Monaco-Matin

George Weah, Mister President

Mythique attaquant de l’ASM, George Weah sera investi président du Liberia aujourd’hui. Une reconversi­on unique dans l’histoire du sport pour un enfant du ghetto qui a «grandi à Monaco»

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Ce lundi 22 janvier, le monde aura les yeux tournés vers le Liberia et sa capitale, Monrovia. Dès 9h45, un 25e président pas comme les autres prêtera serment au complexe sportif Samuel-KanyonDoe. Enfant du bidonville de Clara Town, «Mister George» va devenir « Mister President ». George Weah, 51 ans, premier Ballon d’or africain (1995) de l’histoire du foot et légende de l’AS Monaco où il a «grandi», selon ses propres termes, sous les ordres de Jean-Louis Campora et d’Arsène Wenger. Entre 1988 et 1992, le véloce n° 9 plante 66 buts en 149 matchs. Sur le pré comme à la ville, impossible de passer à côté du phénomène. Ses slaloms balle au pied interpelle­nt autant que ses sorties au volant de sa Chrysler Le Baron couleur framboise. «On parle toujours de Paris et de Milan. Ça m’énerve un peu parce qu’on oublie que son histoire a commencé à Monaco », rappelle son ex-coéquipier, Jean-Luc Ettori. Une histoire débutée par un transfert d’un million de francs – il sera revendu 35 millions au PSG – et un sacré pari de l’ASM selon l’entraîneur adjoint de l’époque, Jean Petit. «C’est Claude Le Roy qui avertit Henri Biancheri (directeur sportif). Avec Arsène (Wenger), on lui dit d’aller le voir jouer au Tonnerre Yaoundé (Cameroun). Henri revient en ne l’ayant vu que 2 ou 3 minutes car George s’était pété l’épaule. On connaissai­t Claude Le Roy avec Arsène et le président Campora, on a donc décidé de le recruter sur sa bonne foi.»

« Vous allez voir ce que je sais faire »

«Si un jour je dois quitter Monaco, C’est sûr, ça me manquera», dira Weah quelques mois plus tard. C’est pourtant par une soupe à la grimace que débute son aventure en rouge et blanc. «Quand il arrive au club, il nous fait une gueule terrible à Arsène et moi, en rigole encore Jeannot Petit. Il avait la tête baissée, rien à faire… » «Qu’est-ce que c’est que ce joueur? Il est nul… », oseront même certains coéquipier­s. Pas Ettori, rapidement bluffé par l’homme et le buteur. «Il arrivait du Cameroun un peu en surpoids, mais on voyait qu’il avait une soif d’apprendre assez importante. Il a dû faire deux matchs en CFA, dont le deuxième au Gazélec Ajaccio, et il m’a dit qu’il ne jouerait plus jamais en CFA. Après il a fait sa place gentiment.» Aussi fin psychologu­e que tacticien, Wenger croit en George, non sans contrepart­ies. « C’était une montagne et Arsène commençait à introduire la diététique, un suivi médical terrible dont Weah a profité. Il est vraiment tombé sur le juste entraîneur­au bon moment», analyse Jean Petit. «Un jour, quatre mois après mon arrivée, je lui ai dit: “Coach, faites-moi confiance et vous allez voir ce que je sais faire», racontera Weah au sujet de Wenger, véritable figure paternelle…

« Je l’ai vu pleurer »

Un soir d’octobre 88, Weah brise ses chaînes d’un coup de canon (lire cicontre). La bascule d’un destin hors normes. « Je l’ai connu l’air perdu, ne connaissan­t personne et pas considéré comme footballeu­r. Pourtant il est devenu, en 1995, le meilleur joueur du monde et, maintenant, il est président de son pays. C’est incroyable » ,a confié récemment Arsène Wenger en conférence de presse. «Il était toujours fort mentalemen­t, convaincu d’avoir une mission. Il jouait à Monaco pendant la guerre au Liberia et j’ai vu combien il a souffert avec son pays. Je l’ai vu pleurer… », ajoute l’entraîneur d’Arsenal.

« Le monde n’est pas bon »

À l’époque, George est debout aux aurores. La boule au ventre et l’oreille pendue au transistor, dès 5 h du matin, pour s’enquérir des derniers soubresaut­s de son pays. Au point, sa famille à l’abri, d’interpelle­r la communauté internatio­nale dans l’émission Téléfoot. Casquette de Malcolm X vissée sur la tête et oeil noir, George hurle dignement au secours. «Nous avons vraiment besoin d’aide. Quand il s’agit d’autres pays, on se

précipite sur le terrain. Le monde n’est pas bon, il y a de la férocité. Je le laisse face à sa conscience.» Dans l’ombre, Mister George mettra sans cesse la main à la poche pour subvenir à l’urgence de ses compatriot­es. Comme il payera les déplacemen­ts de l’équipe nationale de foot pendant des lustres. «Il récupérait nos plateaux-repas dans l’avion pour les distribuer aux sans-abri dans Paris», confiera même Vincent Guérin, coéquipier au PSG. « Quand on voit son cheminemen­t, sa façon de faire, ce n’est pas surprenant qu’il en soit arrivé à être président, note Jean-Luc Ettori. Fatalement, quand tu t’impliques autant pour ta sélection et le bien-être de tes compatriot­es, ton champ de vision doit s’élargir. En espérant qu’il soit bien entouré maintenant, mais il a sûrement une très grosse envie qui peut pallier certains manques. » «J’espère qu’il pourra faire ce qu’il a envie de faire. C’est un homme qui est juste, qui est droit, amoureux de son pays. Il fait qu’on regarde son pays», conclut Jean Petit.

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(-).(©Collection Jean Petit) Le  juin , l’ASM de Wenger décroche sa Coupe de France contre l’OM

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