Monaco-Matin

Marseille : La Grande Guerre prive la gare de son escalier

- ANDRÉ PEYREGNE RECUEILLI PAR RÉGINE MEUNIER

ui ne connaît l’escalier monumental de la gare Saint-Charles à Marseille ? C’est l’un des plus impression­nants de France avec ses cent quatre larges marches entrecoupé­es de sept paliers. Il a récemment été placé sous les feux tragiques de l’actualité. Cet escalier a une histoire. Une histoire pas ordinaire. Une histoire indépendan­te de celle de la gare. Car, à l’origine, la gare de Marseille n’avait pas d’escalier ! La gare Saint-Charles, inaugurée en 1848, était établie sur un grand plateau, au-dessus des bâtiments d’un établissem­ent de formation religieuse appelé Petit Séminaire. Pour gagner la ville, il fallait accomplir un grand détour. La gare, à cette époque, était considérée comme un terminus en provenance de Paris. Il n’était pas question de poursuivre vers Toulon ou même plus loin à l’Est ! En 1859, l’écrivain marseillai­s Adolphe Meyer suggère de construire un « gigantesqu­e escalier, coupé de repos, bordé de belles lignes architectu­rales, conduisant avec magnificen­ce aux terrains supérieurs, au plateau de l’embarcadèr­e.» Mais il faudra attendre un peu plus d’un demi-siècle pour que l’idée mûrisse et que la municipali­té la reprenne à son compte. En 1911, un concours d’architectu­re est lancé. Le candidat retenu est Eugène Sénès. Les choses avancent: on a un architecte… mais pas assez d’argent ! L’emprunt public lancé et la surtaxe imposée sur le prix des billets de trains n’ont pas Le grand escalier avec ses sculptures a été inauguré en  en présence du président de la République. rapporté autant qu’on espérait. On attendra donc. Mais lorsque le projet peut enfin être concrétisé survient la tragédie de la Première Guerre mondiale. Les travaux sont reportés.

La Vierge dorée doit déménager

Tout reprend en 1919 avec pour objectif que l’escalier soit terminé pour l’Exposition coloniale de Marseille en 1922. Les bâtiments du Petit Séminaire, qui avaient été acquis par l’État en 1903, sont démolis. Le monument de la Vierge dorée, qui se trouvait là depuis le milieu du XIXe siècle, est pieusement transféré, à quelques pas de là, au carrefour du boulevard Voltaire et du boulevard de la Liberté. La première pierre est enfin posée par le maire Siméon Flaissière­s le 17 juillet 1 923. L’Exposition coloniale est terminée depuis un an ! Marche après marche, l’escalier se construit. La structure principale est achevée vers la fin de l’année 1925. Une première inaugurati­on a lieu la veille de Noël… mais sans Winston Churchill a été, entre autres, Premier ministre du Royaume-Uni de  à . Il n’a pas seulement été un homme d’État. Sa vie a été riche de diverses facettes : peintre, écrivain, épicurien mais simple dans l’intimité de sa famille… Béatrix de l’Aulnoit, journalist­e et écrivain, raconte ces autres vies qu’elle mêle au contexte historique, dans un très beau livre richement illustré. Dans le livre, son premier bulletin de notes montre clairement qu’il était dernier et cela a duré toute sa scolarité. On dit toujours que son père était sévère mais il avait de bonnes raisons d’être furieux. Winston, incapable d’apprendre un mot de latin et de grec, hermétique aux mathématiq­ues, est orienté à quatorze ans vers la carrière militaire parce qu’il ne peut pas entrer à Oxford. Mais pendant qu’il triple ses classes, un professeur d’anglais lui apprend l’art de la rédaction et, chose inouïe, à  ans, le cancre se révèle un écrivain de génie qui obtiendra, en , le prix Nobel de Littératur­e ! Il a une confiance indéfectib­le dans sa bonne étoile. Mais c’est aussi, un travailleu­r acharné. Après la crise de , ruiné, il écrit trois livres à la fois pour gagner sa vie. Pour se détendre, il enfile une salopette, construit le mur du potager et prend sa carte d’ouvrier-maçon. Rien ne l’arrête jamais.

Au printemps , l’expédition des Dardanelle­s en Turquie les sculptures. Car il va y avoir des sculptures.

Des sculptures monumental­es

Qui ne connaît, aujourd’hui, les sculptures monumental­es de l’escalier de la gare Saint-Charles ? Mais qui, aujourd’hui, prend le temps de les regarder lorsqu’il monte les marches quatre à quatre pour ne pas rater son train – s’il n’est pas essoufflé avant ? Elles sont pourtant là, ces sculptures : sur le grand palier intermédia­ire, elles sont dues au ciseau de l’artiste marseillai­s Auguste Carli, prix de Rome de sculpture, décorateur d’autres bâtiments à Marseille, comme la Caisse d’Épargne. Sur l’escalier de la gare, il a représenté de manière allégoriqu­e, sous forme de deux corps de femmes, le rêve de l’Orient et la ville de Marseille. Sur les faces des pylônes, on trouve les armoiries des villes de Nice, Marseille, Aixen-Provence, Lyon, Paris, qui se trouvent sur la ligne de chemin de fer, qui relie désormais Nice à Paris. Sur les paliers se dressent les groupes représenta­nt l’agricultur­e de notre région: la Moisson, Les Fruits et La Pêche, Les Vendanges, Les Fleurs et La Chasse. Sur le dernier palier les Colonies d’Afrique et les Colonies d’Asie. Une fois les sculptures installées, une seconde inaugurati­on en grande pompe a pu avoir lieu le 24 avril 1927 en présence du président de la République Gaston Doumergue, du sénateurma­ire Siméon Flaissière­s, du ministre des travaux publics André Tardieu et du préfet Delfini. La gare Saint-Charles avait enfin son escalier ! où   soldats alliés trouvent la mort. Il doit démissionn­er de son poste de Premier lord de l’Amirauté. Il perd ses cheveux. Sa femme, Clementine, croit même qu’il va en mourir. C’est à ce moment qu’il se met à la peinture et cela le sauve. Impossible de résumer ce monstre sacré de l’histoire. Il ne rentre jamais dans le moule, dans le rang, voilà son génie !

Il adorait la Côte d’Azur. Et surtout sa lumière. Il avait une multitude de riches amis Anglais qui l’accueillai­ent. Le matin, il se baignait ou faisait une balade en bateau, l’après-midi, il peignait puis, après un petit tour au casino, il dictait ses mémoires en buvant quelques whiskies-soda jusqu’à trois heures du matin. Il aurait aimé acheter une propriété mais n’en a jamais eu les moyens. Parce que ce grand acteur en politique sait se mettre en scène avec humour. Il fume huit cigares par jour, adore le cognac et a toujours une phrase drôle. On ne s’ennuie jamais avec Churchill.

Il ne faut jamais oublier que quand un malheur vous frappe, il peut vous épargner un ennui pire encore.

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L’ exposition Les conférence­s
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(Photo DR) La gare de Marseille au début du XXe avant les escaliers.
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