Monaco-Matin

Emmanuel Macron face au défi de la real-politik

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Peut-il être question de « parler vrai » lorsqu’on rencontre les dirigeants de pays où la démocratie n’est pas la règle ? Faut-il au contraire tourner le dos aux autocrates, plus nombreux dans le monde, et de loin ? Emmanuel Macron a relevé le défi, la semaine dernière, en recevant à Paris le Président turc Erdogan, il le poursuit cette semaine en rencontran­t à Pékin, le président chinois Xi Jiping. Innombrabl­es, sont en France les associatio­ns humanitair­es qui dénoncent ces entrevues officielle­s comme autant de salamalecs inutiles, comme un bon point donné aux chefs d’État qui ne partagent pas les valeurs de la démocratie. Y a-t-il un chemin entre la politique de la morale et la real-politik, qui consiste à poser les vrais problèmes à ceux auxquels ils doivent être posés ? Et bien, Emmanuel Macron semble avoir trouvé le ton. Un chemin de crête, à vrai dire, entre les vérités qui doivent être dites, et ne plaisent pas toujours, et le blabla officiel, inévitable­ment conclu par un communiqué diplomatiq­ue parlant d’échanges sincères et cordiaux, auxquels personne ne croit. La trouvaille d’Emmanuel Macron, c’est la conférence de presse commune : celle-ci pendant des décennies, s’est bornée à quelques propos émis avec amabilité par l’invitant et l’invité. C’est cette tradition qu’Emmanuel Macron a bousculée. Ainsi n’a-t-il fait grâce à son interlocut­eur ottoman d’aucune des critiques qui pouvaient légitimeme­nt lui être faites, notamment sur les libertés individuel­les. Ainsi at-il été le premier chef d’État européen a dire tout net à Tayyip Erdogan que l’entrée de la Turquie dans l’union européenne n’était pas imaginable aujourd’hui. Le « parler vrai » est donc possible entre les grands de ce monde. Il est même nécessaire. Car il y a des questions qui doivent être abordées, surtout avec ceux qui ne pratiquent pas le même système politique que nous. Avec Tayyip Erdogan, le Président devait parler de l’avenir de la Syrie et de celui des migrants, qu’à la demande européenne, le dirigeant turc bloque en Turquie. Avec les chinois, Macron devra évoquer la lutte climatique et la coopératio­n informatiq­ue. Ne pas tenter d’avancer, de trouver un chemin avec eux au motif qu’ils ne sont pas démocrates relèverait de la bêtise, ou pire, de l’incompéten­ce.

Le « parler vrai » est possible entre les grands de ce monde. Il est même nécessaire.

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