Philippe Meirieu : « Il faut créer de la solidarité à l’école »
Ancien directeur de l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) sous le gouvernement Jospin, chercheur, essayiste, Philippe Meirieu est un expert en questions éducatives. Inspirateur de réformes pédagogiques, défenseur d’une éducation partagée, ce professeur émérite en sciences éducatives à l’université Lumière à Lyon, était dernièrement à Beausoleil pour donner, dans le cadre d’un colloque, une conférence sur le thème « quelle pédagogie pour éduquer ensemble aujourd’hui». Rencontre.
Pourquoi cette conférence ?
Impliquée dans le programme Erasmus +, la commune de Beausoleil participe au projet d’une coéducation des familles et de l’école. D’où ce colloque réunissant des pédagogues belges, italiens et français pour porter ce projet commun : travailler à cette cité de l’éducation.
C’est quoi au juste cette « cité de l’éducation » ?
Selon un proverbe africain, pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village. Les familles ont un rôle d’accompagnant à jouer. Ce sont elles qui transmettent le langage, la sécurité à leur enfant, pour qu’il fasse des expérimentations fondamentales, comme la séparation avec leurs parents. Pour entrer à l’école, intégrer un groupe d’élèves, apprendre de manière différente. Tout cela nécessite un cadre urbain adapté. L’enfant est un être inachevé et fragile. Il a besoin que l’on prenne soin de sa croissance. Or, les réalités sociales, l’évolution de la technologie ne vont pas dans ce sens. Nous sommes confrontés à un monde violent, fait de clans et de ghettos, où la virtualité l’emporte sur la réalité, alors qu’il faudrait créer de la solidarité.
Des efforts de solidarité, l’Éducation nationale en fait avec le dédoublement des classes de CP dans les écoles classées en REP...
Il existait avant le dispositif « plus de maîtres que de classes » intervenant dans les différentes écoles pour soulager les enseignants et prendre, en classe, des élèves par petits groupes. Je regrette que ces moyens aient été pris pour le nouveau dispositif. Car le dédoublement de classes n’est pas « la » solution, juste une variable. La réussite des élèves repose sur la dynamique de l’école, une équipe mobilisée autour d’un projet travaillant en coopération réelle avec les parents.
Selon vous, quelle est l’école idéale ?
Ce serait une école respectueuse de la singularité de chaque élève pour les accompagner dans leurs progrès. Par des adultes exigeants et bienveillants pour tirer les élèves vers le haut afin qu’ils trouvent une place professionnelle et personnelle. Pour cela, il faut combiner deux objectifs difficiles à concilier : construire du collectif et de la solidarité. C’est le concept de l’écosystème mis en place à Beausoleil. Chercher comment le milieu social, urbain, associatif peut enrichir et structurer l’enfant. Le dimanche, à Beausoleil, les parents, enfants, enseignants se retrouvent ensemble pour jouer à des jeux de société. On peut être heureux sans consommer, ni être scotché devant la télévision.
Est-ce l’école coopérative que vous défendez ?
Oui, celle dans laquelle les enfants travaillent avec les autres et non contre les autres. Celle où l’on apprend à débattre sereinement quand on n’est pas d’accord plutôt que d’utiliser la violence. Derrière tout cela, c’est un choix de société plus solidaire, plus chaleureuse. Notre monde a besoin que la nouvelle génération soit sensible à la liberté, à l’égalité et à la fraternité, nos valeurs de la République.