Quand la coordination devient (dys)fficile...
Trois lettres : TDC pour Trouble du développement et de la coordination, que l’on appelait auparavant dyspraxie. Il concerne 5 à 6 % des enfants avec 3 garçons pour 1 fille
On le décrit comme un garçon bavard, qui participe avec plaisir aux conversations des adultes. Mais dès qu’il s’agit de faire quelque chose de ses mains, tout se complique. Il a du mal à lacer ses chaussures, son écriture est presque illisible, il est incapable de jouer au ballon comme les autres. Lorsqu’il accomplit une action, il est très lent et se fatigue vite. Ce portrait-robot pourrait être celui d’un jeune patient atteint de troubles du développement de la coordination (TDC) – appellation internationaleque l’on nomme parfois encore en France dyspraxie. «La dénomination a changé, elle permet désormais de mieux préciser la complexité de ces troubles de la gestuelle, de l’organisation et de la planification du geste, indique le Dr Catherine Fossoud, neuropédiatre et coordinatrice du centre de référence des troubles du langage rattaché aux hôpitaux pédiatriques de Nice-CHU Lenval. Le TDC est un trouble neuro-développemental qui fait partie des pathologies qu’on appelle « dys » et qui regroupent la dyslexie, la dysphasie, le TDAH [Trouble déficit de l’attention hyperactivité, Ndlr], le haut potentiel, etc. Il concerne le développement de certaines aires cérébrales, il n’est donc pas acquis mais «programmé». Il est précoce dans le développement de l’enfant mais les manifestations cliniques vont dépendre de son âge car la coordination se développe progressivement jusqu’à l’âge de 1213 ans. »
Du mal à accomplir les gestes simples
Il faudra donc attendre le temps de l’adaptation scolaire, voire de l’école primaire, pour identifier des premiers symptômes. Quels sontils ? Un jeune souffrant de TDC aura du mal à accomplir les gestes simples, que l’on a appris et automatisés. Par exemple, lorsqu’on vous demande d’ouvrir la porte, vous n’avez pas besoin de réfléchir. Cet enfant TDC, lui, va devoir se concentrer, penser à tourner la poignée puis à pousser la porte. « Il faut bien différencier un trouble de la coordination, qui concerne un geste que l’on apprend, et un simple retard des acquisitions du développement moteur sans que cela ne soit inquiétant. Par exemple, le bébé acquiert la marche autonome entre 10 et 18 mois sans que cela ne soit pathologique, idem pour l’écriture, détaille le Dr Fossoud. S’il s’agit d’un simple retard, il finira par être comblé. Alors que le TDC, lui, ne disparaît pas.» On estime que 5 à 6 % des enfants sont concernés avec trois garçons pour une fille.
Trouble ou simple retard
Toute la complexité réside dans le diagnostic, compliqué à poser avec certitude avant l’âge de 5 ans. «La limite entre trouble et retard est difficile à poser. Seul un professionnel spécialiste sera capable d’identifier un TDC, mais dans certains cas, un simple retard peut justifier une prise en charge, souvent sur une durée limitée », insiste la neuropédiatre. En termes de symptômes, celui qui est le plus marquant est la différence
« Des troubles qui ont un retentissement dans tous les domaines de la vie » Dr Catherine Fossoud Neuropédiatre
entre le niveau verbal et la coordination. « C’est typiquement un élève brillant à l’oral mais lent dans la réalisation des gestes que ce soit le matin pour s’habiller, à l’école, au sport… Ces troubles ont des retentissements dans tous les domaines de la vie. Par ailleurs, ces signes cliniques vont évoluer avec l’âge. Attention, il est important de préciser que le fonctionnement intellectuel est préservé « précise le Dr Fossoud. Il est donc primordial de faire comprendre à l’enfant concerné qu’il n’est pas « nul » ni « idiot », des termes qu’il emploie souvent luimême, ou qu’il a entendus de la part de camarades voire d’adultes ! Il est aussi intelligent que les autres, il y a seulement des choses qui lui sont plus difficiles. «Il peut y avoir chez ces jeunes, un important retentissement dans la sphère psychoaffective et une faible estime de soi. Les remarques désobligeantes peuvent les fragiliser psychologiquement. »
Diagnostic complexe
Le diagnostic est d’autant plus difficile à poser que ces signes cliniques ne sont pas spécifiques aux TDC, «on peut les retrouver dans certaines maladies neurologiques, souligne la neuropédiatre. Par exemple, un enfant TDAH (hyperactif avec déficit d’attention) peut être maladroit du fait de son impulsivité. Les autres troubles «dys» sont souvent associés à des « signes dits mineurs» dont la maladresse ou le trouble de l’écriture. Tout le travail du médecin va ainsi consister à poser un diagnostic d’élimination. » Le premier examen réalisé est un bilan ophtalmologique complet: un jeune ne se rend pas forcément compte qu’il ne voit pas bien. Or, s’il perçoit mal les formes, s’il peine à évaluer les distances, il sera très maladroit. En revanche, s’il n’y a pas de problème ophtalmologique, le médecin procédera à un examen clinique complet avec éventuellement des bilans complémentaires, d’abord en psychomotricité, puis en fonction des troubles et de l’âge de l’enfant, en orthoptie, en ergothérapie et/ou en neuropsychologie. Ces bilans ne sont pas réalisés de manière systématique car ils sont souvent longs et onéreux pour les familles. Le Dr Fossoud insiste: «la précocité du repérage d’un TDC va permettre à l’enfant de compenser et d’accepter les aménagements. Le jeune patient, connaissant son trouble, pourra composer avec et faire des choix pertinents, notamment dans son parcours scolaire puis dans son orientation professionnelle. Le diagnostic est donc essentiel pour éviter la désadaptation sociale à l’âge adulte. »