Monaco-Matin

Le tribunal se penche sur le double visage de Cahuzac

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(Photo AFP) Enferré dans le mensonge jusqu’à la chute : au troisième jour de son procès en appel, Jérôme Cahuzac a décrit hier cet instant où le voile se déchire, quand le brillant ministre du Budget devient un paria de la République. «Au Parlement, j’étais respecté. Au bout de 45 secondes, tout vole en éclats, c’est vertigineu­x », dit l’ancien député à la barre. « Je mesure la déflagrati­on nationale si j’avoue… Je mets toute la force que j’ai à essayer d’éteindre l’incendie, alors que c’est déjà un feu de forêt. » Il décrit la peur de voir balayé le travail accompli au service de son pays, de lâcher ses amis et le sentiment qu’il a toujours le soutien de François Hollande. C’est « la fuite en avant » : il va mentir aux députés, puis aux médias, « les yeux dans les yeux ». Qui est Jérôme Cahuzac ? Ce «super chirurgien, super député, super ministre» décrit par un ancien collaborat­eur à Bercy ? Ou « Birdie », qui ouvre en 1993 sous ce pseudonyme un compte en Suisse et s’attachera à le dissimuler le mieux possible, jusqu’à Singapour? À l’audience, le psychiatre Daniel Zagury, qui l’a expertisé en mai 2017, a décrit un homme « qui reconnaiss­ait sa faute… mais s’accordait des circonstan­ces atténuante­s», estimant que « l’homme politique engagé pour le bien public n’était plus redevable au jeune chirurgien brillant qui avait gagné beaucoup d’argent ».

« L’argent ne m’intéresse pas »

«Il avait le sentiment d’avoir trahi cette promesse de l’aube » ,cet «héritage de valeurs familiales humanistes» légué par des parents résistants, selon l’expert. De fait, le parcours de Jérôme Cahuzac est tiraillé entre deux ambitions. Il oscille entre engagement politique (il est au PS depuis 1977 et fut conseiller ministérie­l de Claude Evin, avant de devenir député et maire), implants capillaire­s et consulting pour des laboratoir­es pharmaceut­iques. À l’approche de 2012, il rejoint le candidat Hollande. Sa maîtrise des dossiers budgétaire­s l’impose comme ministre, malgré la méfiance que cet homme qui a fait fortune, joue au golf et habite les beaux quartiers suscite chez certains « camarades ». «L’argent ne m’intéresse pas», a-t-il répété à l’audience, relevant que voyant venir la crise financière de 2008, il n’avait « rien fait pour mettre [ses] avoirs à l’abri, qui fondent». Jusqu’au bout, il semble regarder avec distance ce jeune chirurgien flambeur et fraudeur, comme « un autre» que lui-même. C’est ce que le psychiatre a appelé «la non-concordanc­e des temps ».

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