Monaco-Matin

ASM: Jardim fera tourner à Porto mercredi

1,59 m mais buteur de la tête avec l’ASM lors d’un match fou contre la Roma en 1992, Rui Barros aura marqué de son empreinte le Rocher mais aussi Porto, son club de coeur

- MATHIEU FAURE

Patrick Blondeau n’est pas du genre à enjamber les flaques d’eau quand il s’agit de se plonger dans ses souvenirs. Coéquipier de Rui Barros à l’AS Monaco entre 1990 et 1993, l’ancien latéral est ravi de disserter à propos de son ancien coéquipier portugais, aujourd’hui dirigeant au FC Porto. « Avec sa taille (1,59m), si tu veux exister, soit t’es un génie du football soit tu te fais péter la jambe. Quand tu le vois arriver pour la photo officielle, tout petit, tu te poses des questions. Mais quand tu l’observes porter l’équipe, tu le prends vite au sérieux. C’est un grand joueur, qui a joué dans des grands clubs. » Le décor est planté. Cette escapade portugaise de l’AS Monaco est l’excuse parfaite pour se plonger dans le passé de Gil Rui Barros, l’homme qui a marqué - de la tête - le seul but du quart de finale de C2 1992 entre l’ASM et la Roma (0-0, 1-0). Mais c’est au Portugal que la légende du « petit » va prendre de la hauteur. L’homme vient de Lordelo, une paroisse civile (freguesia en VO) située à 22 kilomètres de Porto, spécialisé­e dans l’industrie du meuble, sans éclairage et traversée par des rues pavées. C’est là que Rui Barros a vu le jour et grandi dans une famille de huit enfants. A 12 ans, il arrête l’école et file à la fabrique Mariomolar qui emploie déjà son père et son frère aîné Antonio. Son premier salaire ? 500 francs. Besogneux, le jeune garçon emporte des morceaux de bois à sculpter et travaille chaque soir deux heures à la maison, il se spécialise dans les imitations d’époque. Précaution­neux, il travaille lentement mais avec soin. Jusqu’à dix-huit ans, il passera dix heures par jour à l’usine, dans un sous-sol, sans voir la lumière du jour, en espérant des lendemains meilleurs. A Lordelo, on ne rigole pas avec le bon Dieu. Tous les dimanches matins, la famille se rend à la messe avant de dévorer le même repas : pommes de terre, agneau ou cabri au four, « vinho verde ». La viande, c’est le luxe dominical. L’autre luxe, c’est le football au FC Lordelo. Un entraîneme­nt le mercredi soir et match le dimanche. Au début, Rui Barros ne joue que les dix dernières minutes. « J’étais si petit que les gens riaient si je rentrais sur le terrain avant le coup d’envoi » , déclare-t-il en 1992. Car oui, Rui Barros est un petit format. 1,59m sans les crampons. Mais il a d’autres atouts en poche : sa vitesse, son endurance, sa technique balle au pied. Dans des équipes qui usent de la contre-attaque, il se régale. Il n’aime pas le terme artiste, il se voit plus comme un travailleu­r actif, un créateur de brèches. Polyvalent, il peut jouer partout. C’est d’ailleurs ce qui convint la Juventus Turin de miser sur lui à l’été 1988. Après un rendez-vous au Sheraton de Porto avec Giovanni Agnelli, dit «L’avvocato» et Giampiero Boniperti, le président de l’époque, le Portugais multiplie son salaire par 20 et file dans le Piémont. Au courant de la nouvelle, sa mère fond en larmes. C’est le premier de ses huit enfants à quitter le domicile familial. Quand il part à la Juventus, son père a cinquante-huit ans et doit encore travailler sept ans à la fabrique de meubles avant de pouvoir prendre sa retraite. Son fils lui demande de se reposer, il va s’occuper de tout le monde. A son arrivée à la Juve, aucun maillot n’est à sa taille. « Ils étaient tous immenses pour moi : manches trop longues, le bas qui descendait jusqu’à mi-cuisse, la moitié du numéro disparaiss­ant dans le short...» se souvient Barros en 1992, peu de temps avant la finale de Coupe des Coupes contre le Werder Brême. Turin va lui ouvrir les portes de Monaco. Sur le Rocher, l’escouade d’Arsène Wenger découvre un gars en or. Blondeau : « Je l’ai connu alors que j’étais jeune, mais c’était un seigneur. Comme Hoddle. Il jouait de la même manière, peu importe la qualité de l’adversaire. J’étais un joueur de duel et lui, bien qu’il soit tout petit, il ne se débinait jamais à l’entraîneme­nt. C’était un petit coffre mais il se donnait et il prenait beaucoup de ballons de la tête, ça nous faisait marrer ». Après trois saisons sur le Rocher, il débarque à Marseille avant de retourner chez les Dragons. Porto, ce n’est pas rien pour Rui Barros. C’est là qu’il est devenu profession­nel tout en vivant toujours à Lordelo. C’est aussi là qu’il va prendre sa retraite, en 2000, avant d’embrasser une carrière de dirigeant : entraîneur adjoint, entraîneur, recruteur, directeur sportif, team manager, vice-président, Rui Barros a occupé tous les postes clés du club depuis plus de 15 ans. Il y est toujours. En costard. Difficile d’imaginer une fin de carrière et une reconversi­on ailleurs que dans son pays natal. L’homme a toujours été comme ça. Casanier et surtout très pieux. Très croyant, il a déjà fait plusieurs fois le pèlerinage à Fatima, au Portugal. Dans un vestiaire, on le décrivait comme un garçon timide, lui parle de simplicité. En soirée, il a toujours préféré rester en famille plutôt qu’aller s’arsouiller en discothèqu­e. N’y voyez pas une sorte de fragilité, Rui Barros est un mec qui a du répondant. Blondeau toujours : « C’est un teigneux mais un mec en or. Tu peux aller à la guerre avec lui, voyager. Dans les moments chauds c’est quelqu’un qui riait, notamment dans les tunnels, comme celui de l’ancien Vélodrome de Marseille où c’était souvent tendu avant les rencontres. Là, dans ses yeux, tu comprends que tu peux aller au combat sur ses épaules. Il ne te lâchera pas. Jamais ».

J’étais si petit que les gens riaient si je rentrais sur le terrain avant le coup d’envoi ”

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Unique buteur de la double confrontat­ion entre Monaco et la Roma en quart de finale de la C  (-, -), Rui Barros est depuis rentré au Portugal, à Porto, où il occupe une place dans la direction après en avoir été recruteur ou encore entraîneur.

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