À Nice, le procès Lambin-Fornasari : une victime improbable
Robert Ludi était un discret gardien d’école, sans histoire, exécuté de deux balles dans la tête à Antibes en 2002. Sa soeur a expliqué combien cette mort était injuste et incompréhensible. Florence Ludi, 44 ans, ne laissait rien paraître de son chagrin depuis l’ouverture du procès. Hier après-midi, le président Delaunay l’a invitée à témoigner à la barre de la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Cette femme discrète s’avance en pleine lumière. Dans le box, l’accusé Michel Lambin, malade, installé sur son fauteuil médicalisé, semble assommé par la morphine. Emile Fornasari lui, est très attentif derrière ses lunettes. Florence Ludi se remémore la journée du 6 décembre 2002. La voix s’étrangle aussitôt. Elle s’interrompt, inspire pour se calmer. Evoquer à nouveau la mort de son frère, quinze ans après jour pour jour, la submerge d’émotions. « La veille, on devait aller ensemble au salon des Entrepreneurs à Juan. Mais il pleuvait, j’ai annulé», se souvient-elle, en se culpabilisant. Inquiète le 6 décembre de ne pouvoir joindre Robert dont elle était très proche, elle se rend au domicile de son frère. « J’avais les clefs. Je l’ai cherché partout. En repartant, son ange m’a dit : retourne. Je suis allée à la voiture. J’ai ouvert la portière, j’ai trouvé mon frère allongé sur le côté. » Florence pense d’abord à un malaise. Sans trop y croire: « Ce n’était pas beau à voir. Je lui ai tenu la main, j’ai appelé les pompiers, j’ai appelé mon conjoint. » Le légiste a confirmé au procès que la victime avait été atteinte de deux balles au visage: « Ilyaeu un saignement abondant, suivi d’une perte de conscience même s’il y a eu plusieurs heures d’agonie. » Me Frédéric Gascard, conseil de la partie civile, s’adresse à Florence Ludi : « Votre frère avait-il des ennemis ? » « Je pensais qu’il n’avait que des amis. [...]Cette mort, c’était inconcevable. »
Des pistes inexplorées selon la défense
Comment un garçon si ordinaire à la vie rangée, célibataire si dévoué, fondateur d’une équipe de foot à la mairie d’Antibes, se retrouve exécuté dans sa Peugeot 205 comme un malfrat ? L’enquête s’annonçait complexe. Elle le fut avec deux premières instructions qui aboutiront à des non-lieux. Une lettre anonyme, dactylographiée, était parvenue au commissariat d’Antibes deux mois après le meurtre. « Cette lettre nous donne le mobile », a expliqué hier matin la directrice d’enquête de l’époque qui, par élimination, s’était concentrée sur Séverine Laurent, amie d’enfance de Robert Ludi. Emile Fornasari n’aurait pas supporté la séparation avec Séverine Laurent, mère de leur fils. Il voulait faire le vide autour d’elle. En compagnie du père de Séverine, Emile Fornasari serait venu menacer Robert Ludi qui avait aussitôt cessé toute relation avec la jeune femme. Fornasari, selon l’accusation, aurait ensuite demandé à Michel Lambin d’exécuter le contrat. Une écoute téléphonique (très contestée par la défense) conforterait cette hypothèse. Me Isabelle Gortina, défenseur de Michel Lambin, et Me Tina Colombani, avocat d’Emile Fornasari, trouvent l’explication un peu courte. Elles se lèvent tour à tour : « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de recherches d’empreintes sur ce courrier ? » Idem pour les portières de la 205. « Robert Ludi était un joueur de casino, rappelle Me Colombani. Pourquoi ne pas s’intéresser aux mouvements d’argent sur son compte, sommes qui dépassaient largement ses 1 900 euros de revenus mensuels ?» La défense estime que certaines pistes n’ont pas été exploitées comme elles auraient dû l’être. Me Colombani justifie en ces termes cette rafale de questions : « On nous sert un mobile. Il faudra quand même l’étayer… »