Aux assises, le double visage de Michel Lambin
Le berger de Caussols, considéré par la police judiciaire et son ex-compagne comme un tueur en série, a été décrit hier par deux de ses filles comme un père « aimant » et « bienveillant »
Sur son fauteuil médicalisé, couverture sur les genoux, l’accusé Michel Lambin, 67 ans, semble reprendre des couleurs au huitième jour de son procès. D’habitude les yeux clos, il a cette fois chaussé ses lunettes et paraît attentif quand deux de ses filles viennent témoigner à la barre. Le berger de Caussols, à la fois exploitant agricole et gérant d’un hôtel à Grasse dans les années 2000, est renvoyé pour la troisième fois dans une affaire criminelle, en l’occurrence l’assassinat en 2002 à Antibes de Robert Ludi, un gardien d’école abattu de deux balles dans la tête. « Quel père était-il », interroge le président Benoît Delaunay. « J’aime mon père », insiste Nathalie, l’aînée de la fratrie. « C’est un papa aimant, je le maintiens. Il n’y a jamais eu de problème de violence. » Alors que Nicole Rossi, celle qui a partagé un quart de siècle de la vie de Michel Lambin, a dépeint un impitoyable tueur en série aux tendances anthropophages, Nathalie précise combien elle avait eu du mal à renouer les liens avec son père à cause de cette femme. « Il nous manque beaucoup, à ses enfants, à ses petits-enfants. Il est tellement aimant et bienveillant avec nous », ajoute Sophie, 46 ans, la cadette qui avoue avoir souffert des périodes d’incarcération de son père.
Le prétendu sanglier était un cadavre
Après ce concert de louanges, Myriam, la dernière compagne de Lambin, entendue en visioconférence, apporte un bémol. Ils s’étaient rencontrés en 2004. Elle avait 20 ans. Il en avait 54. Elle travaillait comme serveuse à Grasse pour financer de brillantes études de physique nucléaire. Elle était tombée sous le charme de ce colosse amoureux de la nature. Ils ont eu une fille ensemble. « La rupture a été très compliquée. Il n’acceptait pas que je coupe les ponts alors qu’il était incarcéré. Le premier homme que j’ai rencontré ensuite s’est fait tabasser un matin par des inconnus. » La jeune femme sous-entend que les agresseurs agissaient sur ordre de Lambin. Plus tôt dans la matinée, les jurés ont entendu Roland, professeur d’équitation à la retraite. Sa vie à Caussols a été son pire cauchemar. « Michel Lambin était un homme sympathique, avenant », explique le témoin. Le médecin de famille n’a-til pas précisé qu’on aurait pu le prendre pour « un avocat, un magistrat ou un notaire ».« Quand je me suis retrouvé exproprié, poursuit Roland, il m’a proposé un terrain où m’installer avec mes deux chevaux. » Un soir de pleine lune, Lambin vient frapper à sa caravane. « Michel avait un couteau à la main. Il m’a demandé de venir l’aider à remonter un sanglier. » En réalité, le sanglier n’est autre que le cadavre de Jean-Yves Guerrée que Lambin vient d’abattre. « Comme vous pouvez le comprendre, j’étais très impressionné, très ému. » Roland, qui recevait régulièrement les confidences apeurées de Nicole Rossi en pleurs, commence à comprendre qu’elle ne délire pas. Lambin tente de le rassurer en lui expliquant qu’il a agi en état de légitime défense. « Michel Lambin n’a jamais été agressif envers moi », tient à préciser le témoin. L’avocat général Marie Nina Valli réagit : « Etait-ce logique d’enterrer un cadavre après un acte de légitime défense ? » Pour ne rien arranger, Lambin demande à Roland, titulaire d’une licence dans un club de tir, d’échanger un canon détérioré à coup de masse contre un canon neuf pour son Colt 45. Le pistolet automatique s’avérera être l’arme qui a tué Robert Ludi.