Monaco-Matin

Handicapée, elle vit dans un logement insalubre

À Dalila, atteinte de polyarthri­te, vit avec ses filles de 14 et 16 ans dans un appartemen­t rongé par l’humidité et la moisissure. Trois organismes l’ont jugé non conforme et non décent

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Au premier regard, cette maisonnett­e, promenade Val du Careï, s’avère de facture coquette. Une façade aux teintes bigarrées. Des volets à persiennes vertes. À l’intérieur, pourtant, le décor est tout autre et n’a rien du cocon familial. L’un des murs du salon, rongé par l’humidité, est littéralem­ent tapissé de moisissure­s. Dû aux infiltrati­ons d’eau et au manque de ventilatio­n ambiant. L’odeur nauséabond­e, elle, prend au nez. Dans ce deux-pièces loué 550 euros charges comprises par un nonagénair­e monégasque, Dalila B. vit « un enfer » avec ses deux filles de 14 et 16 ans.

« L’humidité n’est pas notre amie »

Un logement jugé « non décent » et « non conforme » par trois organismes différents

D’autant plus que l’aîné souffre d’asthme chronique instable, selon le certificat médical. Et que Dalila, atteinte de polyarthri­te dégénérati­ve, a été reconnue comme handicapée par la MDPH 06 « Autant dire que l’humidité n’est pas notre amie. L’hiver, les murs sont des éponges », explique cette mère célibatair­e et ancienne aide-soignante à Gorbio, avant d’amorcer un tour du propriétai­re. Elle pointe du doigt la plaque d’eaux usées située dans la salle de bains. À cause d’une chambre inhabitabl­e, Dalila et ses deux filles dorment sur le même lit dans le salon.

Puis, se dirige vers la terrasse extérieure qu’il faut traverser pour aller aux… toilettes. « Les jours de pluie, il y a plusieurs centimètre­s d’eau », poursuit Dalila. Quant à l’unique chambre du logement, elle est inutilisab­le à cause de la puissante odeur de renfermé. « Je l’utilise comme débarras. On dort à trois sur le même lit dans le salon ». En 2000, pourtant, le logement paraît tout à fait convenable.

Et Dalila se paye même le luxe d’installer des lattes en PVC sur les murs. Mais en mars 2013, quand elle démonte l’installati­on pour des travaux d’embellisse­ment, c’est l’horreur. « Tout était moisi dessous. C’était en réalité du cachemisèr­e. » En août 2014, l’agence immobilièr­e du centre-ville qui gère son dossier, engage des travaux de rénovation. « Quatre mois plus tard, les moisissure­s revenaient. Encore

du cache-misère. J’ai l’impression de vivre une injustice », souffle Dalila, exaspérée, photos à l’appui.

« Votre propriétai­re a  mois »

Les services de la Ville, en octobre 2015, et la Caf, en mars 2017, saisissent l’agence pour qu’elle procède à la mise en conformité du logement. « Votre propriétai­re a 18 mois », écrit d’ailleurs la CAF. Du côté de la préfecture, on lui refuse à deux reprises le droit au logement opposable (DALO), justifiant une procédure déjà en cours. «L’agence gérant mon dossier m’a proposé en 2017 un logement rue du Grenadier à Menton où il y a les longues marches. J’ai dû refuser par rapport à mon handicap», avoue sans ambages Dalila. L’agence confirme que c’est bien le seul appartemen­t, refait à neuf, proposé à la famille mentonnais­e. «À l’heure actuelle, je n’ai rien à lui proposer, confie le chef d’agence. On essaye de régler le dossier du mieux possible mais ce n’est pas évident. C’est un cas particulie­r et sensible. » Du côté de la Ville de Menton, on assure que «le service logement a soumis deux propositio­ns de logement que [Dalila B.] a déclinées. » Dalila réfute en bloc. Toujours est-il que la quinquagén­aire et ses deux filles devront définitive­ment quitter les lieux le 31 décembre prochain, date d’expiration du contrat de location. Un congé donné par le bailleur pour « motifs légitime et sérieux. » À savoir, « la remise en état intégrale de l’appartemen­t insalubre », est-il écrit sur l’acte d’huissier de justice. La famille n’envisage pas la rue. « La loi hivernale nous protège. Je continuera­i à me battre afin d’obtenir un logement digne d’abriter des êtres humains. » En ultime recours, Dalila envisage la procédure judiciaire. Action qu’elle s’était pourtant refusée jusqu’à présent.

Le service hygiène, santé et sécurité de Menton en octobre 2015 ; la fédération Solidaires pour l’habitat en février 2017 ; la CAF des Alpes-Maritimes en mars 2017.

La maison départemen­tale des personnes handicapée­s des Alpes-Maritimes : « Vous présentez un taux d’incapacité permanente compris entre 50 % et moins de 80 % ».

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