Le phénomène Mork
Une chose est certaine : le concerto pour violoncelle du compositeur anglais Edward Elgar peut être d’un ennui mortel s’il n’est pas magistralement interprété. Tout mélomane en a fait la morne expérience au moins une fois dans sa vie. Or, vendredi soir, lors du concert du Philharmonique de Monte-Carlo, ledit concerto a été un enchantement. Que s’était-il passé ? Un violoncelliste hors pair s’en était emparé : Truls Mork. Sur la scène internationale, on ne voit guère qui pourrait le surpasser actuellement. Sa virtuosité est parfaite, son style infiniment pur, son inspiration rêvée. Il y a ainsi des gens qui ont le pouvoir de rendre plus belles les choses de ce monde. Truls Mork poursuivit l’enchantement en nous offrant en bis une interprétation paradisiaque d’un mouvement de sonate de Bach.
Des musiques enflammées
Le reste du concert était consacré à des oeuvres nordiques, entendues pour la première fois en Principauté : un Monstre de Burbank du compositeur suédois contemporain Albert Schnelzer et la 4ème. Symphonie du Danois Carl Nielsen. La première a tout d’une musique de film. Elle a été écrite en hommage au cinéaste Tim Burton. C’est lui que le compositeur nomme le Monstre de Burbank. Nous lui laissons la responsabilité de son opinion ! Quant à la 4ème. Symphonie de Nielsen, elle a été écrite pendant la Première guerre mondiale, lorsque le compositeur observait depuis son pays neutre l’Europe qui se déchirait. Cette oeuvre, qui est loin d’avoir l’envergure d’une symphonie de Brahms ou de Mahler, est traversée de drames mais aussi d’odes à la nature. Au fond de l’orchestre, les timbales martèlent inlassablement le poids de la tragédie. Cela permit une fois de plus au timbalier Julien Bourgeois d’exceller, efficacement secondé par Patrick Mendez. Le chef d’orchestre était on ne peut mieux choisi en la personne du Danois Thomas Dausgaard, grand gars du Nord à la chevelure couleur de neige, qui connaît ce répertoire par coeur. Il enflamma ces musiques comme on fait flamber les bûches dans les cheminées des maisons du grand Nord lorsque la neige a recouvert les toits et qu’on croit entendre tinter dans la nuit les rennes du Père Noël…