En prison pour avoir misé avec de faux billets
Le casino de Monte-Carlo. C’est là où le rêve de gagner de l’argent avec des billets de 500 euros contrefaits s’est brisé pour un groupe de joueurs bulgares. Impliqués dans un trafic de fausse monnaie, ils paient très cher leur passage à Monaco. À part le plus jeune, relaxé, les quatre autres ont été condamnés à des peines d’un, deux et trois ans de prison ferme par le tribunal correctionnel. Deux des prévenus sont incarcérés à la maison d’arrêt depuis le 11 mars 2016. Un troisième, laissé libre, était absent à l’audience.
Gains au casino payés avec des « Ben Laden » ?
Tout part d’une mise en garde de la police financière italienne le 9 mars 2016. Deux personnes auraient mis en circulation 42 faux billets de 500 euros en misant sur les tapis verts du casino de Sanremo. Ils se dirigeraient vers Monaco. Quand le duo se présente aux tables de jeux de Monte-Carlo, ils écoulent d’autres fausses coupures au blackjack, au poker et à la roulette. La vidéosurveillance permet de démontrer qu’un des deux tirait des vrais billets de sa poche gauche et des faux de sa poche arrière. Les policiers les interpellent. En analysant la fausse monnaie, ils ont la conviction qu’elle provient intégralement d’une même filière. En poussant leurs investigations, les inspecteurs arrêtent deux autres personnes liées au groupe qui avait loué une chambre à l’hôtel Olympia, à Beausoleil. Ils s’apprêtaient à fuir à la vue des agents… Mais ils sont arrêtés
à la gare vers minuit. Quand le président Florestan Bellinzona les interroge sur la provenance de ces imitations assez grossières, tous réfutent être venus dans les deux casinos avec de la fausse monnaie. Si les enquêteurs ont retrouvé des coupures mauves contrefaites dans leurs effets, les prévenus affirment que les établissements concernés leur ont payé leurs gains avec ces mêmes billets de 500 euros, surnommés « Ben Laden » – car tout le monde en parle mais bien peu en ont vu…
€ de préjudice pour la SBM
«Depuis deux ans qu’on vous demande de dire la vérité, vous répétez
toujours la même version, relève le magistrat. Sachez cependant que si le casino paie des gains, l’argent provient d’une caisse où il a été vérifié. Pas du tout des tables de jeux!» Au fur et à mesure de l’avancée des débats, le président est saturé par la mauvaise foi des coupables. «On n’en est plus à une version près. À force de contredire vos propres déclarations, vous faites passer le juge d’instruction pour un magistrat qui raconte n’importe quoi. Pourquoi vous avez tous plusieurs cartes SIM?» Comme ce sont des professionnels qui ont l’obligation de se déplacer en Europe, ils les activent au fur et à mesure de leur présence dans les pays visités. La SBM, représentée par Me Thomas
Giaccardi, estime avoir subi un véritable préjudice chiffré à 11500 euros avec 23 fausses coupures retrouvées dans ses caisses. Plus 3500 euros de dommages… «Les prévenus se moquent de vous, affirme l’avocat. Comment peuvent-ils être si naïfs dans leurs explications rocambolesques? Peut-être le casino de Sanremo les poursuivra également… Condamnez-les!»
« Tour d’Europe de la fausse monnaie »
Mensonges, contradictions, incohérences d’une phrase à l’autre seront également dénoncés par le procureur Alexia Brianti. «Je salue votre persévérance dans la recherche de la vérité, Monsieur le président. C’est encore plus brouillon à chaque audition. Regardez. Ce sont des billets de mauvaises qualités. Le papier est mou. Le sigle de sécurité est très mal imité. Or, il n’y a que ces individus qui ont joué sur les tables où ont été retrouvées les fausses coupures. À Sanremo, ils ont utilisé 42 billets contrefaits. À Monaco, 23. À Berlin, 13. C’est un véritable tour d’Europe de la fausse monnaie. Cet argent imité ne peut provenir des casinos concernés. On ment sur tout!» Il sera requis des peines d’un an, avec mandat d’arrêt pour le prévenu absent ; deux et trois ans pour les autres mis en cause.
Un doute pour la défense
La défense, représentée par Mes Arnaud Cheynut (pour l’absent), Christophe Ballerio (pour le plus jeune), Alice Pastor et Xavier-Alexandre Boyer (pour les deux détenus), va se battre pour convaincre les juges de relaxer leurs clients respectifs. Ce dossier leur donne le vertige: il est vide ! Tous estiment que des prévenus ignoraient que les billets étaient faux. Comment pouvaient-ils s’en apercevoir puisque la supercherie a été repérée grâce à un appareillage sophistiqué? Et combien ont-ils vu de vraies coupures de 500 euros dans leur vie? La défense parle d’incompréhension après deux ans d’instruction et l’absence d’éléments matériels caractérisés. «Pourquoi les accuser dans le doute?» Après cinq heures d’audience, le tribunal suivra les réquisitions du ministère public, à l’exception du prévenu le plus jeune qui sera relaxé.