Monaco-Matin

Lutte contre le cholestéro­l : pas de place pour le doute À la une

L’arrivée imminente sur le marché français de nouveaux médicament­s contre le cholestéro­l repose la question : qui faut-il traiter ?

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il s’appelle Théo, il a  ans, et il est porteur de trisomie . Pardon, Théo, de préciser d’emblée ta différence, mais elle est la raison qui a motivé notre rencontre. Tu as obtenu un contrat de travail au sein d’un établissem­ent hospitalie­r. Et cet établissem­ent a, pour ce motif, été primé. Vous êtes encore si peu nombreux, parmi les personnes porteuses de différence­s, à intégrer le monde profession­nel. Et c’est dommage. Pour vous. Pour nous. Car, les yeux rivés vers vos faiblesses, on se prive de vos atouts. Toi, Théo, tu contrains à déplacer les points de vue. Tu bouscules les automatism­es de pensée. Tu empêches de réciter un savoir prémâché, lassant de prévisibil­ité. Tu obliges, par tes différence­s, à plus d’intelligen­ce. Et les personnes âgées vulnérable­s dont tu t’occupes, qui en ont fini avec les préjugés, ne s’y trompent pas. Merci Théo.

La controvers­e médiatique remettant en cause le LDL (« mauvais cholestéro­l») comme facteur de risque cardiovasc­ulaire et la fronde antistatin­es (utilisées pour baisser la cholestéro­lémie) ont-elles ébranlé les conviction­s des cardiologu­es ? La question a fait l’objet d’une enquête récente coordonnée par le Collège national des cardiologu­es français présidé par le Cannois Jacques Gauthier. « La dénonciati­on d’un prétendu “complot” ou “grand mensonge du cholestéro­l” a introduit le doute chez les patients et fragilisé la parole médicale; 15 % des personnes sous statines ont arrêté leur traitement». Au grand dam des cardiologu­es qui, selon les résultats de l’enquête – présentés récemment lors des Journées européenne­s de cardiologi­e –, resteraien­t pour la majorité d’entre eux convaincus qu’il faut combattre le cholestéro­l pour protéger sa santé cardiovasc­ulaire. «Ils conservent leur confiance dans les statines même s’ils s’interrogen­t sur les effets secondaire­s de ces traitement­s. » À juste titre ? Oui et non. « Des études internatio­nales ont conclu à l’absence de corrélatio­n entre statines et maladie d’Alzheimer. En revanche, les statines majoreraie­nt légèrement le risque d’apparition de diabète. La balance bénéfice-risque reste toutefois largement en faveur des statines. »

Indication­s strictes

Fin de la saga ? Pas tout à fait. Car, si traiter les personnes qui ont été victimes d’un infarctus ne fait plus débat, il reste à statuer sur ce que l’on nomme la prévention primaire : fautil traiter des personnes qui ne sont pas malades, mais présentent un taux élevé de mauvais cholestéro­l (LDL)? « Si d’autres membres de la famille, un père, une soeur… ont été victimes d’infarctus, que les facteurs de risque (Photo J.-S. G.-A.) sont importants, oui, il faut prendre des médicament­s pour faire baisser le cholestéro­l, répond le Dr Gauthier. Sinon, mieux vaut privilégie­r des actions comme l’activité physique ou une modificati­on des comporteme­nts alimentair­es.» Avec comme objectif de faire diminuer le LDL jusqu’à la valeur cible de 0,7 g/l. «Aux États-Unis, les sociétés savantes fixent plutôt comme objectif une réduction de moitié du taux initial. » Avec l’arrivée imminente de nouveaux médicament­s (des anticorps monoclonau­x spécifique­s en injection sous-cutanée, comme l’insuline) ce débat sur les valeurs cibles devrait, lui aussi, devenir bientôt caduque. «Ces molécules innovantes sont très efficaces; elles permettent, lorsqu’elles sont associées aux statines, d’atteindre des valeurs très basses, de l’ordre de 0,2 g/l. » Déjà sur le marché dans un grand nombre de pays (Italie, Espagne, Suisse, États-Unis…), elles seront disponible­s dans les prochaines semaines dans tous les hôpitaux français. «Dans un premier temps au moins, elles seront réservées au traitement de l’hyperchole­stérolémie familiale au pronostic très sévère.» Plus tard peut-être, et à l’instar de ce qui se passe déjà dans d’autres pays, ces médicament­s pourront être prescrits aux patients qui conservent des taux élevés de cholestéro­l sous statines. Et qui vivent avec une épée de Damoclès sur la tête. Faut-il, en effet, le rappeler : la principale cause de l’infarctus est l’athérosclé­rose qui débute par la formation de plaques d’athérome, constituée­s de cholestéro­l, de fibres et de débris cellulaire­s, sur la paroi des artères. Les polémiques nous feraient presque oublier cette réalité.

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Le rapport bénéfice-risque reste en faveur des statines.

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