Crise migratoire : les défis à la frontière et en Europe
Au musée océanographique, les Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée ont invité plusieurs intellectuels dont le journaliste italien venu évoquer le problème des migrants
C’est un triste sujet qui ne doit pas être éludé parce qu’il dérange.» Vendredi après-midi, dans le cadre des « Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée », présidées par Élisabeth Bréaud, le journaliste et écrivain italien Alberto Toscano a fait un brillant exposé sur la crise des migrants. Lui qui est l’invité de très nombreuses émissions de télévision et de radio françaises, sait décrypter avec brio l’actualité politique de la France et de l’Italie notamment. Au musée océanographique vendredi après-midi, devant un public en quête d’informations justes, en marge des querelles et positions politiques, le journaliste et écrivain a évoqué la tragédie des migrants. « Aujourd’hui, Ulysse est noir et meurt en Méditerranée» a introduit Daniel Rondeau, président de séance, écrivain et ancien ambassadeur de France. Alberto Toscano a replacé ce drame humain auquel son pays, mais aussi toute l’Europe, est confronté, dans un contexte qui évolue d’années en années. En octobre 2013, le naufrage de Lampedusa coûtant la vie à 366 migrants provoque une profonde émotion en Italie. Enrico Letta, alors président du Conseil, déclenche le plan Mare Nostrum. L’objectif ? Donner les moyens militarohumanitaires pour secourir les clandestins et dissuader les passeurs. « Une opération dans le but de sauver les étrangers qui voulaient rentrer en Europe de manière irrégulière», explique Alberto Toscano. Le journaliste reprend les propos du pape François qui explique alors qu’ «on ne peut tolérer que la Méditerranée devienne un grand cimetière. »
Sauver puis surveiller
L’opération Mare Nostrum a été remplacée par l’opération Triton de Frontex en novembre 2014. «Il y a une différence conceptuelle. Avec Mare Nostrum, il s’agissait de sauver des vies. Triton, c’est d’abord et avant tout surveiller dans les eaux territoriales européennes. » Et de donner des chiffres : 13 000 migrants en 2012; 154000 en 2015; 159 000 en 2 016 ; 119 000 en 2 017. Alberto Toscano souligne cette baisse de 34 % entre 2016 et 2017. «L’accord fondamental est celui de juin 2018 entre Rome et Tripoli. Les forces libyennes contrôlent les côtes en contrepartie d’aides économiques. Le nombre de migrants est limité. Ce n’est pas une solution structurelle. Les populations de migrants en Libye et dans les autres pays de transit sont exposées à des risques énormes et le chemin du retour est particulièrement compliqué. » La situation actuelle est «un défi historique pour l’Italie et l’Europe. Il faut comprendre les causes, les raisons et les modalités de ces phénomènes. L’inquiétude des Italiens s’est répercutée sur les élections législatives du 4 mars dernier. Nous Européens avons des responsabilités directes et indirectes. Aujourd’hui, on paie le prix du chaos militaire. Ne pas partager avec l’Italie l’effort signifie tout faire pour favoriser l’immigration clandestine. C’est la politique de l’autruche. Ce qui compte, c’est faire l’Europe des peuples, pas celle des patries. Ça pose le problème de nos valeurs car nous défendons notre identité en défendant nos valeurs. L’Europe actuelle est donc confrontée à un véritable défi culturel. Et les intellectuels
européens ont, dans ce contexte, un rôle fondamental. »