Monaco-Matin

Ils jetaient des déchets pollués dans la nature !

Depuis 2014, des tonnes de déblais ont échappé à tout traitement pour être déversées sans vergogne dans la nature, entre le Var et les Alpes-Maritimes. Neuf personnes ont été mises en examen

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr.

Des profession­nels du BTP avaient mis en place un vaste trafic de déblais non traités. Neuf personnes ont été mises en examen à Nice dont trois écrouées. Des tonnes de terres polluées – provenant notamment du creusement du tunnel de Monaco – ont été déposées ici et là, y compris dans des rivières.

Plusieurs millions d’euros de préjudice, des tonnes de déchets dans la nature entre le Var et les Alpes-Maritimes, deux ans d’enquête sous la direction de trois juges d’instructio­n niçois, neuf mises en examen, quinze camions saisis, trois personnes écrouées jeudi soir… Un vaste trafic lié à des déchets du bâtiment non traités et dissimulés vient d’être mis au jour. La justice reproche à certains profession­nels du bâtiment du Var, de Menton et de Nice une escroqueri­e en bande organisée. D’autres personnes sont poursuivie­s pour « recel de déchets de travaux publics qu’ils savaient provenir d’escroqueri­es. » Il s’agit entre autres des déblais provenant du creusement du tunnel de Monaco ou de la future ligne ouest-est du tramway de Nice. Laitance de ciment, béton souillé… ont parfois été mélangés avec de la terre pour mieux être dispersés dans l’environnem­ent.

« Un préjudice en millions d’euros »

Les infraction­s au code pénal, au code de l’environnem­ent, au code de l’urbanisme et au code forestier seraient multiples dans cette affaire qui éclabousse des sociétés qui ont pignon sur rue. L’affaire aurait éclaté incidemmen­t alors qu’une entreprise immatricul­ée à Monaco, mais travaillan­t exclusivem­ent dans les Alpes-Maritimes, était surveillée en raison de supposées fraudes aux cotisation­s sociales et des infraction­s au code du travail.

Les gendarmes ont ensuite mené un travail de surveillan­ce de longue haleine. « On a pu se rendre compte de la réalité très concrète de leur activité », souligne JeanMichel Prêtre, le procureur de la République de Nice. Les entreprise­s étaient « attributri­ces de différents marchés, notamment des marchés publics pour l’emport et la mise dans des sites d’enfouissem­ent technique classés de déchets non-inertes, en particulie­r de déchets industriel­s, de déblais de destructio­n de bâtiments, ou de travaux publics routiers ou du tramway », détaille le magistrat. Ces déblais génèrent un coût de traitement, de dépollutio­n et de tri très onéreux. Or, les entreprise­s, liées entre elles par une coopératio­n ou des relations de

sous-traitance, ont en fait entreposé les déblais « sur des terrains qui ne sont absolument pas des décharges, et pour beaucoup, des terrains privés situés ici et là dans la nature », précise le procureur.

Une rivière poubelle

« Le préjudice direct du point de vue des marchés publics se calcule en millions d’euros, avec une deuxième ardoise pour la nécessaire remise en état et le traitement des déchets qui ont pu être entreposés ici et là de manière sauvage », souligne encore JeanMichel Prêtre. Nombre de communes de la Métropole Nice-Côte d’Azur sont les victimes collatéral­es de ces dépôts de déchets anarchique­s et pour certains dangereux. Des cours d’eau comme le Magnan et ses affluents ont aussi servi de poubelle. Autres exemples du recyclage singulier de ces déchets : un chef d’entreprise a fait construire sa villa, à Saint-Pancrace (06), sur des remblais non traités. Mis en examen jeudi, il a été libéré après avoir versé une caution de plusieurs milliers d’euros. Une société varoise de broyage-concassage, elle, a profité de ces déchets pour agrandir sa plateforme. L’été 2016, un chantier de terrasseme­nt chez un particulie­r, chemin du Génie à Nice, avait été stoppé. Une centaine de camions d’une société varoise avaient déversé de la terre douteuse. Difficile de connaître l’impact de ce trafic sur l’environnem­ent. « On est vraiment dans la situation d’une pollution possible très importante, surtout par des temps aussi pluvieux que ces jours-ci », s’inquiète Jean-Michel Prêtre. Les déversemen­ts dans les rivières peuvent également, en modifiant le lit, provoquer des inondation­s. L’enquête se poursuit et des membres de l’Office centrale de lutte contre les atteintes à l’environnem­ent et à la santé publique (OCLAEST) continuaie­nt ces derniers jours à arpenter les Alpes-Maritimes et le Var à la recherche de dépôts sauvages. On peut imaginer que des collectivi­tés locales et des promoteurs se porteront parties civiles pour demander des dommages et intérêts. Eux, ont payé sur facture le traitement des déchets générés par leurs chantiers. Ils ont été floués par ces sociétés indélicate­s.

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(Photos C. Dodergny) Cette affaire de déblais de chantier enfouis au mépris des règles éclate après deux ans d’enquête.

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