Monaco-Matin

Première de cordée

Marine Clarys, Niçoise de 31 ans, est devenue la première femme guide de haute-montagne dans les Alpes-Maritimes. Une performanc­e pour cette amoureuse de Saint-Martin-Vésubie

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Avec son cran naturel et ses yeux clairs qui reflètent la douce teinte des glaciers, elle ouvre une nouvelle voie : la féminisati­on de son métier. Un sacré défi pour Marine Clarys, 31 ans, première femme à devenir guide de haute-montagne dans les Alpes-Maritimes. Et des défis, cette grimpeuse aguerrie a dû en relever pour atteindre ce sommet : « Ça me faisait rêver depuis l’adolescenc­e. Mais c’était juste un rêve. Ça me paraissait si difficile... » Le 1er septembre dernier, Marine a « beaucoup pleuré ». De joie, cette fois-ci. Et non plus de rage, comme dans les moments les plus éprouvants d’une formation à la dure. Ce jour-là, Marine a été adoubée par le très exigeant monde de la montagne. La voilà diplômée de la prestigieu­se Ecole nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) de Chamonix. Alors, ces larmes, « c’était un moyen d’évacuer la pression et les efforts consentis. Cinq ans de ma vie que je ne vis que pour ça ! »

« On est aussi efficaces »

Ne vous fiez pas à son sourire désarmant de gentilless­e, ni à sa silhouette juvénile. Marine Clarys est une force de la nature. Dans le sens où sa volonté, son goût de l’effort, sa quête de liberté lui ont permis de gravir des montagnes, dans tous les sens du terme. «Ilne faut pas croire qu’on est faible : on peut apporter autre chose, souritelle. C’est bien qu’il y ait des filles guides. Ça change un peu les mentalités. Techniquem­ent, on est au niveau. Et on est tout aussi efficace !» Dans la cuvée 2017 de l’ENSA, six femmes figurent parmi la cinquantai­ne de diplômés à Chamonix. Un record. À ce jour, elles sont moins Cascade de glace, escalade, ski de randonnée, ski alpin... Marine Clarys maîtrise toutes les facettes des activités montagnard­es.

d’une trentaine parmi les 1 800 profession­nels de la haute-montagne. Marine Clarys, Niçoise établie depuis dix ans à Saint-MartinVésu­bie, a eu « le déclic en voyant deux amies préparer le diplôme. » Les trois jeunes femmes sont lauréates. Une performanc­e au sommet. Car devenir guide de haute-montagne relève du parcours du combattant. En guise d’amuse-bouche, « un examen probatoire très difficile. J’ai raté l’épreuve la première

année. Il faut dire qu’en ski, je partais de loin... » Mais Marine a persévéré. Elle a réussi l’examen d’entrée. Puis elle a surmonté la série d’épreuves tout-terrain préalable à la formation. Elle a ainsi intégré une formation de trois ans, ultrarelev­ée, en tant qu’aspirant-guide. Ski de randonnée, ski hors piste, escalade, cascade de glace, ascension mixte, marche, canyoning... Le menu de la formation comporte toutes les activités de montagne, et par toute saison. « Ils veulent un très bon niveau d’entrée. Quand on est en course avec des clients, il faut être capable d’assurer en cas d’imprévu : mauvais temps, client blessé, fatigué, perte de matériel... » Trois années durant, Marine enchaîne les stages thématique­s. Les courses avec un tuteur. Les courses en solo. Puis vient l’heure de l’examen final.

Dans le sillage paternel

Une semaine de raid à ski en autonomie pendant cinq jours, en avril, dans le massif du Mont-Blanc. Puis une dernière étape, cet été, via les Dolomites. Jusqu’à la récompense suprême. Qu’il lui semble loin, alors, le temps des premières ascensions dans le Mercantour... « Dès l’âge de 14 ans, mon père m’a beaucoup emmenée grimper. C’était dur, c’était long, je finissais épuisée... Mais je n’avais qu’une envie à la fin de la journée : repartir, se souvient Marine, le regard pétillant. Je me sentais bien, libre... et fière de moi. » En 2009, Marine Clarys entreprend une carrière de professeur des écoles. L’expérience ne dure que quatre ans. L’air enivrant des cimes se rappelle à elle. « À force de faire des choses qui me plaisaient à moitié, et de voir que c’était en montagne que je me sentais vraiment bien, je me suis dit : “Faut y aller”. »

« Pas toujours facile... »

Voilà. Cette fois, Marine y est. C’est avec la stature des guides de haute-montagne qu’elle fait goûter à ses clients les plaisirs – et les galères – montagnard­s, du Mont Pelago aux Écrins. « Ce n’est pas toujours facile d’emmener un client en montagne, confie-t-elle. Il faut faire la trace dans la neige, porter le sac, gérer la course, progresser en tête... Il faut être assez résistant, et arriver bien disposé. Pour moi, la partie psychologi­que et émotionnel­le est aussi importante que l’aspect physique. » Marine le concède sans fard : oui, son parcours a été jalonné de doutes. « Je doute beaucoup de mes capacités. Réussir mes stages du premier coup m’a donné confiance en moi. » Dans la neige, le froid, l’adversité, la jeune femme s’est forgé un mental d’acier. Elle peut ainsi, à présent, accueillir ses clients sans complexe. Bien au contraire. « Souvent, les clients sont agréableme­nt surpris. En tant que femme, on est plus à l’écoute, aux petits soins. Parfois, on a envie de les “materner” un peu ! Et je pense que certains aiment bien », s’amuse-telle. Aujourd’hui, Marine a appris à « aimer le ski ». Il lui reste, admetelle, à s’armer de patience. Sans doute l’apprendra-t-elle auprès de sa famille d’adoption : les guides de Saint-Martin-Vésubie, où elle habite un mini « chalet de Blanche-Neige ». « C’est un petit milieu. On s’appelle souvent pour connaître les conditions météo, s’entraîner ensemble, ou partager un moment en montagne. » Les bons. Les sombres aussi. En septembre 2014, Marine débute comme aspirant-guide lorsque Hervé Gourdel est assassiné en Kabylie. Elle a vécu ce drame « avec beaucoup de peine. » Aujourd’hui, c’est le plaisir, le défi, l’évasion qu’elle entend promouvoir. Du trou du Diable, son « spot de référence », aux sorties en ski de randonnée au Boéron ou à la Cougourde. « J’ai envie de développer les activités avec guide dans le Mercantour. Il y a un grand potentiel ici, souvent méconnu des clients. Et c’est toujours magnifique ! »

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