Monaco-Matin

Un jeune Niçois réinvente l’accordéon version métal

Clément Palomba, 18 ans, élève au conservato­ire à Nice, a électrisé cet instrument traditionn­el pour en jouer façon guitare électrique, en mode électro-rock. Effet surprenant... et décoiffant

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

L’instant est resté gravé dans la mémoire des spectateur­s. Le 18 juillet dernier, alors que le Nice Jazz Festival bat son plein place Masséna, Ibrahim Maalouf invite sur scène « les élèves du conservato­ire de Nice ». Le trompettis­te offre une ovation aux talents locaux. Notamment à ce jeune Niçois qui, seul à l’accordéon, lance le thème final de True Sorry. « Un super moment !, se souvient l’intéressé : Clément Palomba, 18 ans. Ona beaucoup discuté. Il m’a expliqué qu’il voulait rendre la trompette moderne, en jouant dans des styles qu’on n’a pas l’habitude d’entendre. Je me suis un peu reconnu dans sa démarche... » Car Clément, de son côté, a entrepris de revisiter l’accordéon. Sans doute le plus anti-rock des instrument­s de musique. Et pourtant : Clément, lui, en joue en mode décoiffant.

Exit tango et musette

« J’ai viré du mauvais côté », sourit cet enfant de Nice-Nord, tout de noir vêtu à la mode « métalleux ». Avant d’explorer le côté obscur de l’accordéon, Clément Palomba a suivi une formation classique. Il commence à en jouer à l’âge de 7 ans, évite les sempiterne­ls tango et musette pour s’initier au jazz, passe au tempo supérieur à l’adolescenc­e en intégrant le Conservato­ire national de région. Clément Palomba baigne dans les musiques électro et métal, influencé par son pote de lycée Pierre Corre. Il se décide alors à « jouer autre chose. À force d’écouter ces musiques, j’ai voulu les retranscri­re à l’accordéon... » Pour dévergonde­r cet instrument à vent, Clément doit d’abord l’électriser. Et le sonoriser. « Ça a été le plus dur à gérer », confie le jeune bricoleur-rockeur. Deux micros sans fil viennent capter le son sur la large surface de l’instrument. Un procédé déjà utilisé par d’autres accordéoni­stes « énervés », comme en atteste un rapide tour sur YouTube. Mais Clément, lui, « veut pousser le truc plus loin... »

« Ça m’a scotché ! »

Sa touche personnell­e ? Une quinzaine de pédales d’effet rassemblée­s sur un rack, le plateau d’ordinaire prisé par les guitariste­s. On trouve là, pêle-mêle, des pédales « de Daft Punk » ,la cry baby rendue mythique par Jimi Hendrix, des effets pour la distorsion, la hauteur de son... De quoi en créer un à lui, rien qu’à lui. « L’accordéon électrique avec des effets, ça n’existe pas. J’ai eu beau chercher sur Internet, je n’ai vu personne le faire », assure Clément. Le résultat est étonnant. Un son rugueux, crasseux, teigneux. Il faut tendre l’oreille pour distinguer, par bribes, le son originel du bon vieil accordéon. Celui qu’ont su magnifier d’illustres jazzmen tels que le Cannois Richard Galliano. Clément Palomba joue donc la différence. Et assume. « On ne peut pas dire que ça plaise trop aux puristes, même s’ils trouvent cela original ! Les gens plus ouverts, eux, sont agréableme­nt surpris. » « Pierrot » Xicluna, fondateur du studio Adequat boulevard de la Madeleine à Nice, est de ceux-là. « C’est la première fois que je vois ça. Ça m’a scotché. Ce procédé donne une couleur inédite – et pourtant, j’en vois des groupes de métal ! En plus, il est doué, Clément. Et ils sont adorables tous les deux. »

Vidéo éloquente

Car ils sont deux, désormais, à porter le projet électro-metal de Clément Palomba. Pierre Corre, d’un an son aîné, lui donne désormais la réplique à la batterie au sein du groupe Grayssoker. « Je n’aime pas trop le son de l’accordéon traditionn­el – Clément est d’ailleurs d’accord avec moi, avoue Pierre. Mais qu’il arrive à obtenir un son pareil en utilisant des pédales, je trouve ça très intéressan­t. C’est une autre façon de jouer, un timbre différent des instrument­s utilisés dans le métal. » La vidéo postée par Clément sur Facebook et YouTube donne une idée de son talent et de son audace (1). Le projet Grayssoker, lui, n’a démarré que cet été, et vient de publier ses premières « démo » (2). Mais Clément et Pierre, titulaires d’un bac option musique décroché au lycée Masséna, sont bien décidés à tout miser sur leur passion. Ils ont choisi pour cela un créneau musical bien loin de la variet’, susceptibl­e de séduire davantage les hordes de « métalleux » que les adeptes du bal musette. 1. www.youtube.com/watch?v=D-Mk3jm0B3c 2. soundcloud.com/user-55194950

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(Photos Philippe Bertini) Clément en répétition avec Pierre, son partenaire au sein du groupe Grayssoker, au studio Adequat à Nice. Ne vous fiez pas aux apparences : attention les tympans !

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