Les urgences pédiatriques de Nice au bord de la rupture
Record battu: avec 313 enfants accueillis au plus fort de l’épidémie de grippe, le service a atteint ses limites. Si aucun incident n’est à déplorer, les professionnels sont inquiets pour l’avenir
Chronique d’un drame annoncé. Deux épidémies qui se superposent – la grippe et la bronchiolite – ; une période de fêtes qui rime invariablement avec vacances pour une majorité de Français, dont les professionnels de santé ; une permanence de soins dont on déplore à l’envi et depuis des années les défaillances… Bref, il n’en fallait pas plus pour que les urgences pédiatriques de Nice, les seules de toute la région Paca-Est, ne débordent. «Le 25 décembre dernier, nous avons atteint le chiffre record de 313 enfants accueillis ! À la même date, l’an dernier, ils étaient 145 », détaille le Dr Antoine Tran, praticien des hôpitaux pédiatriques CHU-Lenval.
« On est vraiment au maximum »
En dépit des mesures prises dès novembre, comme l’augmentation du nombre de lits d’hospitalisation (11 lits dits « d’hiver » ont été ouverts), la tension était palpable. « Du personnel en vacances est revenu pour renforcer les équipes en place. Et les lits supplémentaires n’ont pas suffi à satisfaire les besoins : nous avons été amenés à hospitaliser des enfants en chirurgie, voire dans des box d’urgence la nuit… On savait qu’on allait être débordés… mais pas à ce point. On est vraiment au maximum de ce que l’on peut faire par rapport aux moyens et à la surface dont on dispose », s’inquiète le pédiatre. Outre les consultations pour grippe et bronchiolite, extrêmement
nombreuses en cette période épidémique (lire ci-dessous), les urgences ont aussi été confrontées à des « reconsultations » : « Les symptômes, la fièvre en particulier, ont été plus marqués et ont persisté pendant une période plus longue que lors des épidémies précédentes : de 5 à 8 jours. Aussi, beaucoup de parents, inquiets, ont eu tendance à ramener leur enfant. »
Le risque d’un drame
Résultat : une salle d’attente qui déborde (elle compte 50 places
assises), des familles qui s’impatientent après avoir attendu des heures et agressent le personnel, d’autres qui repartent sans que leur enfant n’ait été examiné par un médecin, des professionnels de santé ne sachant plus où donner de la tête… Et le risque, à tout moment, qu’un drame ne se produise. « La surpopulation aux urgences, le nombre excessif de patients à examiner, pose le problème de la sécurité de la prise en charge. Pendant cette période, deux jeunes enfants se sont ainsi présentés avec une méningite, des situations malheureusement non exceptionnelles. Sans l’oeil exercé d’un médecin aguerri, attentif à quelques signes d’instabilité, des détails, ces jeunes patients auraient pu rentrer chez eux sans diagnostic… Le pire aurait pu alors survenir. »
Au moins 4 à 5 heures d’attente
En 2010, date à laquelle la pédiatrie de l’hôpital L’Archet (CHU de Nice) fusionnait avec celle de la fondation privée Lenval, les urgences enregistraient 150 à 180 passages par jour. «À ce rythme, le temps d’attente pour les patients était de 3 à 4 heures. En dépassant les 200, il grimpe à 4 à 5 heures, voire beaucoup plus, note le Dr Tran. Nous avons aujourd’hui atteint nos limites en termes de plateau technique : le personnel médical et la surface du service n’augmentent pas suffisamment par rapport à la progression quasi inexorable de la patientèle. » Une progression attestée par les chiffres : de 45 000 enfants pris en charge en 2010 dans le service d’urgences pédiatriques de Nice à 59 000 en 2016, et même plus de 62 000 en 2017. Soit une augmentation de 2 à 4 % chaque année depuis la fusion des établissements. Et, « aujourd’hui, l’accès aux urgences, du fait du chantier du tramway, est difficile. Lorsqu’il s’achèvera, très prochainement, le flux des patients risque d’augmenter, et on peut craindre une aggravation de la situation dès l’hiver prochain. »