Monaco-Matin

Grippe et gastro: «Une situation catastroph­ique»

La crise, d’une ampleur inédite, plonge les urgences dans le chaos. L’urgentiste niçois Luc Terramorsi dénonce les restrictio­ns budgétaire­s qui pénalisent la prise en charge des malades

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LECLERC

Une double épidémie de grippe et de gastro-entérite frappe notre départemen­t. Une crise d’une ampleur inédite (nos éditions d’hier). Rencontre avec un urgentiste niçois, le docteur Luc Terramorsi, président de l’Assum, l’associatio­n qui fédère SOS Médecins, les associatio­ns de médecine de garde, les urgences des cliniques mais aussi la régulation du Centre 15 dans le départemen­t.

Cette crise aux urgences, une réalité ? Les urgences hospitaliè­res et libérales sont en surchauffe sévère. La situation est catastroph­ique. Il y a une double épidémie de grippe et de gastro-entérite. Tout ceci est accentué par les congés des médecins libéraux du départemen­t ou ceux des médecins hospitalie­rs. D’autres facteurs pour expliquer cet engorgemen­t? À l’hôpital de Nice on a fermé  lits pour répondre aux congés des médecins et des personnels soignants ! L’hôpital, comme tous les autres en France fonctionne avec une gestion à flux tendu des ressources humaines. Et la seule solution retenue est de fermer des lits !

Les fermer, était-ce une prise de risque raisonnabl­e compte tenu de l’épidémie ? L’ampleur de la double épidémie de grippe et de gastro-entérite, énorme, monstrueus­e, nous a tous surpris et n’était pas prévisible. Cela fait  ans que je suis médecin, je n’ai jamais connu cela.

Les moyens sont insuffisan­ts? L’hôpital de Nice a fait la pub autour de l’ouverture de onze lits dans un service de médecine interne à Pasteur , orientatio­n gérontolog­ique. On nous a également indiqué qu’on préparait l’ouverture de dix lits “spécial grippe”. Mais rapporté à la fermeture de  lits, ce n’est qu’un effet d’annonce. Depuis des années, on supprime du personnel soignant pour arriver à ”l’équilibre

budgétaire. Si les effectifs n’étaient pas aussi restreints on ne serait pas obligés de fermer autant de lits. Ce n’est pas comme cela que l’on doit envisager la gestion de la santé.

Vous dénoncez un problème d’effectifs ? C’est un vrai problème dans le public – et le privé, d’ailleurs. S’ajoutent à cela les congés pris par les cabinets médicaux de médecine générale du départemen­t pendant les vacances. C’est l’autre amplificat­eur de crise. Ces facteurs ont donc créé un choc et provoqué la surchauffe. Nous rencontron­s également des problèmes au centre .

C’est-à-dire ? Ce sont des médecins libéraux qui prennent  % des appels du centre . En ce moment nous sommes à . appels par jour contre . habituelle­ment. Soit le double. Il faut savoir que de  heures à  heures en ce moment, le médecin régulateur libéral est tout seul. Certains patients attendent  minutes avant que leur appel ne soit pris en compte. Une aberration. On m’a refusé jusqu’à aujourd’hui un renfort libéral, formé pour traiter  appels par heure, pour nous installer un renfort médecin hospitalie­r qui traite  appels … par jour. Au centre  on est pourtant censé prendre l’urgence rapidement. Les faits ont fini par nous donner raison, un renfort libéral sera en place à partir de mercredi (ndlr : dès ce matin) jusqu’à la fin des vacances. La grippe tue tout le temps. Notamment les personnes les plus fragiles, polypathol­ogiques, prioritair­ement les insuffisan­ts cardiaques et respiratoi­res. Cela touche certains jeunes quand il y a des pathologie­s conjointes.

À SOS Médecins, les problèmes d’effectifs existent aussi ? Depuis six ans, l’Agence régionale de santé (ndlr : ARS) essaye de restreindr­e et de diminuer le nombre de médecins de garde de type « SOS Médecins » pour des raisons budgétaire­s strictes. Nous nous battons avec le conseil de l’ordre départemen­tal pour les garder. Cela rajoute une tension supplément­aire sur les effectifs. Ces médecins ont parfois  visites à faire en douze heures, ce qui est absolument impossible. Du coup les malades n’attendent pas et viennent spontanéme­nt aux urgences, contre notre souhait, plutôt que d’attendre un médecin huit à dix heures à la maison.

Que conseiller à nos lecteurs ? Ne pas se précipiter aux urgences ? La bonne pratique est de faire confiance au médecin régulateur du centre  et d’essayer en priorité d’appeler son médecin traitant. Il faut dire aux gens que, sauf urgence vitale, s’ils vont aux urgences maintenant, ils vont attendre de six heures à douze heures avant de pouvoir en repartir.

Comment la situation va-t-elle évoluer ? L’épidémie de grippe va durer environ quatre semaines. On donne tout ce qu’on a pour travailler au mieux dans cette crise. Mais l’affluence dans les urgences pousse à ce que des personnes qui seraient dans un état grave ne soient pas remarquées à temps. C’est le danger de cette crise, même si tout le monde fait tout pour l’éviter.

Cela a créé un choc et provoqué la surchauffe Au centre ,   appels par jour contre   ”

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(Photo archives P.L.) L’urgentiste niçois Luc Terramorsi. Cette grippe est-elle dangereuse ?

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