Cinq candidats à l’assaut d’un champ de ruines ?
On saura aujourd’hui s’ils seront quatre, cinq ou six candidats à briguer les suffrages des militants du Parti socialiste pour en prendre la présidence fin mars. En tentant de ne pas raviver les divisions
L’affiche de la bataille pour la direction du PS sera, en principe, connue ce soir. Ils seront entre quatre et six à s’affronter. Une double incertitude pèse en effet sur une candidature in extremis de Julien Dray et sur la validation de celle de Delphine Batho, faute d’un nombre suffisant de parrainages. Pour l’heure, cinq postulants ont annoncé briguer les suffrages des militants, le 29 mars: Luc Carvounas, Emmanuel Maurel, Stéphane Le Foll, Olivier Faure et une seule femme donc. Beaucoup espéraient Najat Vallaud-Belkacem ou Anne Hidalgo. C’est finalement la turbulente Delphine Batho qui veut relever le défi. Déboutée jeudi de son recours en justice contre une modification des statuts obligeant à réunir seize parrainages, soit 5 % des membres du conseil national, pour être candidat, elle entend malgré tout déposer une « candidature libre ». « Il est minuit moins cinq avant notre disparition. » La formule de Sébastien Vincini, secrétaire fédéral de Haute-Garonne, a fait florès dans un parti en équilibre sur un champ de ruines, jusqu’à être contraint de vendre son siège de Solférino. Le PS doit gérer une délicate équation : retrouver une audience, sans se déchirer ni ressusciter une guerre de courants démonétisés, alors que les éléphanteaux peinent à s’extraire du chaos. Trois candidats incarnent une continuité de la ligne modérée hollandaise, au point que certains les appellent à s’unir, ce qui est peu probable, pour limiter les bisbilles sans fondements autres qu’egotiques.
A commencer par Stéphane Le Foll, 57 ans. Le député de la Sarthe, intangible ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement pendant le quinquennat de François Hollande, tout en étant considéré comme Macroncompatible, se revendique dans l’opposition au chef de l’Etat actuel. « Il faut rassembler au sein du parti et ensuite au sein d’une fédération de la gauche et des écologistes de gouvernement », dit-il. Mais sa grande proximité avec François Hollande est devenue son talon d’Achille. Un handicap qu’il mesure : il a récemment déclaré qu’il était « contre la loi El Khomri »…
Olivier Faure, 49 ans, député de Seine-et-Marne et président du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée nationale, apparaît moins marqué, même s’il est lui aussi un ancien collaborateur de François Hollande au PS. Mais il a également travaillé avec Martine Aubry, qui le soutient. «J’ai le sentiment d’être celui qui peut rassembler et mettre au travail des gens très différents», estime-t-il. Pour beaucoup, Olivier Faure semble aujourd’hui le mieux placé pour fédérer le PS sur une ligne médiane. Il incarne le coeur du réacteur, à mi-chemin entre les frondeurs et les tempérés.
Luc Carvounas, 46 ans, député du Val-de-Marne, est un ancien proche de Manuel Valls, dont il a dirigé la campagne de la primaire en 2017. Mais il a pris ses distances avec l’ancien Premier ministre lorsque celui-ci s’est rapproché d’Emmanuel Macron. «Je suis dans l’opposition, point, sans chercher d’adjectif. Aujourd’hui, je veux rassembler tout le monde dans la même maison. » Cela, en formant des alliances réunissant les communistes, les proches de Benoît Hamon et les écolos pour «une gauche arc-en-ciel » aux futures élections. Peu connu du grand public, Luc Carvounas est toutefois quelqu’un qui pèse en interne.
Emmanuel Maurel, 44 ans, député européen après avoir été l’attaché parlementaire de Jean-Luc Mélenchon, est dans cette bataille le porte-parole authentifié de l’aile gauche du PS. Il a soutenu Arnaud Montebourg à la primaire de 2017, avant de rejoindre Benoît Hamon. Professeur à Sciences po, titulaire d’une maîtrise de lettres et amateur de poésie, il passe pour le dernier intellectuel du parti. « Ce que je (Photos AFP) veux, c’est que le PS redevienne de gauche, insiste-t-il. Les gens parlent de l’aile gauche comme si nous étions condamnés à la marginalité, mais je ne m’y résigne pas. »
Insoumise, Delphine Batho, 44 ans, députée des Deux-Sèvres, l’est par nature. Mais elle n’est pas pour autant mélenchoniste. Celle qui fut une ministre de l’Ecologie critique envers François Hollande, est apparue en politique dans le sillage de Ségolène Royal en Poitou-Charentes. Elle fut aussi vice-présidente de SOS Racisme. Dans cette élection, elle s’est d’ores et déjà positionnée comme l’empêcheuse de tourner rond, attaquant pied au plancher. «Je conteste de A à Z les modalités d’organisation de ce congrès de confiscation dans ce qui n’est plus un parti mais une petite mafia politique avec ses parrains, ses lieutenants, ses exécutants.» Elle se pose en candidate «de l’espérance et du changement de système». Si on l’autorise à concourir...