Monaco-Matin

Prison, instructio­n, greffe… les priorités de Laurent Anselmi

- Dossier : Arnault COHEN acohen@monacomati­n.mc Photos : Jean-François OTTONELLO

Dans quel état d’esprit se trouvait le personnel judiciaire de Monaco à votre arrivée, après le tsunami de l’affaire Rybolovlev-Bouvier qui a entaché l’image de l’institutio­n judiciaire ?

Cette affaire a causé un traumatism­e. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les circonstan­ces qui ont conduit mon prédécesse­ur au départ, mais il faisait partie de la maison. D’aucuns ont été attristés de le voir partir. L’affaire elle-même a pu être regardée comme éclaboussa­nt l’institutio­n judiciaire. Cela dit, j’ai trouvé une maison meurtrie mais pas en ruine.

Y a-t-il eu un passage de témoin entre Philippe Narmino et vous ?

On s’est vus à deux reprises dans ce cadrelà. Mais on se connaît très bien. La transition s’est faite de manière accidentée, au moment des perquisiti­ons [du domicile et des bureaux de Philippe Narmino, NDLR] mais on s’est vus et on s’est parlé de manière très cordiale.

Avez-vous été gêné, freiné dans vos décisions à votre arrivée ?

Je suis arrivé avec une nouvelle équipe de direction, comme il est fréquent dans le cadre d’activités ministérie­lles. J’ai trouvé ici des pratiques que j’ai changées. Mais à part sur le non-renouvelle­ment des détachés, je n’ai pas rencontré d’obstacles depuis ma nomination.

Quelles pratiques ?

Je suis favorable à la respiratio­n du corps judiciaire. Lorsque des magistrats monégasque­s ont envie de prendre l’air en faisant autre chose, je les encourage. C’est le cas avec une magistrate qui vient de partir au Siccfin (NDLR : Service d’informatio­n et de contrôle sur les circuits financiers). Avant, la tendance était plutôt à les maintenir ici. Autre exemple : j’apporte une grande attention aux personnels de greffe, qui font un travail formidable. Il y avait une tendance à promouvoir du personnel de secrétaria­t pour devenir greffier. Nous avons décidé d’amener du sang neuf, en faisant appel à des personnes sorties de l’École nationale des greffes en France, qui viendront avec des techniques modernes.

Quels sont, outre le non-renouvelle­ment des magistrats détachés, les chantiers que vous avez ouverts depuis votre arrivée à la tête des Services judiciaire­s ?

L’administra­tion pénitentia­ire est l’une de mes priorités. Dès le lendemain de ma nomination, je suis allé rendre visite à la maison d’arrêt. Dans cette administra­tion, il y a des personnels sous contrat. Je souhaite qu’ils deviennent titulaires, dans le cadre du statut des fonctionna­ires. Il faudra, pour cela, apporter une modificati­on législativ­e. Le projet est prêt. L’objectif est de leur permettre de partir plus tôt à la retraite. Ce travail est usant, avec beaucoup de tension. Je souhaite que les surveillan­ts puissent partir à la retraite à  ans, à l’instar des policiers, des carabinier­s et des pompiers.

D’autres projets ?

Deux autres. Le premier est la recherche d’espaces. Même en ayant récupéré l’ancien bâtiment du Conseil national, nous en manquons. Au greffe, le personnel est à l’étroit. Je souhaite créer un troisième cabinet d’instructio­n. Dans l’affaire que vous citez (Rybolovlev-Bouvier, NDLR), il y a eu une plainte pour violation du secret de l’instructio­n. La présidente du tribunal a dû nommer une magistrate détachée pour la missionner sur ce dossier. Nous avons besoin d’un troisième juge d’instructio­n à Monaco. Il lui faut un bureau, un autre pour sa secrétaire et son greffier. Je n’ai pas ces espaces. J’ai saisi l’administra­tion des Domaines pour qu’on puisse avoir des locaux supplément­aires sur le Rocher. Enfin, j’ai réactivé une institutio­n qui était en sommeil depuis dix ans, la Commission de mise à jour des codes. Elle associe tous les partenaire­s du droit (juges, direction des Services judiciaire­s, gouverneme­nt et Conseil national) pour examiner les projets de loi qui concernent la justice.

Vous êtes plus juridique ou judiciaire ?

J’ai été secrétaire général de la Direction des Services judiciaire­s, à l’époque où nous avons eu l’unique évasion de la maison d’arrêt de l’histoire. Je connais assez bien la maison, pour y être resté trois ans. Je suis aussi vice-président du Tribunal internatio­nal du sport automobile. Je sais

diriger une audience, interroger des témoins, rédiger des jugements. Je ne suis pas un ovni dans le milieu judiciaire. Je suis aujourd’hui l’administra­teur du judiciaire ; je ne m’occupe pas du rendu de la Justice à Monaco. Je dirige la politique pénale. Mais c’est vrai que j’ai un vrai goût pour le juridique, c’est dans mon ADN, je fais ça depuis l’âge de  ans.

Vous sentez-vous à l’aise dans vos nouvelles fonctions ?

Je l’occupe avec humilité. J’aspire vraiment à élever la justice, la projeter dans ce siècle sur la base de ce qu’on peut en attendre dans un État moderne.

Je souhaite créer un troisième cabinet d’instructio­n ”

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« J’ai trouvé une maison judiciaire meurtrie mais pas en ruine. »

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