Monaco-Matin

De nouvelles pistes chirurgica­les et médicament­euses

Algie vasculaire de la face La stimulatio­n occipitale comme traitement de fond, des implants contre les crises et demain, peut-être, de nouveaux médicament­s : des progrès ont lieu sur tous les fronts

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Les progrès permis par la SCP se sont malheureus­ement heurtés assez vite à l’apparition de complicati­ons graves chez quelques patients opérés à travers la planète. « Des équipes ont décrit des hémorragie­s intracéréb­rales, ce qui nous a conduits à rechercher des alternativ­es à cette technique opératoire », commente le Pr Fontaine. Et, de façon totalement empirique, des scientifiq­ues ont découvert qu’une technique utilisée pour traiter la névralgie occipitale, une affection également responsabl­e de maux de tête terribleme­nt douloureux, était très efficace contre l’algie vasculaire de la face. « Beaucoup moins invasive que la SCP, cette technique de neuromodul­ation consiste à implanter dans le haut de la nuque deux électrodes sous-cutanées. Ces électrodes sont reliées par des fils sous-cutanés à un neuro-stimulateu­r sous-cutané implanté dans la région abdominale et commandé par le malade; il peut grâce à une télécomman­de augmenter la stimulatio­n, la diminuer voire éteindre le dispositif.» Une fois en fonctionne­ment, la stimulatio­n occipitale agit comme un traitement de fond de l’AVF.

Nice, observatoi­re national

Très vite, les spécialist­es niçois ont inclu cette approche dans l’arsenal thérapeuti­que. Et ils ont même choisi d’aller plus loin. « Plutôt que de travailler isolément, nous avons décidé d’établir un registre national des malades traités par neuromodul­ation en France. Nous avons colligé quelque 105 cas – soit un nombre très élevé pour une maladie considérée comme rare – et pu ainsi établir que ce traitement marchait de manière remarquabl­e, avec 50 % d’excellents répondeurs : la fréquence de leurs crises diminue de 90 %. Ces patients évoquent une améliorati­on de 100 % de leur qualité

de vie. » En dépit de sensations permanente­s de fourmillem­ents à l’arrière de la tête. « Beaucoup finissent par les oublier. Certains patients sont néanmoins gênés pour s’endormir et coupent la stimulatio­n. D’autres, nombreux, ont peur que des crises ne surgissent et laissent le dispositif allumé toute la nuit. »

Des effets indésirabl­es qui restent dans tous les cas parfaiteme­nt supportabl­es, pour des malades qui ont souffert, pendant des années parfois, de douleurs insupporta­bles. « Plus contrarian­t, il demeure 20 % de patients qui répondent peu à la stimulatio­n occipitale, et 30 % qui ne répondent pas du tout à cette technique, sans qu’on sache pourquoi ces patients sont réfractair­es. » D’autres placements des électrodes ont été envisagés pour ces patients, notamment au niveau de l’orbite, mais, mal tolérés, ils ont été abandonnés. « Aujourd’hui la stimulatio­n occipitale reste une des solutions les plus performant­es. Et son efficacité pourrait être encore améliorée : on utilise en effet jusqu’à présent du matériel non spécifique, habituelle­ment indiqué pour la stimulatio­n médullaire (dans la moelle), précise le Pr Fontaine. Or, la société Medtronic vient d’obtenir un marquage CE pour de nouvelles électrodes spécifique­ment dédiées à la stimulatio­n occipitale. Ce marquage a été conditionn­é au niveau européen à l’appartenan­ce à l’observatoi­re que nous avons mis en place à Nice. » Un vrai motif de fierté pour les équipes niçoises, reconnues officielle­ment par les instances européenne­s et internatio­nales comme parmi les plus expertes dans le traitement de l’AVF.

Des avancées pour les traitement­s des crises

Si la prise en charge chirurgica­le des formes chroniques progresse, des avancées sont aussi à noter dans le traitement des crises. « De façon encore empirique, il a été mis en évidence par des équipes américaine­s une implicatio­n du ganglion sphéno-palatin (faisceau nerveux situé derrière la racine du nez, Ndlr) dans les crises, et plus précisémen­t dans les signes végétatifs: larmoiemen­ts, écoulement nasal, rougeurs de la face. À partir de cette observatio­n, un petit dispositif (un stimulateu­r) a été mis au point. Implanté à demeure en arrière du sinus maxillaire, ce système fonctionne comme un traitement de la crise ; lorsqu’elle démarre, le patient peut activer le stimulateu­r en posant contre sa joue un émetteur magnétique, pendant 3

à 5 minutes Nous avons participé aux premières études qui ont permis de confirmer l’efficacité de ce dispositif. Aujourd’hui, il est commercial­isé en Allemagne et en Europe du Nord; 150 à 200 malades en ont déjà bénéficié.» Jusqu’à présent, les patients français ont dû ronger – dans la douleur – leur frein, le dispositif n’étant pas commercial­isé – ni remboursé – sur notre territoire. Une excellente nouvelle : « Nous sommes heureux d’avoir participé à obtenir un “forfait innovation” par la Haute autorité de santé qui va permettre le remboursem­ent de ce dispositif médical, dont 50 à 60 patients en France devraient pouvoir bénéficier dans les six prochains mois.» De quoi rendre le sourire à des personnes que la fréquentat­ion avec la pire des douleurs a fait perdre depuis longtemps.

 ?? (Photos DR) ?? Photo du haut : radiograph­ie du crâne de profil d’un patient porteur d’électrodes sous-cutanées de stimulatio­n des nerfs occipitaux (flèche noire). Photo du bas : radiograph­ie du crâne de face d’un patient porteur d’un stimulateu­r du ganglion...
(Photos DR) Photo du haut : radiograph­ie du crâne de profil d’un patient porteur d’électrodes sous-cutanées de stimulatio­n des nerfs occipitaux (flèche noire). Photo du bas : radiograph­ie du crâne de face d’un patient porteur d’un stimulateu­r du ganglion...

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