, à l’extrême, les femmes qui sont tuées, les femmes victimes de
violences physiques, la violence psychologique qui est souvent difficile à repérer, et il y a les inégalités, les discriminations, le sexisme ordinaire… Si on veut moins de violences globales, il faut agir tout en bas. Y a-t-il une définition du harcèlement ? Les lois françaises ne disent pas quels sont les agissements qu’il
faut sanctionner mais disent les conséquences sur la santé et la dignité de la personne. On peut harceler sans s’en rendre compte. Le harceleur très souvent ne voit pas le problème. Beaucoup de personnes sont dans le déni de leurs violences. On est dans une société qui est incontestablement sexiste. Depuis des millénaires, les hommes ont dominé. Les femmes ont depuis très peu de temps une égalité théorique. Je dis bien théorique. L’homme est fragilisé dans le travail, a perdu du pouvoir sur ses enfants, et ce pouvoir est exercé encore plus sur la femme qu’il voudrait soumise. Le but est de contrôler, de dominer. Cela touche toutes les couches de la société. Y a-t-il des harceleuses ? Oui, de plus en plus car cela suit l’égalité homme/femme. Il y a, par ailleurs, autant de violences chez les couples homosexuels. La violence est-elle un phénomène grandissant ? On est dans une société qui est de moins en moins violente. Mais on est de moins en moins tolérant face à la violence. C’est caractéristique au sujet des enfants.
Le ressort du harcèlement n’est-il pas la culpabilisation de la victime? Ce n’est jamais l’agresseur qui se sent coupable mais la victime, quel que soit le contexte. C’est comme la honte. On le voit dans les viols.
La relation d’amour n’induit-elle pas l’emprise ? Normalement, une relation amoureuse normale est une emprise réciproque.