Monaco en Turquie pour un sans faute
Meilleur scoreur de la Roca Team en Ligue des champions (15,8 points), le pivot bosnien (2,11m) cumule humilité et grande efficacité
Dans le Boeing 737-800 de la Turkish qui fait le saut entre Istanbul et Izmir, au-dessus de la mer de Marmara, Elmedin Kikanovic a casé ses longs segments comme il a pu… Aucune classe Eco au monde n’est vraiment prévue pour un gars de 2,11m. Elmedin ne se plaint pas. Pas le style. Le géant, bien éduqué, n’est pourtant pas bâti comme un bûcheron et dans l’univers surchauffé des raquettes européennes, les coups bas font mal. Kikanovic, c’est d’abord un état d’esprit. « Il est rare qu’il vienne me trouver pour une douleur… C’est même étonnant », confie le kiné du club aux petits soins pour le club, Jeff Turpin. Elmedin Kikanovic, 29 ans, né à Tuzla (Bosnie), marié à une Belgradoise et papa d’un petit garçon depuis l’automne dernier, « est le joueur que n’importe quel entraîneur rêverait d’avoir », glisse Zvezdan Mitrovic, le coach monténégrin de la Roca Team. « Il a commencé ailier-fort avant de passer pivot. Il n’est pas le plus athlétique mais c’est un grand joueur, un grand compétiteur et, hors du parquet, un garçon épatant, équilibré, avec lequel vous n’aurez jamais le moindre problème ». Ce n’est pas pour autant que Mitrovic ménage son pivot,
bien au contraire. Ses coups de gueule s’entendent parfois du haut des tribunes à Gaston-Médecin… « On parle la même langue maternelle, on a la même culture basket, inconsciemment, j’ai peut-être une relation particulière avec lui, c’est vrai », confie le coach. Respect mutuel. Comme joueur, le jeune Elmedin, de 19 à 22 ans, a débuté
sa carrière dans le chaudron bouillant de l’Etoile Rouge de Belgrade. « Si vous gagnez, vous êtes le héros.Si vous perdez, du jour au lendemain, vous êtes le pire joueur du monde. Je pense que c’est formateur », sourit Kikanovic. Son arrivée sur le Rocher, l’été dernier, a changé le visage de la Roca Team, en offrant
un vrai ancrage à l’intérieur et un jeu de pickand-roll redoutable. Avec son intelligence, son instinct, ses gestes offensifs, Kikanovic est un digne héritier de la grande école de l’ex-Yougoslavie.
Petit crochet
Meilleur scoreur de la Roca Team en Ligue des champions (15,8 points), il tourne à plus de 60 % d’adresse en ProA comme sur la scène européenne. « De toute ma carrière, j’ai rarement eu l’occasion d’évoluer aux côtés d’un pivot aussi doué », glisse Georgi Joseph, « petit » pivot d’1,97m mais très costaud, solide comme un roc et complémentaire de Kika. « Quand un joueur reste longtemps dans un club, ça veut dire beaucoup. Or, Elmedin est resté 3 ans à Belgrade, 4 ans à Krasnoyarsk et 2 ans à Berlin », remarque Mitrovic. Des valeurs d’un autre temps, à l’image de son petit crochet au-dessus des pivots adverses, une merveille de shoot à l’ancienne comme on en fait plus, ou presque. Plus fidèle intérieur de la sélection bosnienne (depuis 2006 !), 2e meilleur scoreur de l’Eurocup la saison passée avec l’Alba Berlin, Kikanovic n’a jamais reçu un ticket pour les USA, là où nombre d’intérieurs ‘‘yougos’’ ont fait leur nid. Aurait-il pu placer son jeu plus instinctif que musculeux dans l’univers démesuré de la NBA ? La question a probablement dû faire tiquer les scouts. Et le fait de jouer avec la sélection bosnienne tous les étés n’a pas laissé à Kika l’occasion de tenter sa chance aux ‘‘Summer League.’’ Humble fidélité... Quelque chose nous dit pourtant qu’au pays des géants XXL, Kikanovic aurait bien fini par trouver un moyen de glisser sa fameuse ‘‘papatte’’ diabolique. En attendant, c’est donc Monaco qui en profite à plein tubes.