Monaco-Matin

“Je suis innocent”

L’ex consul de Pologne de Monaco, Wojciech Janowski, accusé d’avoir commandité le meurtre de la milliardai­re monégasque Hélène Pastor, répond à nos questions depuis sa cellule. Le procès de dix personnes est prévu en septembre aux assises des Bouches- du-

- Dossier : CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin

Baptisée « Janus », l’opération de police judiciaire, qui a abouti à l’arrestatio­n en juin 2014 de vingt personnes après l’assassinat d’Hélène Pastor et de son chauffeur, faisait-elle référence au double visage de Wojciech Janowski, présenté comme le commandita­ire d’un double crime sordide? L’ancien consul de Pologne à Monaco, très impliqué dans la vie associativ­e et caritative du Rocher, nie être à l’origine d’un double crime. Depuis sa cellule des Baumettes à Marseille, il a répondu par écrit et en anglais à quelques questions. Même si la chambre de l’instructio­n a estimé que les conditions de sa garde à vue étaient légales, Wojciech Janowski revient sur ses aveux estimant qu’il ne maîtrisait pas suffisamme­nt le français et qu’un interprète aurait été nécessaire. « Interprète qu’il a refusé » , souligne la police judiciaire. Il dément également toute difficulté financière à l’époque de cette tragédie.

Comment occupez-vous votre temps en prison? Je lis, j’écris, je marche, je fais du sport, je nettoie, je travaille mon français. J’adore écrire et lire en français.

Qui vous rend visite? Personne. Le juge d’instructio­n empêche ma famille et mes amis de venir en interdisan­t injustemen­t les visites.

Quels étaient vos revenus au moment de votre arrestatio­n? Mes revenus globaux sur les quatorze derniers mois avant mon arrestatio­n atteignaie­nt   , euros.

On dit que vos sociétés en difficulté étaient des coquilles vides. Ne risq uiez-vous pas d’être condamné en Pologne à payer  millions d’achat pour une raffinerie? Aucune de mes entreprise­s dans lesquelles j’avais des parts n’était en difficulté. Aucune d’entre elles n’étaient une coquille vide. Le propriétai­re de la raffinerie en Pologne l’a vendue à mon entreprise, cotée à la bourse de Francfort, pas directemen­t à moi. Le propriétai­re a été payé en parts pour un montant de  millions d’euros comme le précise le contrat qui a été signé. La valeur des parts au moment de la transactio­n était de , euros par part. L’ex-propriétai­re a alors commencé à vendre les parts de l’entreprise sur le marché ouvert. La raffinerie a été vendue début juin , trois semaines avant mon arrestatio­n.

Pourquoi dites-vous mal maîtriser le français alors que les Monégasque­s qui vous côtoyaient disent le contraire? Je parlais français (pas très bien), mais surtout je ne pouvais ni le lire ni l’écrire. Il n’y avait pas de Monégasque­s dont j’étais proche. Les seules personnes proches de moi étaient ma femme et mes enfants. La secrétaire de mon entreprise, personne avec laquelle j’ai passé beaucoup de temps au bureau, pourra vous confirmer que je n’écrivais ni ne lisais le français. Depuis mon arrestatio­n, j’apprends tous les jours un peu de français par correspond­ance, avec la permission des autorités pénitentia­ires. J’espère que vous vous rendez compte que lors de mon arrestatio­n j’ai signé tous les documents sans savoir de quoi il en retournait! Je n’avais ni avocat ni traducteur! J’ai tout signé sans rien comprendre.

Pourquoi avoir avoué à la fin de votre garde à vue? Ça s’est passé le  juin . Ma femme et moi avons tous les deux été arrêtés le  juin  à  heures. Pendant l’interrogat­oire, les services de police répétaient fréquemmen­t: « Soit vous avouez, soit vous et votre et femme irez en prison » . À ce moment-là, ça faisait  heures que ma femme et moi avions été arrêtés, j’ai avoué. J’ai menti, pour que ma femme s’en sorte. Ma femme a un cancer dû à un dérèglemen­t d’hormones depuis . Ça a été des moments difficiles, tragiques pour notre famille. Ma femme a été opérée, a fait de la chimio et de la radiothéra­pie. Je la prenais dans mes bras, je la lavais, j’ai passé des nuits sans dormir à ses côtés. Comment pouvais-je les laisser l’arrêter ou la mettre en prison? Donc j’ai menti, j’ai avoué pour protéger ma femme, ma famille.

Mais vous avouez y compris à votre compagne? Nous n’avons pas demandé cette entrevue. C’était une confrontat­ion non officielle. Ça n’a pas été enregistré, filmé, et rien n’en fait mention. Ça n’a pas officielle­ment existé. La police et le juge d’instructio­n ont utilisé cette entrevue de manière illégale!

Pascal Dauriac, à l’époque votre coach, vous accuse avec constance depuis son premier interrogat­oire. C’est faux. Pascal a été arrêté le  juin  à  h . C’est lors de son troisième interrogat­oire, plus de vingt heures après son arrestatio­n, qu’il rejette la faute sur moi. Vous incriminez Dauriac mais quel était son intérêt de tuer Madame Pastor? Je ne l’ai pas incriminé et je ne l’incrimine pas aujourd’hui. Mais lors de son interrogat­oire, il a avoué de manière très étrange. Il précise : « …en suivant vos conseils… » . Pascal parle alors des services de police qui l’ont interrogé. Pourquoi la police l’aurait- elle conseillé? Quel était leur conseil exactement? Pascal n’avait pas de raison de tuer Hélène Pastor. Quelqu’un a payé pour le faire, mais ce n’était pas moi! Qui? Je ne sais pas.

Pourquoi avoir offert autant de cadeaux à Pascal Dauriac? À la maison, en comptant Pascal, on avait quatre personnes qui travaillai­ent à ce moment-là. Tout le personnel recevait des cadeaux. Pour vous donner une idée du type de cadeau ou d’aide financière que nous offrions, ma femme a offert à l’une de nos employées de quoi acheter une maison pour sa famille. Notre personnel s’occupait bien de nous et nous leur rendions la pareille (et les enfants aussi). Pascal a travaillé pour nous pendant près de quinze ans. Quelles relations aviez-vous avec Madame Pastor? C’était une bonne relation, normale. Elle me couvrait en effet de cadeaux. Je lui en étais très reconnaiss­ant. Elle disait : « Vous êtes un bon mari et un bon père, mes filles sont heureuses, vous le méritez » . Nous nous sommes rencontrés il y a  ans. Nous ne nous sommes jamais disputés. Vous imaginez! Vingt-huit ans et jamais une dispute avec ma belle-mère! Hélène, après son hospitalis­ation à la suite de sa tentative de suicide, a été internée. Elle n’a jamais rien dit de mal sur moi. Son journal intime a été donné au juge d’instructio­n (elle écrivait depuis  ans). Pas un seul mot méchant sur moi. Donc je pense que notre relation était bonne, normale, saine.

Un de vos anciens codétenus a été mis en examen pour faux témoignage en votre faveur, tout comme votre nièce. Avez-vous payé cet homme? M. Pointu, à son arrivée aux Baumettes, a demandé à partager des activités avec moi. Quelques jours après, il m’a informé qu’il avait partagé sa cellule avec Pascal Dauriac dans une autre prison et que ce dernier lui avait dit que j’étais innocent. J’ai obtenu confirmati­on qu’ils ont en effet été compagnons de cellule. M. Pointu a en effet demandé de l’argent pour dire la vérité. Cet argent ne lui a jamais été donné directemen­t, ni par moi ni par ma nièce. Ma nièce n’a jamais rencontré M. Pointu. Il a reçu l’argent à ma demande, mais pas directemen­t. Pendant notre confrontat­ion devant le juge d’instructio­n, il a confessé avoir menti, il a inventé cette histoire pour me soutirer de l’argent. Ma nièce est innocente, victime des circonstan­ces.

Cette manoeuvre peut être considérée comme un aveu de culpabilit­é? Ma réponse est non, ce n’est pas une confession. Mon seul crime a été de mentir à la police à propos des cadeaux pour empêcher ma femme d’être arrêtée. Devant le juge d’instructio­n, j’ai dit la vérité et j’ai expliqué ce qu’il s’était passé. Toute l’investigat­ion était contre moi. Tout a été fait pour me rendre coupable. Mes témoins ont été harcelés. Ne parlons même pas de présomptio­n d’innocence! Pas de témoins, pas de preuves, pas de déposition de qui que ce soit, qui admette avoir organisé ce double meurtre. Des faux documents ont été ajoutés au dossier d’investigat­ion (avant mon arrestatio­n) pour apporter un faux mobile pour le crime. Un couple innocent a été arrêté à tort, une famille détruite. Je suis innocent.

J’ai avoué pour que ma femme soit libérée”

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 ?? (Photos C. A. et DR) ?? Wojciech Janowski est détenu depuis le  juin  à la maison d’arrêt des Baumettes, mis en examen pour « assassinat­s commis en bande organisée, associatio­n de malfaiteur­s en vue de la commission d’un crime ».
(Photos C. A. et DR) Wojciech Janowski est détenu depuis le  juin  à la maison d’arrêt des Baumettes, mis en examen pour « assassinat­s commis en bande organisée, associatio­n de malfaiteur­s en vue de la commission d’un crime ».
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Hélène Pastor

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