Qu’est-ce qu’un timbre à l’ère du numérique?
Événement philathélique international, MonacoPhil tient salon jusqu’à ce soir aux terrasses de Fontvieille. L’occasion de questionner les collectionneurs sur le rôle du timbre au XXIe siècle
Premier timbre-poste de l’histoire le « Penny Black » a été émis le 1er mai 1840. Emblème d’une réforme postale visant à faire payer l’expéditeur plutôt que le destinataire, non dentelé et d’une valeur faciale de 1 penny, ce timbre représentait la reine Victoria de profil mais sans la moindre autre mention quant à sa provenance. Des dizaines de millions d’exemplaires écoulés plus tard, le « Penny Black » allait devenir le point de départ de l’histoire de la philatélie. Deux siècles après la révolution dans les moyens de communication provoquée par ce portrait de 2,5 cm de haut et 1,5 cm de large, quelle place occupe le timbre dans nos sociétés dématérialisées ? Qu’est-ce qu’un timbre au XXIe siècle, à l’ère du numérique ? C’est la question toute bête que nous avons posée aux exposants de Fontvieille. Pour commencer, la passion pour le timbre est intacte. Pas de place aux doutes vu la fréquentation sur le site et la pluralité des exposants (collectionneurs comme marchands) de toutes nationalités.
« Un peu suranné »
Côté renouvellement des têtes, c’est un peu moins ça. De l’aveu des philatélistes interrogés, le « jeune philatéliste » d’aujourd’hui arbore « la cinquantaine ». Quant à l’objet en lui-même, celui qu’on a tous léché au moins une fois dans sa vie, son goût reste unique malgré un usage qui s’éloigne inexorablement de ses origines. «Il faut bien avouer que le timbre est un peu suranné. Ce n’est plus ce que c’était au XIXe siècle, le seul moyen de communiquer. Mais si La Poste évoque une baisse des courriers, cela concerne surtout les courriers administratifs, pas philatéliques», avance Renaud Varga, gérant de Vincennes Philathélie. Le point de bascule ? «L’instauration de la Carte vitale et la dématérialisation des feuilles de soins », qui auront eu raison d’une grande part du courrier administratif. Il en faut toutefois plus pour abattre le philatéliste. Avec ses 40 ans de métier, Renaud Varga est un fidèle du rendez-vous monégasque, « indispensable aussi pour faire du relationnel avec nos clients retraités et installés sur la Côte d’Azur» .Et l’avenir du timbre, il est loin de le voir tout en noir. « La production stagne car il y a moins de collectionneurs», concède-t-il, mais l’exemple de l’Euro 2016 de football, des futurs Jeux Olympiques de Paris ou encore le prestige des collections monégasques prouvent que les sources sont loin de se tarir. Son regret : « Avant des gens venaient avec un billet de 50 francs acheter quelques timbres, maintenant le moindre timbre vaut 2,60 euros » .Et20 millions d’euros pour le plus cher du monde !
« Reste l’objectif essentiel »
Même constat au stand du Groupement des associations philatéliques spécialisées, où Michel Letaillieur et Alain Camelin évoquent leur Madeleine de Proust avec la même ferveur et un zest de nostalgie dans la voix. « Le timbre ? C’est quelque chose que l’on voit disparaître, qui n’est plus réservé qu’aux philatélistes. Il reste l’usage premier, l’objectif essentiel, celui de rendre un service. » Service qui perdure mais sous des formes bien moins glamour. Ces maudites « machines à étiquettes» ou encore ces blocs de timbres autocollants. Heureusement, des lueurs d’espoirs parsèment l’univers de la philathélie. Si les faussaires s’y invitent toujours, de jeunes artistes pointent le bout de leur nez. Comme Pierre Bara, graveur de timbres à l’étonnante dextérité et qui travaille en live sur le salon. L’avenir.