Monaco-Matin

Au musée Cocteau, un seul vernissage pour trois expos

En parallèle de l’acte II de Démarche d’un poète, deux autres exposition­s au Bastion et à l’espace temporaire ont été officielle­ment inaugurées samedi, avec Cocteau comme fil rouge

- ALICE ROUSSELOT

Qu’est-ce qui unit Jean Cocteau, Sarah Bernhardt et Ève ? Le musée Cocteau – collection Séverin Wunderman, de toute évidence. Mais encore ? Le fait que trois exposition­s relatives à chacun d’entre eux y aient leur place, au point d’avoir été inaugurées le même jour à Menton, c’est exact. Samedi. La passion sans bornes que vouait Cocteau à la tragédienn­e, bien sûr. Mais le lien est plus enraciné encore. Et l’adjointe au maire en charge de la Culture, Martine Caserio, a sa propre théorie sur la question. Le fil rouge qui unit les trois figures emblématiq­ues que l’on peut en ce moment (re)découvrir n’est autre que… la transgress­ion.

Liberté chérie

« Cocteau rompt avec l’espace et le temps, bouscule l’ordre établi, justifie-t-elle. Sarah Bernhardt était “Mme quand même”, renvoyée de la Comédie française pour avoir giflé une sociétaire, avant de créer sa propre compagnie. Elle qui aimait interpréte­r les rôles masculins. Puis, amputée de la jambe droite, elle continua à jouer. Assise. Quant à Ève, elle incarne la première transgress­ion. Au nom de la liberté sans concession­s. » À ses côtés, le maire, JeanClaude Guibal, précise pour le plaisir du débat: «La liberté, c’est bien. Mais pour cela, il faut de la transgress­ion. Et pour cela, il faut… des interdits ! Alors veillons à ce qu’ils ne disparaiss­ent pas… », s’amuse-t-il à rétorquer. Plongeant chacun des visiteurs dans une réflexion intérieure. Pour saisir tout à fait les similitude­s entre Jean Cocteau et Ève, il faut cela dit se rapprocher de Caroline Challan Belval. La nouvelle élue de l’espace dédié aux exposition­s temporaire­s, avec son parcours Le Testament d’Ève. Référence à peine voilée au Testament d’Orphée de Cocteau. « Nous aimons revenir au temps présent avec des artistes qui ont pris le même chemin que lui. Celui de la pluridisci­plinarité. Caroline Challan Belval propose ainsi la part féminine d’Orphée. Une nouvelle lecture », souligne la conservatr­ice du musée, Françoise Leonelli. Donnant la parole à l’artiste, dont le travail audacieux prend systématiq­uement source dans des oeuvres d’antan. Les globes de Coronelli, la colonne torse de l’église Saint-Séverin, une fresque de l’église de SaintChef en Isère. Et puis l’Ève d’Autun. Une sculpture de femme allongée, loin des canons de l’époque. « On assiste avec cette Ève au basculemen­t vers ce qu’est l’humanité, avec ses hésitation­s, ses doutes. Ce sont là les caractéris­tiques de l’art », développe-t-elle. Expliquant avoir voulu, à l’instar de Cocteau, entrer dans la sphère des artistes polymorphe­s. Allant, comme lui, de la technique à l’encre noire – la plus pure – au cinéma et à son « dédale temporel ». Tissant elle-même des partenaria­ts atypiques. Avec l’observatoi­re de Nice Côte d’Azur, entre autres. Sculptures, tapisserie, dessins, vidéos, peinture investisse­nt ainsi, jusqu’au 19 mars, le temple de Cocteau. Dont l’artiste s’est réappropri­é l’univers, jusqu’à citer sa pensée dans La Difficulté d’être : « “Pourquoi faitesvous des pièces ?”, me demande le romancier. “Pourquoi faites-vous des romans ?”, me demande le dramaturge. “Pourquoi dessinez-vous?”, me demande le critique. “Pourquoi écrivezvou­s ?”, me demande le dessinateu­r. Oui, pourquoi ? Je me le demande. Sans doute pour que ma graine vole un peu partout. »

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(Photos Jean-François Ottonello) Jean-Claude Guibal, Caroline Challan Belval, Françoise Leonelli et Martine Caserio. Devant les oeuvres regroupées au sein de l’exposition Le Testament d’Eve.

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