Prison, instruction, greffe… les priorités de Laurent Anselmi
Dans quel état d’esprit se trouvait le personnel judiciaire de Monaco à votre arrivée, après le tsunami de l’affaire Rybolovlev-Bouvier qui a entaché l’image de l’institution judiciaire ?
Cette affaire a causé un traumatisme. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur les circonstances qui ont conduit mon prédécesseur au départ, mais il faisait partie de la maison. D’aucuns ont été attristés de le voir partir. L’affaire elle-même a pu être regardée comme éclaboussant l’institution judiciaire. Cela dit, j’ai trouvé une maison meurtrie mais pas en ruine.
Y a-t-il eu un passage de témoin entre Philippe Narmino et vous ?
On s’est vus à deux reprises dans ce cadrelà. Mais on se connaît très bien. La transition s’est faite de manière accidentée, au moment des perquisitions [du domicile et des bureaux de Philippe Narmino, NDLR] mais on s’est vus et on s’est parlé de manière très cordiale.
Avez-vous été gêné, freiné dans vos décisions à votre arrivée ?
Je suis arrivé avec une nouvelle équipe de direction, comme il est fréquent dans le cadre d’activités ministérielles. J’ai trouvé ici des pratiques que j’ai changées. Mais à part sur le non-renouvellement des détachés, je n’ai pas rencontré d’obstacles depuis ma nomination.
Quelles pratiques ?
Je suis favorable à la respiration du corps judiciaire. Lorsque des magistrats monégasques ont envie de prendre l’air en faisant autre chose, je les encourage. C’est le cas avec une magistrate qui vient de partir au Siccfin (NDLR : Service d’information et de contrôle sur les circuits financiers). Avant, la tendance était plutôt à les maintenir ici. Autre exemple : j’apporte une grande attention aux personnels de greffe, qui font un travail formidable. Il y avait une tendance à promouvoir du personnel de secrétariat pour devenir greffier. Nous avons décidé d’amener du sang neuf, en faisant appel à des personnes sorties de l’École nationale des greffes en France, qui viendront avec des techniques modernes.
Quels sont, outre le non-renouvellement des magistrats détachés, les chantiers que vous avez ouverts depuis votre arrivée à la tête des Services judiciaires ?
L’administration pénitentiaire est l’une de mes priorités. Dès le lendemain de ma nomination, je suis allé rendre visite à la maison d’arrêt. Dans cette administration, il y a des personnels sous contrat. Je souhaite qu’ils deviennent titulaires, dans le cadre du statut des fonctionnaires. Il faudra, pour cela, apporter une modification législative. Le projet est prêt. L’objectif est de leur permettre de partir plus tôt à la retraite. Ce travail est usant, avec beaucoup de tension. Je souhaite que les surveillants puissent partir à la retraite à ans, à l’instar des policiers, des carabiniers et des pompiers.
D’autres projets ?
Deux autres. Le premier est la recherche d’espaces. Même en ayant récupéré l’ancien bâtiment du Conseil national, nous en manquons. Au greffe, le personnel est à l’étroit. Je souhaite créer un troisième cabinet d’instruction. Dans l’affaire que vous citez (Rybolovlev-Bouvier, NDLR), il y a eu une plainte pour violation du secret de l’instruction. La présidente du tribunal a dû nommer une magistrate détachée pour la missionner sur ce dossier. Nous avons besoin d’un troisième juge d’instruction à Monaco. Il lui faut un bureau, un autre pour sa secrétaire et son greffier. Je n’ai pas ces espaces. J’ai saisi l’administration des Domaines pour qu’on puisse avoir des locaux supplémentaires sur le Rocher. Enfin, j’ai réactivé une institution qui était en sommeil depuis dix ans, la Commission de mise à jour des codes. Elle associe tous les partenaires du droit (juges, direction des Services judiciaires, gouvernement et Conseil national) pour examiner les projets de loi qui concernent la justice.
Vous êtes plus juridique ou judiciaire ?
J’ai été secrétaire général de la Direction des Services judiciaires, à l’époque où nous avons eu l’unique évasion de la maison d’arrêt de l’histoire. Je connais assez bien la maison, pour y être resté trois ans. Je suis aussi vice-président du Tribunal international du sport automobile. Je sais
diriger une audience, interroger des témoins, rédiger des jugements. Je ne suis pas un ovni dans le milieu judiciaire. Je suis aujourd’hui l’administrateur du judiciaire ; je ne m’occupe pas du rendu de la Justice à Monaco. Je dirige la politique pénale. Mais c’est vrai que j’ai un vrai goût pour le juridique, c’est dans mon ADN, je fais ça depuis l’âge de ans.
Vous sentez-vous à l’aise dans vos nouvelles fonctions ?
Je l’occupe avec humilité. J’aspire vraiment à élever la justice, la projeter dans ce siècle sur la base de ce qu’on peut en attendre dans un État moderne.
Je souhaite créer un troisième cabinet d’instruction ”