La leçon de vie d’Olivier Brenkman
Cet habitant de Cotignac, atteint de la maladie de Charcot, raconte dans un livre choc ce corps qui le lâche, l’ineptie de l’administration et l’amour de ses proches. Vertigineux et émouvant
Je n’ai pas de temps à perdre… Dans son livre Chaque jour un peu moins, Olivier Brenkman décrit le journal d’une vie qui bascule. Ce Cotignacéen, marié et père de trois enfants, est atteint d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), diagnostiquée en 2015. Plus connue sous le nom de maladie de Charcot, cette pathologie due à la dégénérescence des neurones moteurs, entraîne une atrophie progressive des muscles des jambes et des bras, des muscles respiratoires, de la déglutition et de la parole. En quelques mois, ce bientôt quinquagénaire s’est retrouvé dans le corps d’un bébé qui ne peut rien faire ou presque par luimême. Seul lui reste pour communiquer son regard, bleu et franc. Grâce à un eye tracker (1), sa pupille commande un ordinateur s’exprimant à sa place. « Mon oeil gauche est calibré sur la caméra » expliquet-il. Cet outil a changé son quotidien, lui permettant de maintenir le lien avec ses nombreux amis, et de poursuivre ses activités d’avant. Ancien artisan plombier, ce Géo Trouvetou passionné de mécanique avait entièrement remonté sa moto. Maintenant, il échange informations et conseils avec son fils Thomas, qui met les mains dans le cambouis. Musicien, il jouait de la batterie et de la guitare, chantait dans des groupes de potes. Désormais, il travaille la musique autrement. S’il a toujours aimé l’informatique, il est devenu un geek, passant des heures devant ses écrans. « Je suis en train de préparer un site Internet… À part ma maladie, je pète le feu ». Cet homme à l’intelligence vive, qui « parle » quatre langues, a conçu et fait réaliser par ses copains un système de retournement de personne dans un lit, dont est équipé le sien. Il a aussi inventé une enceinte sans onde ni batterie sur le principe du cornet acoustique. Un surdoué on vous dit ! La frustration est sa pire souffrance. Alors, assisté dans ses moindres faits et gestes par ses proches, chouchouté par une équipe pluridisciplinaire (kiné, ostéopathe, orthophoniste…), Olivier Brenkman profite du moindre plaisir : exposer son visage au soleil d’hiver, fumer une cigarette, observer les oiseaux dans son jardin à Cotignac. Il apprécie un bon vin, avec une paille, ou un voyage. La famille a toujours aimé cela, elle continue grâce à un van spécialement aménagé. Ses journées sont aussi illuminées par « les nouvelles d’amis et les retours sur mon blog, souvent très positifs. Tout retour me fait beaucoup de bien et l’absence de réponse m’agace, moi l’impatient. Je suis un singe dans l’astrologie chinoise, j’aime plaire.» Charmeur et charmant, il a beaucoup appris sur les autres : « Qui est attentionné et qui a la patience de vouloir me comprendre. C’est assez fascinant. C’est une refonte totale de mon environnement social. » L’acceptation de sa maladie n’a pas été simple. Elle s’est faite plutôt « par défaut, par envie de paix, par politesse, par abandon », dit-il dans le livre, dont il prépare la suite. Rien de misérabiliste pourtant dans cet ouvrage, bourré d’humour, de mots inventés (il connaît la phonétique !) ou provençaux et d’anecdotes savoureuses. Le rire est pour lui « une thérapie dont l’efficacité est certaine, contrairement à certaines, remboursées ou non par la Sécu ». Sécu, CAF, RSI, et autres en prennent pour leur grade côté décisions iniques, paperasse et absence d’humanité. Depuis que le Varois est suivi à Montpellier «où tout va beaucoup plus vite qu’à Marseille», il a repris 12 kg et « la maladie s’est stabilisée», annonce-t-il avec espoir. Une victoire de plus pour cet homme de défis, qui force l’admiration. Car la vie avec la sclérose latérale amyotrophique est un combat permanent. Se disant « le disciple » du physicien Stephen Hawking, 76 ans, atteint de la même maladie, il pense, lorsque la fin approchera, aller en Belgique ou en Suisse pour un suicide assisté. Heureusement Nathalie, son épouse, la mère de Claire, Thomas et Victor, leurs enfants, veille. D’un regard elle comprend ses besoins, ses attentes. «Je l’aime. Sans elle la vie n’est pas possible », écritil grâce à son oeil, faisant un effort pour esquisser un sourire, inoubliable.
À part ma maladie, je pète le feu...” Le rire est une thérapie”
1. Eye tracker, appareil qui permet de mesurer les positions et les mouvements de l’oeil.