De nouvelles pistes chirurgicales et médicamenteuses
Algie vasculaire de la face La stimulation occipitale comme traitement de fond, des implants contre les crises et demain, peut-être, de nouveaux médicaments : des progrès ont lieu sur tous les fronts
Les progrès permis par la SCP se sont malheureusement heurtés assez vite à l’apparition de complications graves chez quelques patients opérés à travers la planète. « Des équipes ont décrit des hémorragies intracérébrales, ce qui nous a conduits à rechercher des alternatives à cette technique opératoire », commente le Pr Fontaine. Et, de façon totalement empirique, des scientifiques ont découvert qu’une technique utilisée pour traiter la névralgie occipitale, une affection également responsable de maux de tête terriblement douloureux, était très efficace contre l’algie vasculaire de la face. « Beaucoup moins invasive que la SCP, cette technique de neuromodulation consiste à implanter dans le haut de la nuque deux électrodes sous-cutanées. Ces électrodes sont reliées par des fils sous-cutanés à un neuro-stimulateur sous-cutané implanté dans la région abdominale et commandé par le malade; il peut grâce à une télécommande augmenter la stimulation, la diminuer voire éteindre le dispositif.» Une fois en fonctionnement, la stimulation occipitale agit comme un traitement de fond de l’AVF.
Nice, observatoire national
Très vite, les spécialistes niçois ont inclu cette approche dans l’arsenal thérapeutique. Et ils ont même choisi d’aller plus loin. « Plutôt que de travailler isolément, nous avons décidé d’établir un registre national des malades traités par neuromodulation en France. Nous avons colligé quelque 105 cas – soit un nombre très élevé pour une maladie considérée comme rare – et pu ainsi établir que ce traitement marchait de manière remarquable, avec 50 % d’excellents répondeurs : la fréquence de leurs crises diminue de 90 %. Ces patients évoquent une amélioration de 100 % de leur qualité
de vie. » En dépit de sensations permanentes de fourmillements à l’arrière de la tête. « Beaucoup finissent par les oublier. Certains patients sont néanmoins gênés pour s’endormir et coupent la stimulation. D’autres, nombreux, ont peur que des crises ne surgissent et laissent le dispositif allumé toute la nuit. »
Des effets indésirables qui restent dans tous les cas parfaitement supportables, pour des malades qui ont souffert, pendant des années parfois, de douleurs insupportables. « Plus contrariant, il demeure 20 % de patients qui répondent peu à la stimulation occipitale, et 30 % qui ne répondent pas du tout à cette technique, sans qu’on sache pourquoi ces patients sont réfractaires. » D’autres placements des électrodes ont été envisagés pour ces patients, notamment au niveau de l’orbite, mais, mal tolérés, ils ont été abandonnés. « Aujourd’hui la stimulation occipitale reste une des solutions les plus performantes. Et son efficacité pourrait être encore améliorée : on utilise en effet jusqu’à présent du matériel non spécifique, habituellement indiqué pour la stimulation médullaire (dans la moelle), précise le Pr Fontaine. Or, la société Medtronic vient d’obtenir un marquage CE pour de nouvelles électrodes spécifiquement dédiées à la stimulation occipitale. Ce marquage a été conditionné au niveau européen à l’appartenance à l’observatoire que nous avons mis en place à Nice. » Un vrai motif de fierté pour les équipes niçoises, reconnues officiellement par les instances européennes et internationales comme parmi les plus expertes dans le traitement de l’AVF.
Des avancées pour les traitements des crises
Si la prise en charge chirurgicale des formes chroniques progresse, des avancées sont aussi à noter dans le traitement des crises. « De façon encore empirique, il a été mis en évidence par des équipes américaines une implication du ganglion sphéno-palatin (faisceau nerveux situé derrière la racine du nez, Ndlr) dans les crises, et plus précisément dans les signes végétatifs: larmoiements, écoulement nasal, rougeurs de la face. À partir de cette observation, un petit dispositif (un stimulateur) a été mis au point. Implanté à demeure en arrière du sinus maxillaire, ce système fonctionne comme un traitement de la crise ; lorsqu’elle démarre, le patient peut activer le stimulateur en posant contre sa joue un émetteur magnétique, pendant 3
à 5 minutes Nous avons participé aux premières études qui ont permis de confirmer l’efficacité de ce dispositif. Aujourd’hui, il est commercialisé en Allemagne et en Europe du Nord; 150 à 200 malades en ont déjà bénéficié.» Jusqu’à présent, les patients français ont dû ronger – dans la douleur – leur frein, le dispositif n’étant pas commercialisé – ni remboursé – sur notre territoire. Une excellente nouvelle : « Nous sommes heureux d’avoir participé à obtenir un “forfait innovation” par la Haute autorité de santé qui va permettre le remboursement de ce dispositif médical, dont 50 à 60 patients en France devraient pouvoir bénéficier dans les six prochains mois.» De quoi rendre le sourire à des personnes que la fréquentation avec la pire des douleurs a fait perdre depuis longtemps.