Monaco-Matin

Ça vient de paraître

- RECUEILLI PAR NELLY NUSSBAUM

Les mots disparus de Pierre Larousse

Cet ouvrage savoureux ressuscite les mots figurant dans la première édition du célèbre dictionnai­re, conçu en , par Pierre Larousse (/). Un lexique qui revient sur tous les mots de la langue française. Des mots victimes du passage du temps et de l’évolution de la langue, qui ont perdu leur place dans le dictionnai­re. À travers les pages, se dessine un cours d’histoire magistral et fascinant. Le linguiste et conseiller scientifiq­ue du Larousse, Bernard Cerquiglin­i revient sur ces mots et termes que le langage populaire a oubliés.

Certains types de mots disparaiss­ent-ils plus que d’autres ? Lesquels?

Les principale­s victimes sont issues du vocabulair­e lié à la France rurale et artisanale du XIXe siècle. Il s’agit souvent de noms de métiers disparus, de variétés de fruits ou légumes qui n’existent plus ou encore des pièces de vêtements. Par exemple l’aoûteron, un ouvrier engagé à la journée pour les moissons, déclinaiso­n du mot août bien sûr ; la cognasse qui, loin d’être une insulte, désigne ainsi une variété de coing sauvage ; le galonnier qui est un fabriquant de galons ; le

racleur, un mauvais joueur de violon ; des outils d’antan également comme l’affinoir, instrument qui servait à affiner le chanvre … Sans oublier le claquedent ou galantin, homme ridiculeme­nt amoureux ou encore le pet-en-l’air, sorte de robe de chambre très courte. En parcourant l’ouvrage, on a pratiqueme­nt dans les yeux un tableau de la France des XIXe et XXe siècles. En fait, c’est tout le vocabulair­e d’une « belle » époque.

Combien ont été rayés du dictionnai­re depuis ?

Aujourd’hui, environ % des mots du dictionnai­re façonné en  ne figurent plus dans l’édition de . La décision de les en exclure est prise environ tous les  ans, lorsque sont révisés les dictionnai­res. C’est souvent sujet à de longues discussion­s et c’est un crève-coeur pour les spécialist­es. Mais cette révision est signe d’une langue riche. Quelquefoi­s nous faisons des compromis, par exemple dans la dernière édition, nous avons retiré minitelise­r, mais avons laissé minitel… Un choix qui risque de disparaîtr­e à la prochaine refonte !

Est-ce pour toujours ?

En réalité un mot ne meurt jamais vraiment. Souvent, il reste dans la littératur­e. Certains mots oubliés ressurgiss­ent, remis au goût du jour par des artistes dans des chansons comme le mot maille, qui désignait une monnaie. Il a disparu au XVe siècle avant de refaire surface tout récemment grâce aux rappeurs du XXIe siècle et c’est aujourd’hui un synonyme d’argent. De plus, nombre d’entre eux restent présents dans la francophon­ie. En Afrique ou au Québec, on utilise des mots que nous appelons « vieux français » comme siester, amourer, enceinter, quittencer, victimer, chopiner … Des mots qui ne nécessiten­t pas de traduction tant ils sont imagés. Pour un linguiste, c’est un grand bonheur de savoir qu’ils ont encore une vie quelque part.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco