Pourquoi ils ont choisi de changer de prénom ?
La loi du 18 novembre 2016, promulguée en mars 2017, a facilité les démarches pour changer de prénom. Depuis, ils sont des milliers à saisir l’occasion. Illustration à Nice, témoignages à l’appui
Il y a ceux dont le nom de famille s’avère lourd à porter. Ceux que Pierre Desproges avait baptisés les « handicapés patronymiques ». En 1981, recevant Jean-Jacques Debout sur France Inter, Desproges en avait donné la définition suivante : « Quelqu’un dont le patronyme, c’est-à-dire le nom de famille, peut prêter à rire, à sourire, ou même à se fendre franchement la gueule, aux dépens de celui qui le porte. » Et puis il y en a d’autres, pour qui le prénom est un fardeau. Et qui n’ont pas franchement envie d’en rire. Jusqu’en 2017, ils pouvaient changer de prénom au prix de fastidieuses et onéreuses démarches. Mais la donne a changé. Depuis février dernier, la procédure est effectuée en mairie, rapidement, et gratuitement. Une petite révolution de l’état civil passée relativement inaperçue du grand public, mais qui a déjà changé la vie - et l’identité - de dizaines d’Azuréens.
Ce qui a changé
Tout part de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a transféré certaines prérogatives des tribunaux vers les communes. Jusqu’à son entrée en vigueur en mars dernier, le changement de prénom incombait au juge aux affaires familiales. Désormais, l’article 60 du Code civil le confie à l’officier de l’état civil (lire ci-dessous). Ce dernier peut toutefois saisir le procureur s’il estime qu’une demande n’est pas légitime. « C’est la légitimité qui est en question. Dès lors que la demande est légitime, pas de problème. Et ça, c’est à l’officier d’état civil de la juger » ,insiste Bernard Baudin, adjoint au maire de Nice, qui a récemment récupéré la délégation à l’état civil longtemps confiée à Auguste Vérola.
Ce qui les motive
Souvent, les demandeurs souhaitent simplement officialiser leur prénom usuel. Au 15 décembre, l’état civil de Nice avait reçu 112 demandes, émanant autant d’hommes que de femmes. Parmi elles, 49 cas étaient motivés par cet usage prolongé d’un prénom. Autre motif invoqué : la francisation. Gage d’intégration à la société française et rempart contre les préjugés. « Je connais un Salvatore qui se faisait appeler Sauveur, et qui a fini par s’appeler ainsi », témoigne Bernard Baudin. Quinze demandes de « francisation » ont été enregistrées à Nice à la faveur du Code civil remanié. Treize cas étaient liés à une erreur lors de la déclaration de naissance. Dix-sept l’ont demandé par convenance personnelle. Douze autres ont voulu remédier à des problèmes d’orthographe ou d’homonymie. Enfin, plus rare mais notable : quatre personnes transgenre ont ainsi pu adapter leur identité à leur apparence physique. « La loi a aussi été pensée pour elles. Cela facilite considérablement leur vie quotidienne. La ville de Nice a été parmi les premières à traiter de telles situations », note Erwann Le Hô, président du centre LGBT Côte d’Azur.
Ce qu’il faut fournir
La procédure a été largement simplifiée. Le demandeur doit fournir une copie intégrale de son acte de naissance datant de moins de trois mois, une pièce d’identité en cours de validité, et un justificatif de domicile récent. Il doit, en outre, remplir un formulaire de demande de changement (trois pages) et y préciser ses motivations. Enfin, il peut produire des justificatifs : attestations de l’entourage professionnel, fiches de paie au nom usuel... La démarche est gratuite et peut aboutir en l’espace de quelques jours. Elle peut s’effectuer dans la mairie du lieu de naissance ou de résidence. Seule contrainte : « Vous ne pouvez pas envoyer votre demande à distance. Il faut la remettre en mains propres », prévient Bernard Baudin. Un moyen de préserver le contact humain et un certain pouvoir d’appréciation.
Ce qui peut coincer
A Nice, les services de l’état civil ont été confrontés à des demandes parfois étonnantes, sinon baroques. Mais là encore, tout est question de légitimité. Sur 112 demandes, quinze ont reçu l’avis défavorable de leur mairie. En cause : la demande portait sur un diminutif, un nom de famille, ou encore un... deuxième changement d’affilée. Après transmission au parquet et nouvel examen, neuf demandes ont été déboutées par la justice. Pour celles-ci, il aura fallu s’en remettre à un avocat... ou s’en tenir, bon gré mal gré, à son bon vieux prénom.