Monaco-Matin

Parfumé de revanche

- ROMAIN BOISAUBERT

La blessure est encore vive. La plaie a du mal à cicatriser. Ryan sort son téléphone de sa poche, fait défiler ses photos, plonge dans ses souvenirs et ressort un vieux cliché. Une illustrati­on, où l’on voit le garçon, tunique du Munster sur les épaules, aux côtés de Paul O’Connell, légende vivante du club. L’émoi dans son regard azur ne trompe pas. Au fond de lui, Ryan s’y voit encore. Juin 2016. Ryan a 21 ans. Il vient de remporter le championna­t national avec le Cork Constituti­on RFC, club de sa ville natale, est élu homme du match, s’entraîne avec les profession­nels de la province du Munster, échange des ballons avec les internatio­naux irlandais Conor Murray, Ian Keatley et autres Keith Earls. Ryan vit son rêve, celui de porter sur ses épaules les couleurs du club de son coeur. La Côte d’Azur ? Il n’en a guère entendu parler. Il s’y rend, de temps en temps, pour rendre visite à sa soeur, installée à Aix-enProvence. Mais le gamin de Cork n’imagine pas y faire sa vie et encore moins y jouer au rugby. Mais un mois plus tard, son destin chavire.

L’amour, puis la détresse

Un rendez-vous dans le bureau du coach, un simple «sorry», pour lui signifier qu’il est trop tard et l’aventure s’arrête brusquemen­t. Le chagrin est immense. Le garçon est effondré. Pour Ryan, qui a débuté le rugby à l’âge de quatre ans, l’ovalie n’est plus qu’histoire ancienne. Il veut tout lâcher. Il s’imagine déjà travailler comme plombier, dans l’entreprise de son père. Bien loin du Munster, ce club, cette province, ces couleurs, qu’il a tant chéris, des années durant. Mais ses parents, qui l’ont toujours soutenu, ne vont pas l’abandonner. Ils vont le relever. L’amour des siens, pour se surpasser. L’amour d’un père, d’une mère, d’un frère, lui-même rugbyman et d’une soeur, pour ne pas abandonner. Et maintenant, l’amour d’une femme, pour l’épauler. « Mélanie a été d’un précieux soutien pour moi, confie Ryan, la main posée sur la sienne. Quand je suis arrivé à Nice, à l’été 2016, je n’avais aucun repère. Heureuseme­nt, à l’approche de Noël, je l’ai rencontrée. » Mélanie Lecut, ailière à l’AS Cannes-Mandelieu Handball partage désormais son quotidien. Installés à Cannes, les deux charmants sportifs apprécient passer du temps ensemble. Quand ce n’est pas l’un qui va voir jouer le premier, c’est l’autre qui se déplace. À part ça, Ryan aime aller au cinéma, prendre un verre en terrasse, rester chez lui ou lézarder sur la plage. Une vie simple, sans débordemen­ts, mais pleine de sentiments.

Une expérience niçoise avortée

« Ryan est un garçon sensible qui a besoin de repères, murmure Mélanie. Sa famille et ses amis lui manquent énormément.» Mais loin des façades multicolor­es de Cork la portuaire, de ses plaines verdoyante­s et de ses pluies incessante­s, Ryan semble avoir trouvé la paix et retrouvé un semblant de chez lui, dans sa nouvelle famille du RO Grasse. «Je me sens bien dans ce club. Dès mon arrivée, j’ai ressenti une ambiance très familiale ici. Ça ressemble à ce que j’ai connu en Irlande » confesse le demi de mêlée du ROG. Débarqué à l’été 2016 en France, ce fan d’Aaron Smith et de Conor Murray est d’abord passé par le Stade niçois. Une parenthèse sabordée, déjà oubliée. « Il ne jouait pas beaucoup à Nice, lance sa compagne. Ses premiers mois en France ont été très difficiles. Un jour, sa famille est venue le voir lors d’un match. Ryan était arbitre de touche. Ses parents n’ont pas compris et le voyaient souffrir. Ryan ne voulait qu’une chose : rentrer en Irlande. » Mais le gamin de Cork s’est accroché, animé par ce désir de revanche. «Je veux montrer au Munster qu’ils n’ont pas fait le bon choix et que j’avais bien le niveau pour rester au club » affirme le garçon, déterminé à y arriver.

«Explosif, costaud, avec une belle gestuelle »

À Grasse, Ryan (1m75, 81 kg) retrouve de l’éclat, fait renaître l’étincelle. Le plus dur semble derrière. « Quand j’ai appris que Ryan était en difficulté à Nice, je suis allé le voir, sur les conseils de notre ancien demi de mêlée, Jerry Hurley, qui le connaissai­t bien. Le feeling est tout de suite passé entre nous, assure Damien Vacher, entraîneur des trois quarts du ROG et premier interlocut­eur du jeune irlandais. Ryan a aussi très vite été séduit par le projet du club et l’opportunit­é de découvrir la Fédérale 1. » Et sur le jeu de son poulain, Damien Vacher ne tarit pas d’éloges. «Même si Ryan doit encore prendre confiance en lui sur le terrain, il nous apporte déjà énormément. Il est explosif, costaud à l’impact malgré sa petite taille, et possède une belle gestuelle.» Son partenaire de charnière et complice en dehors des prés, Enzo Ravanello, confirme. «C’est le genre de demi de mêlée qui te facilite le jeu. Il a une vitesse d’exécution audessus de la moyenne. Il est très dynamique. Sa passe est magnifique. » Et sur le plan humain ? « C’est très agréable d’entraîner un mec comme lui, s’enthousias­me son coach. Il est très anglo-saxon dans sa démarche. Il est à l’écoute, sérieux, discipliné, il bosse dur, c’est un régal.» Ambitieux, compétiteu­r et revanchard, Ryan Foley aspire à gravir les échelons un par un. «J’aimerais évoluer plus haut à l’avenir, avancet-il modestemen­t, en se grattant la tête. Retourner au Munster, ce serait un rêve. Mais pour le moment, je suis concentré sur ma saison à Grasse. Je veux aider le club à se maintenir en Fédérale 1. » Près de sa soeur, proche de la mer, Ryan Foley se verrait aussi bien rester dans le sud de la France, une région qu’il apprécie. Cela tombe bien, sur une rade, non loin d’ici, sommeil un club, tout proche d’Aix-en-Provence.

Je me sens bien ici. Ça ressemble à ce que j’ai connu en Irlande”

 ?? (Photo R.B.) ??
(Photo R.B.)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco