Jean-Luc Allavena, militant de «la valeur travail»
L’ancien directeur de cabinet du prince poursuit sa carrière internationale d’entrepreneur. « Confiant dans l’avenir de la Principauté », il livre ici analyse et conseils pour Monaco et ses acteurs économiques
Pas un week-end sans que les Monégasques ne le croisent au marché. C’est d’ailleurs là, sous la halle, que Jean-Luc Allavena donne rendez-vous à ses amis et autres relations. Mais son carnet d’adresses est aussi garni d’innombrables grands noms de décideurs internationaux, chefs d’entreprise autant qu’hommes politiques. À l’heure où les futurs bacheliers s’inscrivent en prépa, à l’université ou dans une école supérieure, cet ancien d’HEC encourage les jeunes à se former le mieux possible et travailler ardemment pour viser une carrière internationale.
Comment voyez-vous la situation politique et économique dans le monde ? Dans le prolongement des années précédentes, l’économie mondiale poursuit sa croissance globale à plus de , % par an et les États-Unis, comme l’Europe, dépassent %. C’est donc une tendance favorable d’autant que les taux d’intérêt demeurent très bas, ce qui stimule aussi l’économie. Le risque principal vient donc surtout des premiers signes de remontée de ces taux et de l’inflation. La situation géopolitique m’inquiète plus car il y a toujours beaucoup de tensions dans plusieurs régions stratégiques, dont désormais la zone asiatique, et ceci pourrait avoir de graves conséquences. Les grands États dominent le monde et la taille des entreprises ne cesse de croître. N’avez-vous pas de crainte pour le modèle monégasque ? Monaco vit de sa différence et a développé, à son échelle, un modèle économique et social très pertinent dont le succès n’est plus à démontrer. La petite taille permet une grande réactivité face aux rapides évolutions et la stabilité des institutions est un atout déterminant. Je suis impressionné par tout ce qui a été ainsi accompli et très confiant dans l’avenir.
Vous êtes depuis plus de dix ans partenaire d’un important fonds d’investissement dans le monde, Apollo Management, et vous avez reçu à la fin de l’année l’Award du Private Equity lors du sommet européen. Comment se développent ces métiers et y a-til une place pour Monaco ? Les liquidités financières disponibles dans le monde ont connu une impressionnante augmentation au cours des dix dernières années et elles sont le fruit d’un long cycle de croissance. Les investisseurs ont recherché de nouvelles opportunités et les grands fonds de Private Equity, dont Apollo, ont ainsi vu leurs ressources décuplées. Leurs bases sont principalement à New York, Londres et Hong Kong mais il y a aussi des équipes installées à proximité des sociétés dans lesquelles elles investissent. Monaco, entouré de la France et de l’Italie, au coeur du bassin Méditerranéen, a donc une vraie carte à jouer et plusieurs fonds ou équipes de gestion importants s’y sont déjà installés. Pechiney, Latecoere, Verallia ou encore Monier font partie des grands groupes industriels que vous avez contribué à sauver, de même que Mecaplast à Monaco. Quel avenir pour l’industrie ? Beaucoup de groupes industriels ont été confrontés à de graves problèmes de compétitivité. C’est ainsi que, par exemple, la part de l’industrie dans le produit intérieur brut français a chuté de à %. Certains ont très bien su réagir, grâce à la qualité de leurs dirigeants, par des efforts opérationnels importants, beaucoup d’innovation, l’apport en capital de nouveaux investisseurs et la bonne utilisation de la transformation digitale. Vous aurez noté qu’en , pour la première fois depuis deux décennies, la France a créé plus d’emplois industriels qu’elle n’en a détruit. C’est le cas des entreprises que vous citez et qui ont été rachetées par Apollo sous ma responsabilité. C’est aussi ce qu’a démontré à Monaco le groupe Mecaplast (devenu Novares) dont j’ai en effet été longtemps administrateur et qui s’apprête à entrer en bourse, ce qui est la plus belle reconnaissance du travail accompli par la famille Manni et ses équipes.
C’est aussi souvent près d’hommes d’État que l’on vous voit, comme le prince Albert II dont vous avez été le premier directeur de cabinet en , Christine Lagarde, Michael Bloomberg ou encore plus récemment le Président Macron : y a-t-il une place dans l’action publique pour les dirigeants d’entreprises privées ? Non seulement il y a une place mais c’est également leur devoir de s’engager et de jouer leur rôle dans la cité. C’est aussi ce qui donne de façon ultime un sens à leur parcours. Public et privé se complètent, chacun a une valeur ajoutée spécifique et les États ou collectivités les plus performants sont ceux qui ont bien su associer les deux. C’est évidemment le cas à Monaco ou aux États-Unis et je suis heureux d’observer que la France est désormais aussi dans cette voie. Les États-Unis occupent une place importante dans vos activités professionnelles. Vous avez présidé la French-American Foundation et maintenant l’Aspen Institute. Quelle vision avez-vous de leurs relations avec l’Europe ? Il y a entre Américains et Européens une relation construite sur des bases historiques très solides, donc un respect mutuel, d’importants échanges économiques et même un partage culturel. La coopération diplomatique fluctue beaucoup selon la personnalité des présidents américains et l’intérêt qu’ils portent à l’Europe et la connaissance qu’ils en ont. De ce point de vue nous ne traversons pas actuellement la meilleure période…
Président d’honneur des diplômés et de la Fondation HEC, vous êtes soucieux de la qualité de la formation supérieure et plébiscitez les carrières internationales. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Monégasques ? Je vis à Monaco où je suis né au sein d’une famille enracinée ici depuis la seconde partie du XIXe siècle. J’ai fait toutes mes études au lycée Albert-Ier dont la grande qualité est connue de tous, puis j’ai préparé mes concours au lycée Masséna de Nice qui a permis à de nombreuses générations d’intégrer les écoles les plus prestigieuses. HEC a été un vrai tremplin et j’ai en effet marqué ma reconnaissance en acceptant de présider la communauté de plus de cinquante mille diplômés et aussi en soutenant financièrement notre école. Je souhaite à tous ceux qui en ont la capacité et la volonté de vivre une telle expérience. Surtout, nous avons partout besoin de personnes bien formées, qui croient, comme moi, en la “valeur travail ” et développent un parcours international. C’est impératif au XXIe siècle.
Monaco a un modèle économique et social pertinent ” Mecaplast s’apprête à entrer en bourse ” Un parcours international est aujourd’hui impératif ”