Monaco-Matin

Il a été décoré de la Légion d’honneur à  ans!

Retraité du CHU, le Niçois Robert Arnau est encore tout bouleversé d’avoir reçu, à son domicile, la croix de chevalier. Une décoration pour faits d’armes qui arrive 73 ans après la 2e Guerre mondiale...

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

Dans son appartemen­t du boulevard Risso à Nice, Robert Arnau, 92 ans, vit sur un petit nuage. Ce paisible retraité du CHU de Nice – il a été pendant plus de trente ans préparateu­r en pharmacie à l’hôpital Pasteur – a été bouleversé, chamboulé par un courrier. Une belle missive, reçue en avril, signée de Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, lui annonçant qu’il a été nommé, par décret présidenti­el, au grade de chevalier de la Légion d’honneur en « reconnaiss­ance de la Nation pour (son) engagement au service de la France. » Il a encore du mal à y croire. Cette lettre, il en a fait des dizaines de copies, même s’il a, depuis, reçu la croix de chevalier. « Parce que je n’ai rien demandé, n’ai jamais fait de démarche pour l’avoir. Cette décoration est, pour moi, le plus beau cadeau du monde...»

Pilote de char à  ans

Cette Légion d’honneur pour faits d’armes, précédée en 2012 de la médaille militaire attribuée toujours par le ministre Jean-Yves Le Drian, arrive bien après la bataille : 73 années après la fin de la Seconde Guerre mondiale à laquelle il a participé. Dans son salon, Roger ouvre l’album de photos de sa jeunesse. Celle de son Algérie natale où ce petit-fils de boulanger à Miliana, ville située à 100 km d’Alger, a été enrôlé sous les drapeaux, le 28 février 1944, à l’âge de 19 ans, pour libérer la France. Au fil des photos couleur sépia, Roger se raconte. Son départ pour Casablanca, au Maroc pour six mois de classe, son enrôlement « Je n’ai rien demandé, n’ai jamais fait de démarche pour avoir la Légion d’honneur, affirme Robert Arnau. Cette décoration est un immense honneur...» (Photo Sébastien Botella)

dans le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, en tant que pilote de char, puis le débarqueme­nt à Marseille pour participer, avec la 5e Division Blindée commandée par le général De Lattre de Tassigny, à la campagne de France. Une France qu’il a traversée de part en part aux commandes de son Sherman « un char qui pesait plus de 30 tonnes ! » pour gagner l’Allemagne et l’Autriche au fil de violents combats. « Dans ma section, on était 33

chars face aux Panther des Allemands. C’était des blindés surpuissan­ts capables de tirer à 5 km de distance quand nous, pour les atteindre, devions nous approcher à 500 m. Mais nous avons gagné !»

Croix de guerre avec étoile-d’argent

Des faits d’armes qui ont valu à la 5e DB d’être mise à l’honneur, le 16 mars 1945, par le général de Gaulle avec citation à l’ordre de l’armée. Et pour Roger, « excellent pilote

de char » (...) ayant « rempli sa mission alors qu’il était continuell­ement pris à partie par le feu des Panzer » (...) la croix de guerre avec étoile-d’argent. Démobilisé en février 1946, Roger regagne l’Algérie avec sa décoration en poche et reprend, à Miliana, le cours de sa vie. Il ne sera pas boulanger comme son grandpère mais préparateu­r en pharmacie, se mariera, aura trois enfants avant de divorcer. Puis un autre conflit, la guerre d’Algérie, le rattrape. Jusqu’à l’exode à Nice, où il rebâtit une nouvelle existence avec Jacqueline, sa compagne.

« Immense honneur » en partage

Roger referme son album de photos. Étrangemen­t, la Seconde Guerre mondiale fait partie de ses « meilleurs souvenirs». «Nous étions jeunes, nous avions foi en notre mission. Je n’ai jamais connu un tel moment d’entraide, de solidarité. On fonctionna­it à l’amitié pour rester unis et rentrer ensemble au pays. Cela ne s’est pas passé comme prévu, car certains de mes copains sont tombés là-bas. » Roger s’interrompt, pleure doucement, puis reprend son souffle pour lancer d’une voix nouée : « Pourtant, si c’était à refaire, je repartirai sans hésiter. » La croix de la Légion d’honneur lui a été remise dernièreme­nt à son domicile. « J’aurai dû la recevoir lors d’une cérémonie au monument aux morts de Rauba Capeu, mais je ne peux plus me déplacer. Ce sont mes genoux qui me lâchent. » Encore « surpris» par sa décoration, Roger la dédie à ses copains du 1er régiment de chasseurs d’Afrique, à son oncle Gabriel, « héros de la Grande Guerre à qui il ne manquait que la Légion d’honneur », à sa compagne Jacqueline qui vit à ses côtés. Une croix de chevalier qu’il met en partage comme pour se remettre de cet « immense honneur » qui lui est tombé dessus, à 92 ans.

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