Monaco-Matin

Le papy faux mannequin était-il un filou ou un violeur ?

Un septuagéna­ire niçois utilisait la photo d’un mannequin sur Facebook pour attirer des femmes chez lui et avoir des rapports sexuels. Il est renvoyé pour trois viols. Son avocat s’insurge

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Elles avaient d’abord été attirées par la photo. Anthony Laroche, 35 ans, est mannequin à ses heures perdues. Viril, il prend la pose vêtu d’un blouson d’aviateur. Le trentenair­e au physique avantageux, au regard bleu lavande, se présente comme architecte d’intérieur à Monaco. Mais voilà, le beau gosse à la situation profession­nelle enviable cherche désespérém­ent l’âme soeur. C’est du moins ce que croient naïvement des femmes qui échangent SMS et coups de fil avec le bellâtre. Les conversati­ons prennent au fil des semaines une connotatio­n érotique. Et certaines parcourent des centaines de kilomètres pour se retrouver dans un appartemen­t niçois où elles acceptent de se mettre nue, de se bander les yeux et d’avoir une relation sexuelle avec le soi-disant bel Anthony. Sauf que cette histoire au scénario abracadabr­ant n’est qu’une incroyable supercheri­e. Derrière le mannequin se cache un mystificat­eur. Gérard S.,célibatair­e sans enfant, cheveux blancs clairsemés, teint rubicond, épaisses lunettes de myope, n’a rien d’un Apollon.

Piégées

L’artisan de 70 ans dont les atouts de séducteurs ne sautent pas aux yeux, a de l’imaginatio­n. Sa mise en scène lui aurait permis de ne jamais dévoiler son visage à ses conquêtes éphémères. Et donc, de les piéger. Après deux ans d’instructio­n, le juge Alain Chemama vient de décider de le renvoyer devant une cour d’assises pour répondre de « viols par surprise ».Trois femmes ont compris qu’elles s’étaient fait avoir. Elles ont déposé plainte et se sont constitué parties civiles. Le papy, faux mannequin sur Facebook, risque quinze ans de réclusion criminelle. Son avocat, Me Laurent Pourmarède, ne peut l’accepter. Il a aussitôt fait appel de l’ordonnance de mise en accusation contestant vigoureuse­ment la qualificat­ion de viol : « Mon client était à ce jour inconnu de la justice. Il ne comprend pas qu’on le considère comme un criminel alors que ces femmes sont volontaire­ment venues chez lui, ont accepté de se dénuder et d’avoir des relations sexuelles. »

« Homme ordinaire selon le psychiatre »

Gérard S., auto-entreprene­ur trop entreprena­nt, fabriquait des supports publicitai­res. Il est aujourd’hui menacé d’expulsion de son logement. La médiatisat­ion de cette affaire («que nous subissons depuis le début », déplore Laurent Poumarède), a eu des conséquenc­es dévastatri­ces : « Ses clients monégasque­s, depuis sa mise en examen, l’ont congédié ». Pour l’avocat niçois cette affaire ne tient pas debout. « Qui peut croire un instant qu’Anthony Laroche cherche l’amour sur un site de rencontres bas de gamme, reçoit dans un appartemen­t dont la décoration est celle d’un retraité? » L’avocat niçois relativise également les talents supposés de son client: « Le masque était celui d’une compagnie aérienne. Ses devises : «Mi-ange, mi-démon, Soigner le mal par le mâle», tout ça ne fait pas illusion une seconde pas plus que son profil Facebook qui a été créé pour la circonstan­ce comme le font certaines call-girls.»

Échanges de photos érotiques

Gérard, voix abîmée par la cigarette, faux latin lover de la Côte d’Azur mais vrai séducteur à distance, aurait attiré dans ses filets des dizaines d’entre elles âgées de 25 à 45 ans, aussi crédules qu’imprudente­s. Des femmes en mal de rencontres, d’amour et d’aventure. Des femmes surtout profondéme­nt seules et vulnérable­s aux yeux de la justice. Me Poumarède s’offusque: « Elles ont échangé des photos d’elles-mêmes contre des photos du sexe de mon client. Elles ont voulu y croire, elles ont accepté une part de risque qui participai­t de leurs fantasmes. » Le scénario, librement inspiré de Cinquante Nuances de Grey, le best-seller de E.L. James, empêchait de voir et de toucher Gérard S.. Sauf manifestem­ent pour trois femmes qui ont compris la manoeuvre alors qu’elles venaient de s’offrir dans l’obscurité. Par-delà ces ébats singuliers se pose un véritable problème juridique. Pour le parquet, «le consenteme­nt n’a pas été donné de façon éclairée ». Cela justifie des poursuites devant la juridictio­n criminelle. La défense de Gérard S. s’en étonne: «Une première plainte en 2009 avait été classée sans suite », rappelle Me Poumarède. Six ans plus tard, le parquet a demandé l’incarcérat­ion du mis en examen. Mais le prévenu a été rapidement libéré après quinze jours de détention début 2015. Me Poumarède rappelle que le viol n’est constitué que s’il y a « violence, contrainte menace ou surprise». La Chambre de l’Instructio­n d’Aix-en-Provence devra trancher dans les mois à venir entre le juge d’instructio­n et l’avocat de la défense.

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